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22/05/2014 | FRANCE | N°13DA00696

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 22 mai 2014, 13DA00696


Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2013, présentée pour la société CONTINENTAL FRANCE SNC, dont le siège social est Parc Industriel Sud, ZI Edison, 6 rue Jean-Baptiste Dumaire à Sarreguemines (57200), par le cabinet Jeantet associés AARPI ; la société CONTINENTAL FRANCE SNC demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001529 du 14 février 2013 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 30 mars 2010 de l'inspecteur du travail de l'Oise autorisant le licenciement de M. A...B...pour motif économique ;

2°) de rejeter la demande de M

. B...;

3°) de mettre à la charge de M. B...une somme de 1 500 euros au titre...

Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2013, présentée pour la société CONTINENTAL FRANCE SNC, dont le siège social est Parc Industriel Sud, ZI Edison, 6 rue Jean-Baptiste Dumaire à Sarreguemines (57200), par le cabinet Jeantet associés AARPI ; la société CONTINENTAL FRANCE SNC demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001529 du 14 février 2013 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 30 mars 2010 de l'inspecteur du travail de l'Oise autorisant le licenciement de M. A...B...pour motif économique ;

2°) de rejeter la demande de M. B...;

3°) de mettre à la charge de M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- les observations de Me Patrick Thiebart, avocat de la société CONTINENTAL FRANCE SNC,

- les observations de Me Alexandra Soumeire, avocat de M. B...;

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Considérant que dans son mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif d'Amiens le 27 septembre 2012, M. B...a présenté des conclusions nouvelles tendant à l'annulation de la décision du 2 mars 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé rejetant son recours hiérarchique comme tardif ; que le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur la légalité de cette décision et qu'ainsi, son jugement doit être annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions dirigées contre cette décision ; qu'il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur ces conclusions et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. B...devant le tribunal administratif ;

Sur la légalité de la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé :

2. Considérant que lorsque le ministre rejette le recours hiérarchique qui lui est présenté contre la décision de l'inspecteur du travail statuant sur la demande d'autorisation de licenciement formée par l'employeur, sa décision ne se substitue pas à celle de l'inspecteur ; que, par suite, s'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre ces deux décisions, d'annuler, le cas échéant, celle du ministre par voie de conséquence de l'annulation de celle de l'inspecteur, des moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision du ministre ne peuvent être utilement invoqués, au soutien des conclusions dirigées contre cette décision ; qu'ainsi, les moyens présentés par M. B...à l'encontre de la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé rejetant son recours hiérarchique sont, en tout état de cause, inopérants ;

Sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail :

3. Considérant que le groupe Continental, auquel appartient la société CONTINENTAL FRANCE SNC, est scindé en deux pôles d'activités dont l'activité " caoutchouc " laquelle est répartie en trois divisions comprenant notamment celle " Passenger and Light Trucks Tire " (PLT) correspondant à la production et la commercialisation de pneumatiques pour véhicules de tourisme et camions légers ; que la société CONTINENTAL FRANCE SNC qui est rattachée à cette division est composée de deux sites de production situés à Sarreguemines (Moselle) et Clairoix (Oise) ; que faisant valoir qu'à raison du ralentissement économique et du durcissement des conditions d'obtention du crédit qui a affecté le marché de l'automobile depuis la fin du premier semestre 2008, d'une exigence de réduction de prix des constructeurs automobiles, un important recul de la demande sur le marché des pneumatiques pour véhicules de tourisme et camionnettes a entraîné une surcapacité très importante de production de pneumatiques pour l'ensemble de la division PLT en 2009, la société requérante a demandé l'autorisation de procéder au licenciement de M.B..., délégué du personnel, à raison de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de cette division la conduisant à décider en 2009 la fermeture de son site de production de Clairoix ; que par une décision du 30 mars 2010, l'inspecteur du travail de l'Oise a accordé à la société CONTINENTAL FRANCE SNC cette autorisation de licenciement pour ce seul motif tiré de la sauvegarde de la compétitivité de cette division ;

4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques (...) " ; que si la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise peut constituer un motif économique de licenciement, c'est à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe ;

5. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du document relatif à la motivation économique du projet de fermeture du site de Clairoix, actualisé en mai et novembre 2009, établi par la société CONTINENTAL FRANCE SNC, que la division PLT du groupe Continental représentait, pour l'année 2008, 22 % des parts de marché en Europe se plaçant devant l'ensemble des autres équipementiers automobiles et 7 % de parts de marché en Amérique du Nord la plaçant en quatrième position ; que cette division réalisait les trois quarts de son chiffre d'affaires sur le marché européen ; que depuis le début des années 2000, cette division a connu une croissance soutenue ininterrompue avec des ventes de pneumatiques de 27 % en huit ans et de 8,6 % sur la seule période comprise entre 2006 et 2008 ; que si un infléchissement a eu lieu, celui-ci concerne une période limitée à la fin de l'année 2008 jusqu'au cours de l'année 2009 ; qu'alors même que la marge brute d'exploitation a baissé de 2007 à 2009, le bénéfice opérationnel étant resté largement positif s'établissant à 16,9 % du chiffre d'affaires, la baisse de la demande sur le marché européen en 2008 n'a eu qu'un impact limité sur la division PLT de 1,5 % ; qu'en outre cette division qui affiche le meilleur taux de résultat opérationnel du groupe depuis 2004 a, en outre, un taux de marge opérationnelle de 10,1 % nettement supérieur à celui des autres équipementiers automobiles ; que si une baisse de la demande est intervenue au second semestre de l'année 2008 puis en 2009, celle-ci n'a pas affecté de manière substantielle les résultats de la division PLT en dépit de la diminution du volume des ventes alléguée à la fin de l'année 2009 par rapport à l'année 2008 ; qu'il suit de l'ensemble de ces éléments que la compétitivité de cette division du groupe Continental ne saurait être regardée comme menacée de façon substantielle ; que, dès lors, le licenciement de M. B... n'est pas justifié par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de cette division du groupe ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société CONTINENTAL FRANCE SNC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 30 mars 2010 de l'inspecteur du travail ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société CONTINENTAL FRANCE SNC le versement à M. B...d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 14 février 2013 du tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de M. B...tendant à l'annulation de la décision du 2 mars 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. B...devant le tribunal administratif d'Amiens tendant à l'annulation de la décision du 2 mars 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société CONTINENTAL FRANCE SNC est rejeté.

Article 4 : La société CONTINENTAL FRANCE SNC versera à M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société CONTINENTAL FRANCE SNC, à M. A... B...et au ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social.

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N°13DA00696


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 13DA00696
Date de la décision : 22/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. Nowak
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : CABINET JEANTET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-05-22;13da00696 ?
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