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22/05/2014 | FRANCE | N°13DA00578

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 22 mai 2014, 13DA00578


Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 18 avril et 31 décembre 2013, présentés pour la société CONTINENTAL FRANCE SNC, dont le siège social est Parc Industriel Sud, ZI Edison, 6 rue Jean-Baptiste Dumaire à Sarreguemines (57200), par le cabinet Jeantet associés AARPI ; la société CONTINENTAL FRANCE SNC demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003067 du 14 février 2013 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 5 octobre 2010 du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique annulant la décision du 24 mars 20

10 de l'inspecteur du travail et autorisant le licenciement de M. A...B......

Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 18 avril et 31 décembre 2013, présentés pour la société CONTINENTAL FRANCE SNC, dont le siège social est Parc Industriel Sud, ZI Edison, 6 rue Jean-Baptiste Dumaire à Sarreguemines (57200), par le cabinet Jeantet associés AARPI ; la société CONTINENTAL FRANCE SNC demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003067 du 14 février 2013 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 5 octobre 2010 du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique annulant la décision du 24 mars 2010 de l'inspecteur du travail et autorisant le licenciement de M. A...B...pour motif économique ;

2°) de rejeter la demande de M. B...;

3°) de mettre à la charge de M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- les observations de Me Patrick Thiebart, avocat de la société CONTINENTAL FRANCE SNC,

- les observations de Me Marie-Laure Dufresne-Castets, avocat de M. B...;

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) " ; qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que pour statuer sur les conclusions présentées par M. B...à l'encontre de la décision du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique en litige autorisant son licenciement pour motif économique, le tribunal administratif d'Amiens a visé les dispositions du code du travail dont il a fait application et n'a ainsi pas méconnu les dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

2. Considérant, en second lieu, qu'après avoir rappelé que l'administration saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé pour motif économique est tenue de s'assurer sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la réalité de la menace sur la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique en litige au motif que le licenciement de M. B...ne pouvait être regardé comme étant justifié par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de la société Continental d'une menace réelle et durable après avoir analysé la situation de la division " Passenger and Light Trucks Tire " (PLT) du groupe Continental au regard des allégations de la société quant au montant de ses ventes, à la baisse de la demande, au prix de revente des pneus de remplacement et à la situation d'endettement du groupe ; que le jugement attaqué est ainsi suffisamment motivé ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant que le groupe Continental, auquel appartient la société CONTINENTAL FRANCE SNC, est scindé en deux pôles d'activités dont l'activité " caoutchouc " laquelle est répartie en trois divisions comprenant notamment celle " Passenger and Light Trucks Tire " (PLT) correspondant à la production et la commercialisation de pneumatiques pour véhicules de tourisme et camions légers ; que la société CONTINENTAL FRANCE SNC qui est rattachée à cette division est composée de deux sites de production situés à Sarreguemines (Moselle) et Clairoix (Oise) ; que faisant valoir qu'à raison du ralentissement économique et du durcissement des conditions d'obtention du crédit qui a affecté le marché de l'automobile depuis la fin du premier semestre 2008, d'une exigence de réduction de prix des constructeurs automobiles, un important recul de la demande sur le marché des pneumatiques pour véhicules de tourisme et camionnettes a entraîné une surcapacité très importante de production de pneumatiques pour l'ensemble de la division PLT en 2009, la société requérante a demandé l'autorisation de procéder au licenciement de M. A... B..., membre titulaire du comité d'établissement, délégué du personnel et délégué syndical, à raison de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de cette division la conduisant à décider en 2009 la fermeture de son site de production de Clairoix ; que par une décision du 5 octobre 2010, le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a accordé à la société CONTINENTAL FRANCE SNC cette autorisation de licenciement pour ce seul motif tiré de la sauvegarde de la compétitivité de cette division ;

4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. (...) " ; que si la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise peut constituer un motif économique de licenciement, c'est à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe ;

5. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du document relatif à la motivation économique du projet de fermeture du site de Clairoix, actualisé en mai et novembre 2009, établi par la société CONTINENTAL FRANCE SNC, que la division PLT du groupe Continental représentait, pour l'année 2008, 22 % des parts de marché en Europe se plaçant devant l'ensemble des autres équipementiers automobiles et 7 % de parts de marché en Amérique du Nord la plaçant en quatrième position ; que cette division réalisait les trois quarts de son chiffre d'affaires sur le marché européen ; que depuis le début des années 2000, cette division a connu une croissance soutenue ininterrompue avec des ventes de pneumatiques de 27 % en huit ans et de 8,6 % sur la seule période comprise entre 2006 et 2008 ; que si un infléchissement a eu lieu, celui-ci concerne une période limitée à la fin de l'année 2008 jusqu'au cours de l'année 2009 ; qu'alors même que la marge brute d'exploitation a baissé de 2007 à 2009, le bénéfice opérationnel étant resté largement positif s'établissant à 16,9 % du chiffre d'affaires, la baisse de la demande sur le marché européen en 2008 n'a eu qu'un impact limité sur la division PLT de 1,5 % ; qu'en outre cette division qui affiche le meilleur taux de résultat opérationnel du groupe depuis 2004 a, en outre, un taux de marge opérationnelle de 10,1 % nettement supérieur à celui des autres équipementiers automobiles ; que si une baisse de la demande est intervenue au second semestre de l'année 2008 puis en 2009, celle-ci n'a pas affecté de manière substantielle les résultats de la division PLT en dépit de la diminution du volume des ventes alléguée à la fin de l'année 2009 par rapport à l'année 2008 ; qu'il suit de l'ensemble de ces éléments que la compétitivité de cette division du groupe Continental ne saurait être regardée comme menacée de façon substantielle ; que, dès lors, le licenciement de M. B... n'est pas justifié par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de cette division du groupe ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société CONTINENTAL FRANCE SNC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 5 octobre 2010 du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société CONTINENTAL FRANCE SNC le versement à M. B...d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société CONTINENTAL FRANCE SNC est rejetée.

Article 2 : La société CONTINENTAL FRANCE SNC versera à M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société CONTINENTAL FRANCE SNC, à M. A... B...et au ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social.

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N°13DA00578

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N° "Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 13DA00578
Date de la décision : 22/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. Nowak
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : CABINET JEANTET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-05-22;13da00578 ?
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