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05/02/2013 | FRANCE | N°12DA00229

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 05 février 2013, 12DA00229


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 10 février 2012 et régularisée par la production de l'original le 23 février 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. D...A..., demeurant..., par Me Frison, avocat ; M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0701927-0905525 du 25 novembre 2011 en ce que le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Hébuterne à lui verser une somme de 14 490 euros, avec intérêts à taux légal à compter du 5 juin 2009 ;

2°) de condamner la commune de Hébuterne à lui ve

rser une somme de 27 535 euros au titre du préjudice de jouissance, assortie des i...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 10 février 2012 et régularisée par la production de l'original le 23 février 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. D...A..., demeurant..., par Me Frison, avocat ; M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0701927-0905525 du 25 novembre 2011 en ce que le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Hébuterne à lui verser une somme de 14 490 euros, avec intérêts à taux légal à compter du 5 juin 2009 ;

2°) de condamner la commune de Hébuterne à lui verser une somme de 27 535 euros au titre du préjudice de jouissance, assortie des intérêts à compter du 5 juin 2009, date de réception de sa demande préalable par l'administration ;

3°) de condamner la commune de Hébuterne à lui verser une somme de 200 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'exploitation, assortie des intérêts à compter du 6 janvier 2007, date de réception de sa demande préalable par l'administration ;

4°) d'enjoindre à la commune de Hébuterne de mettre en conformité son réseau d'assainissement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un an après notification du " jugement " à intervenir, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative ;

5°) d'enjoindre à la commune de Hébuterne de lui mettre à disposition une pâture saine pour poursuivre son élevage, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

6°) de condamner la commune de Hébuterne à supporter les dépens, qui comprennent les frais d'expertise ;

7°) de mettre à la charge de la commune de Hébuterne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que la pâture qu'il exploite connaît une surmortalité de ses moutons ;

- qu'elle reçoit les eaux pluviales et les eaux usées de la commune de Hébuterne lors des débordements des fossés aménagés par la commune ;

- que la carence prolongée de la commune à mettre un terme au rejet des eaux polluées constitue une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- que le tribunal a commis une erreur d'appréciation en ne retenant pas la responsabilité de la commune du fait de la surmortalité ovine ;

- qu'aucune faute ou manquement ne peut lui être reproché ;

- qu'il convient de retenir non pas une période de dix ans au titre du préjudice subi comme l'a fait le tribunal administratif mais une période de quinze années car les débordements d'eau se poursuivent encore au jour du dépôt de sa requête ;

- que ce préjudice s'élève à 21 735 euros ;

- qu'il convient d'y ajouter les frais de déplacement de la bergerie de 2 800 euros, non retenus par le tribunal administratif ;

- qu'il a droit à une somme pouvant être évaluée à 3 000 euros au titre de l'allongement excessif de la procédure contentieuse ;

- qu'ainsi, l'évaluation du préjudice de jouissance est de 27 535 euros ;

- que, s'agissant des troubles dans les conditions d'exploitation, le tribunal a commis une erreur d'appréciation des faits ;

- que le rejet de la demande d'injonction n'est pas motivé, ni fondé, alors que la cause des désordres n'a toujours pas disparu ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 11 octobre 2012 et régularisé par la production de l'original le 15 octobre 2012, présenté pour la commune de Hébuterne, représentée par son maire en exercice, par MeB..., avocate ; elle conclut au rejet de la requête, à ce que soit prononcée la nullité du rapport déposé par M. C...le 31 décembre 2008, à l'annulation du jugement du 25 novembre 2011, en tant que le tribunal administratif de Lille l'a condamnée à verser à M. A...une somme de 14 490 euros, avec intérêts à taux légal à compter du 5 juin 2009 et une somme de " 1 000 euros " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à l'annulation du jugement en tant qu'il a mis à sa charge les frais de l'expertise prescrite par l'ordonnance de référé du 14 juin 2007 et, enfin, à la condamnation de M. A...à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- qu'il y a lieu de prononcer la nullité du rapport d'expertise déposé par M.C..., les parties ayant découvert les résultats d'analyse du laboratoire de l'Institut Pasteur qu'après dépôt de son rapport sans pouvoir en prendre connaissance au préalable ;

- que la demande n'est pas fondée ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 octobre 2012, présenté pour la commune de Hébuterne qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail, président-assesseur,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,

- les observations de MeB..., avocate, pour la commune de Hébuterne ;

1. Considérant que M.A..., éleveur d'ovins à Hébuterne, a constaté, à partir de 1996, une surmortalité dans le lot d'animaux situé au lieu-dit Le Marquoy, qu'il attribue au débordement des eaux pluviales et usées de la commune de Hébuterne, en provenance des fossés longeant les terres à usage de pâtures qu'il exploite ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Hébuterne à verser à M.A..., outre les frais d'expertise, une somme de 14 490 euros, avec intérêts à taux légal à compter du 5 juin 2009, en réparation des préjudices résultant de la carence de son maire, entre 1997 et 2005, au titre des pouvoirs de police ; que M. A...relève appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que les premiers juges ont omis de répondre aux conclusions de la commune de Hébuterne tendant à ce qu'il prononce la nullité du rapport d'expertise déposé par M. C...; qu'il s'ensuit que le jugement doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions ; qu'il appartient, en revanche, à la cour de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions ;

Sur les conclusions incidentes tendant à ce que soit prononcée la nullité de l'expertise de M. C... :

4. Considérant que, par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille du 9 mai 2008, M. C...a été désigné comme expert à l'effet de déterminer l'origine, la nature et l'importance de la pollution des parcelles ZM 55 à 58, ZM 60 et ZM 70 situées sur le territoire de la commune de Hébuterne et d'évaluer la nature, le coût et la durée des travaux requis pour la remise en état de ces parcelles pour la culture ou le pâturage ;

5. Considérant que la commune de Hébuterne invoque la nullité du rapport d'expertise, déposé le 31 décembre 2008, en faisant valoir que les parties ont découvert les résultats d'analyse du laboratoire de l'Institut Pasteur sur des prélèvements d'échantillons de sol, réalisés contradictoirement avec les parties, qu'après dépôt du rapport sans pouvoir en prendre connaissance, au préalable, et en discuter le contenu ; que l'expert aurait ainsi méconnu le caractère contradictoire de la procédure ;

6. Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'expert a répondu à sa mission en détaillant les différentes causes qui pouvaient être à l'origine de la pollution des parcelles en question ; que, pour regrettable que soit ce défaut de communication aux parties, préalablement à la remise de son rapport, des résultats d'analyse des échantillons de sol, l'irrégularité de l'expertise n'est pas établie ; qu'ainsi, la commune de Hébuterne, si elle peut contester le bien-fondé des conclusions de l'expert, n'est pas fondée à demander que son rapport soit écarté comme irrégulier ; qu'en tout état de cause, l'irrégularité du rapport ne ferait pas obstacle à ce que les constatations et éléments descriptifs qu'il contient soient retenus par la cour à titre d'information, dès lors que les parties ont pu présenter leurs observations au cours de l'instruction contradictoire menée après le dépôt du rapport ;

Sur les conclusions principales :

Sur la responsabilité de la commune de Hébuterne :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat, de la police municipale (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. (...) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature (...) " ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1331-1-1 du code de la santé publique : " I. - Les immeubles non raccordés au réseau public de collecte des eaux usées sont équipés d'une installation d'assainissement non collectif dont le propriétaire fait régulièrement assurer l'entretien et la vidange par une personne agréée par le représentant de l'Etat dans le département, afin d'en garantir le bon fonctionnement (...) II. (...) .En cas de non-conformité de son installation d'assainissement non collectif à la réglementation en vigueur, le propriétaire fait procéder aux travaux prescrits par le document établi à l'issue du contrôle, dans un délai de quatre ans suivant sa réalisation. " ;

9. Considérant que le maire de la commune de Hébuterne n'a pris aucune mesure entre 1997 et 2007, date des premières démarches de la commune pour la mise aux normes des installations d'assainissement, et ne justifie d'aucune mesure coercitive pour faire cesser les rejets d'eaux polluées de l'année 2010, date d'expiration du délai de quatre ans visé au II de l'article L. 1331-1-1 du code susvisé, au jour du présent arrêt, au titre de ses pouvoirs de police, pour prévenir et faire cesser les inondations sur les terrains de M. A...et faire cesser les rejets d'effluents pollués provenant des bâtiments et habitations situés en amont des pâtures ; que cette carence sur une telle période, dont rien n'indique qu'elle a pris fin, constitue une faute engageant la responsabilité de la commune ;

10. Considérant que, si M. A...soutient que la mortalité subie par son troupeau résulte de l'inondation de ses pâtures par les eaux polluées provenant des fossés qui recueillent les eaux pluviales et les eaux usées de plusieurs habitations et bâtiments ne respectant pas les normes sanitaires en matière de rejet des effluents, les différents rapports, établis dans le cadre des instances introduites par M.A..., n'établissent pas de manière certaine le lien de causalité entre ces pollutions et la surmortalité invoquée par le demandeur ; que, par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille n'a pas retenu la responsabilité de la commune de Hébuterne pour la surmortalité de ses ovins ;

Sur les préjudices de M.A... :

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'expertise de M. C...du 31 décembre 2008 chargé, notamment, d'évaluer le coût des travaux de remise en état des parcelles pour la culture ou le pâturage, que l'indemnité réparant le préjudice pour l'impropriété des pâtures pour l'usage agricole subi par M.A..., doit inclure, sur une période de douze ans, de 1997 à 2007 et de 2010 au jour du prononcé du présent arrêt, le préjudice de jouissance et le coût de déplacement de la bergerie ; que cette indemnité doit être fixée à la somme de 20 188 euros, et non à celle de 14 490 euros fixée par le tribunal administratif de Lille ;

12. Considérant que, si M. A...demande une somme de 3 000 euros pour durée excessive et anormale de la procédure, le trouble ainsi créé dans ses conditions d'existence n'est toutefois pas établi ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Considérant qu'en vertu de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, il n'appartient pas au juge administratif de prononcer des injonctions à l'égard de l'administration autres que celles qu'impliquent nécessairement ses jugements ; qu'ainsi, M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que son jugement n'impliquait pas que la commune de Hébuterne mette une pâture saine à la disposition du demandeur ou mette en conformité son réseau d'assainissement ;

Sur les frais de l'expertise prescrite par l'ordonnance de référé du 14 juin 2007 :

14. Considérant que les conclusions de l'expertise susvisée ont été utiles à la solution du litige ; que, par suite, la commune de Hébuterne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les frais de l'expertise ont été mis à sa charge par le jugement attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

16. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la commune de Hébuterne doivent, dès lors, être rejetées ;

17. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Hébuterne à verser à M. A...une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 25 novembre 2011 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions incidentes de la commune de Hébuterne tendant à ce qu'il prononce la nullité du rapport d'expertise de M.C....

Article 2 : La somme de 14 490 euros, avec intérêts à taux légal à compter du 5 juin 2009, que la commune de Hébuterne a été condamnée à verser à M.A..., par le jugement du 25 novembre 2011 du tribunal administratif de Lille, est portée à la somme de 20 188 euros.

Article 3 : Le jugement nos 0701927-0905525 du 25 novembre 2011 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de Hébuterne versera à M. A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...et des conclusions de la commune de Hébuterne sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et à la commune de Hébuterne.

Délibéré après l'audience publique du 15 janvier 2013 à laquelle siégeaient :

- M. Daniel Mortelecq, président de chambre,

- M. Marc Lavail, président-assesseur,

- Mme Perrine Hamon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 février 2013.

Le rapporteur,

Signé : M. LAVAILLe président de chambre,

Signé : D. MORTELECQ

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

Marie-Thérèse Lévèque

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N°12DA00229


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12DA00229
Date de la décision : 05/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Santé publique - Protection générale de la santé publique - Police et réglementation sanitaire.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Marc Lavail
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : GESICA AMIENS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2013-02-05;12da00229 ?
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