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31/12/2012 | FRANCE | N°12DA00706

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 31 décembre 2012, 12DA00706


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 15 mai 2012 et régularisée par la production de l'original le 16 mai 2012, présentée pour M. Moussa Alassane A, demeurant ..., par Me Mary, avocat ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103072 du 2 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 mai 2011 du préfet de la Seine-Maritime rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoi

re français et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 15 mai 2012 et régularisée par la production de l'original le 16 mai 2012, présentée pour M. Moussa Alassane A, demeurant ..., par Me Mary, avocat ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103072 du 2 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 mai 2011 du préfet de la Seine-Maritime rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat et au bénéfice de Me Mary la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christophe Hervouet, président-assesseur ;

1. Considérant que M. A, ressortissant mauritanien, relève appel du jugement du 2 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 mai 2011 du préfet de la Seine-Maritime rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que prétend M. A, la décision de refus de séjour, qui ne présente pas un caractère stéréotypé, précise de manière suffisamment circonstanciée les éléments tenant à sa situation personnelle ; que par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que M. A soutient comme en première instance que la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ; que, dès lors, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal, d'écarter ces moyens ; que, par ailleurs, la seule circonstance, dont M. A fait état pour la première fois en appel, qu'il soit suivi par une psychologue dans un hôpital havrais ne suffit pas à invalider la position des premiers juges ;

Sur la légalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant, en premier lieu, que tout justiciable peut faire valoir, par voie d'exception, qu'après l'expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister, ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives, y compris en ce qu'elles ne prévoient pas des droits ou des obligations prévues par ces dernières ; qu'il peut également se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires ; qu'en revanche, lorsque ces mesures de transposition ont été prises, il ne saurait se prévaloir de telles dispositions d'une directive au soutien d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, sauf pour lui à soutenir à bon droit que ces mesures de transposition seraient néanmoins incompatibles avec les objectifs de la directive ;

5. Considérant, qu'aux termes de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée : " 1. Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles " ; qu'aux termes de la dernière phrase du premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction à la date de l'arrêté en litige : " L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) / - refusent une autorisation (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

6. Considérant que les dispositions précitées de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 sont précises et inconditionnelles ; que, par suite, le délai de transposition de cette directive prévu à l'article 20 ayant expiré le 24 décembre 2010, elles sont d'effet direct ; que les dispositions précitées de la dernière phrase du premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec celles précitées du 1 de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 et, qu'en conséquence, ces dispositions législatives doivent demeurer inappliquées ; que, toutefois, trouvent, dès lors, à s'appliquer les dispositions précitées des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, qui imposent la motivation des décisions refusant la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, ou retirant un tel titre, mais également de celles faisant obligation de quitter le territoire français, lesquelles constituent des mesures de police ; que les dispositions de la loi du 11 juillet 1979, en ce qu'elles s'appliquent à une telle obligation, sont propres à assurer la transposition du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008, et ne sont pas incompatibles avec les objectifs de ce paragraphe, ce qui n'est au demeurant pas contesté ; que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement ; que, dès lors que, comme en l'espèce, ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de cette obligation n'implique pas, par conséquent, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, dispositions légales au regard desquelles doit être apprécié le caractère suffisant ou non de cette motivation ; qu'il suit de là que le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 susvisée : " La présente directive fixe les normes et procédures communes à appliquer dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, conformément aux droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit communautaire ainsi qu'au droit international, y compris aux obligations en matière de protection des réfugiés et de droits de l'homme " ; qu'aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. (...) " ; que cette disposition n'étant pas applicable aux décisions individuelles prises par les Etats membres, le moyen tiré de sa méconnaissance par le préfet d'un des droits qu'elle prévoit est inopérant ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru lié par sa décision de refus de séjour pour édicter l'obligation de quitter le territoire français ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant, en premier lieu, que la décision fixant le pays de destination, qui vise les dispositions de l'article L. 513-2 et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qui énonce que M. A n'établit pas être exposé à des peines ou traitement contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine, est suffisamment motivée ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'alors même que les documents dont il a été saisi sont les mêmes que ceux examinés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, le préfet se serait uniquement fondé sur les seules décisions de cette administration et de cette juridiction pour estimer qu'il n'était exposé à aucune menace en cas de retour dans son pays d'origine ; que par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa compétence ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; que M. A ne produit pas le moindre élément de nature à établir la réalité des menaces dont il se prévaut en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée le 29 juin 2009 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, décision confirmée le 23 juillet 2010 par la Cour nationale du droit d'asile ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées doit, par suite, être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Moussa Alassane A et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

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N°12DA00706


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12DA00706
Date de la décision : 31/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Nowak
Rapporteur ?: M. Christophe (AC) Hervouet
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : SELARL MARY INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-12-31;12da00706 ?
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