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04/02/2014 | FRANCE | N°13DA00915

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 04 février 2014, 13DA00915


Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2013, présentée pour le préfet du Loiret, par Me B... E...; le préfet demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301349 du 21 mai 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, à la demande de M. F...D..., a annulé les décisions du 16 mai 2013 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) de mettre à la charge de M. D...la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrati

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Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2013, présentée pour le préfet du Loiret, par Me B... E...; le préfet demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301349 du 21 mai 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, à la demande de M. F...D..., a annulé les décisions du 16 mai 2013 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) de mettre à la charge de M. D...la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Daniel Mortelecq, premier vice-président,

- les observations de Me Marie Verilhac, avocate de M.D... ;

1. Considérant que M.D..., ressortissant ivoirien né le 1er janvier 1978, déclare être entré en France en 2008 ; qu'il a présenté une demande d'admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile par une décision du 13 janvier 2009, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 février 2009 ; que M. D...a présenté au préfet de la Seine-Maritime, le 17 mars 2011, une demande de réexamen de sa demande d'asile ; que, par une décision du 31 mars 2011, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté cette nouvelle demande et, le 6 mars 2012, la Cour nationale du droit d'asile a confirmé cette décision ; que M. D...a été interpellé par les services de police à Orléans le 16 mai 2013 ; que, le même jour, le préfet du Loiret a pris à son encontre une décision lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité, portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit et ordonnant son placement en rétention administrative ; que, par le jugement attaqué du 21 mai 2013, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M.D..., annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit et ordonnant son placement en rétention administrative en considérant que ces décisions étaient dépourvues de base légale ; que le préfet du Loiret relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ; qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée, notamment de l'article 1er de son dispositif, que le préfet du Loiret a pris à l'encontre de M. D... une décision de refus de titre de séjour ; que, dès lors, contrairement à ce qu'a jugé le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel M. D...pourra être reconduit ont pour base légale ce refus de titre de séjour ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le titre de séjour est délivré par le préfet du département dans lequel l'étranger a sa résidence et, à Paris, par le préfet de police (...) " ; que, si M. D...déclare résider au Havre et avoir déposé une demande de réexamen de sa situation auprès de la préfecture de la Seine-Maritime, il ressort des pièces du dossier, ainsi que de ses propres déclarations, qu'à la date de la décision attaquée, il résidait à Orléans chez un ami et y travaillait ; que, dès lors, le préfet du Loiret était territorialement compétent pour statuer sur sa demande de titre de séjour ; que, par suite, ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M.D..., annulé l'arrêté du 16 mai 2013 ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant le tribunal administratif de Rouen et la cour ;

5. Considérant que, par un arrêté du 2 avril 2013, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Loiret, Mme A...C..., directrice de la réglementation et des relations avec les usagers a reçu délégation à effet de signer un tel acte ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant que la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, dès lors, suffisamment motivée ;

7. Considérant que M. D...est célibataire, sans enfant à charge et ne dispose d'aucune attache familiale en France, alors que sa mère réside dans son pays d'origine, qu'il a quitté récemment ; que, dès lors, le préfet du Loiret n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.D... ;

Sur l'absence de délai de départ volontaire :

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée ;

9. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ;

10. Considérant qu'il ne résulte pas des dispositions de l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui fixent des critères objectifs sur la base desquels il y a lieu de d'estimer qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet d'une procédure de retour peut prendre la fuite, qu'elles seraient incompatibles avec les dispositions de la directive du 16 décembre 2008, que la loi du 16 juin 2011 a eu pour objet de transposer ; que, dès lors, doit être écarté le moyen tiré de l'absence de base légale de la décision contestée à raison de l'incompatibilité des dispositions précitées du II de l' article L. 511-1 avec celles de la directive du 16 décembre 2008 ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...ne dispose pas d'une domiciliation stable et n'est pas en mesure de présenter un document de voyage ou d'identité en cours de validité ; qu'il a déclaré aux services de police avoir l'intention de se soustraire à la mesure d'éloignement ; que, dès lors, M. D...ne peut être regardé comme présentant des garanties de représentations suffisantes ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. Considérant que la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, dès lors, suffisamment motivée ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée ;

14. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, auxquelles se réfère l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que, comme il a été dit au point 1 du présent arrêt, la demande d'asile présentée par M. D...a été rejeté à deux reprises par l'Office français de protection de réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ; que M. D...ne produit aucun élément de nature à prouver l'existence de risques réels et sérieux pour sa santé ou sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, le préfet du Loiret n'a pas méconnu les stipulations, ni les dispositions précitées ;

Sur le placement en rétention administrative :

15. Considérant que la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, dès lors, suffisamment motivée ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision de placement en rétention administrative, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée ;

17. Considérant que M.D..., comme il a été dit notamment au point 11 du précédent arrêt, ne peut être regardé comme présentant des garanties de représentation suffisantes ; que, dès lors, le préfet du Loiret n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Loiret est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée par M. D...en première instance ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

20. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D...la somme que le préfet du Loiret demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par M. D...soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1301349 en date du 21 mai 2013 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions du préfet du Loiret est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de M. D...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. F...D....

Copie sera adressée au préfet du Loiret.

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N°13DA00915


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13DA00915
Date de la décision : 04/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Daniel Mortelecq
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : DE VILLELE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-02-04;13da00915 ?
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