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25/10/2012 | FRANCE | N°12DA00352

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 25 octobre 2012, 12DA00352


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 27 février 2012 et régularisée par la production de l'original le 7 mars 2012, présentée pour M. Thierry A, demeurant ... par Me E. Lequien, avocat ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104844 du 8 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord en date du 21 août 2011 lui faisant obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, fixant le

pays de renvoi et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 27 février 2012 et régularisée par la production de l'original le 7 mars 2012, présentée pour M. Thierry A, demeurant ... par Me E. Lequien, avocat ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104844 du 8 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord en date du 21 août 2011 lui faisant obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 392 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à Me E. Lequien dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christophe Hervouet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public,

- et les observations de Me E. Lequien, avocat, pour M. A ;

Considérant que M. A relève appel du jugement du 8 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 août 2011 du préfet du Nord lui faisant obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire français :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusée à l'étranger (...) " ; que M. A, ressortissant de la république démocratique du Congo, ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français, ni d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'il se trouve ainsi dans le cas où, en application des dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut lui faire l'obligation de quitter le territoire français ;

Considérant, d'autre part, que M. A fait valoir qu'il est présent en France depuis 2002, qu'il y a noué des attaches personnelles et qu'il vit auprès de sa mère malade ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire national en dépit d'une précédente mesure d'éloignement, qui lui a été notifiée le 5 décembre 2008 ; que l'intensité de ses liens personnels, du fait d'une présence alléguée depuis neuf ans sur le territoire français n'est pas justifiée par les attestations produites ; qu'il n'établit pas être isolé dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-deux ans et dans lequel se trouvent ses trois enfants ; que, dès lors, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants " ;

Considérant que par les pièces produites datées des mois de juillet et d'août 2001, M. A ne justifie pas de motifs sérieux et avérés de croire qu'il serait exposé à un risque réel pour sa personne en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 15 octobre 2003 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la commission des recours des réfugiés le 11 février 2005 ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées doit être écarté ;

Sur la décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français :

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête ;

Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français (...) / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ; que cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour prononcer la mesure d'interdiction de retour pour une durée d'un an à l'encontre de M. A, le préfet du Nord, après s'être prononcé lors de l'examen des autres mesures, notamment sur l'absence de méconnaissance des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, s'est borné à prendre en compte les circonstances que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille, qu'il a passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine où il n'établit pas être dépourvu d'attaches lesquelles ainsi que sa vie familiale sont essentiellement constituées en République démocratique du Congo, et qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré ; qu'une telle motivation n'atteste dès lors pas de la prise en compte par le préfet du Nord, au vu de la situation du requérant, de l'ensemble des critères prévus par la loi ; que, par suite, M. A est fondé à demander l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 août 2011 du préfet du Nord en tant qu'il prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ; que l'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me E. Lequien, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 750 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du préfet du Nord en date du 21 août 2011 est annulé en tant qu'il prononce à l'encontre de M. A une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Le jugement du 8 décembre 2011 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A tendant à l'annulation, dans la même mesure, de l'arrêté du préfet.

Article 2 : L'Etat versera à Me E. Lequien une somme de 750 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Thierry A et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

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N°12DA00352


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12DA00352
Date de la décision : 25/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Nowak
Rapporteur ?: M. Christophe Hervouet
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : LEQUIEN - LACHAL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-10-25;12da00352 ?
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