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14/10/2014 | FRANCE | N°13DA01990

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 14 octobre 2014, 13DA01990


Vu la requête, enregistrée le 11 décembre 2013, présentée pour Mme A...C..., demeurant..., par Me B...D...; Mme C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303694 du 26 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2013 du préfet du Nord rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté

attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour ...

Vu la requête, enregistrée le 11 décembre 2013, présentée pour Mme A...C..., demeurant..., par Me B...D...; Mme C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303694 du 26 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2013 du préfet du Nord rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à Me B...D..., en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Daniel Mortelecq, premier vice-président ;

1. Considérant que MmeC..., ressortissante camerounaise née le 2 février 1982, déclarant être entrée en France le 6 avril 2007 après avoir séjourné aux Pays-Bas, relève appel du jugement du 26 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2013 du préfet du Nord rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite ;

Sur le refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas, par l'arrêté attaqué, procédé à un examen particulier de la situation personnelle de MmeC... ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 623-1 du même code : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...). Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant aux mêmes fins. Elles sont portées à 10 ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée " ;

4. Considérant que, si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme étant le père ou la mère d'un enfant français ;

5. Considérant que Mme C...a déclaré être entrée en France le 6 avril 2007 alors que son visa, délivré par les autorités Néerlandaises, était expiré ; qu'elle a donné naissance à son fils Patrick le 26 juin 2007 à Lille et a été mise en possession, le 7 novembre 2007, d'un titre de séjour délivré, sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que son fils avait fait l'objet d'une reconnaissance de paternité par un ressortissant français, M.E..., les 21 mai 2007 et 2 juillet 2007 ; qu'il résulte cependant des pièces versées au dossier par le préfet du Nord que Mme C...a expressément déclaré au cours de son audition par les services de police que M. E...n'était pas le père biologique de l'enfant Patrick et qu'il avait frauduleusement reconnu la paternité de cet enfant dans le seul but de l'aider dans ses démarches pour obtenir un titre de séjour ;

6. Considérant qu'au regard de ces éléments, et alors que Mme C... se borne à soutenir que le caractère certain de la fraude n'est pas démontré, le préfet du Nord doit être regardé comme établissant que la reconnaissance de paternité souscrite par M. E...à l'égard de l'enfant Patrick avait un caractère frauduleux ; que, par suite, le préfet du Nord, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude dès lors que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'était pas acquise, était légalement fondé à refuser, pour ce motif, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par MmeC..., alors même qu'à la date de ce refus, l'enfant en cause n'avait pas été déchu de la nationalité française ; que la circonstance que Mme C... n'a pas bénéficié du concours d'un interprète lors de son audition par les services de police, doit être écartée dès lors qu'il ressort du procès verbal qu'elle s'exprimait et comprenait le français et a déclaré ne pas avoir besoin d'une telle assistance ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet du Nord des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être rejeté ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " ;

8. Considérant que Mme C...a déclaré être entrée en France le 6 avril 2007, après avoir séjourné aux Pays-Bas ; que, si elle justifie d'une durée de présence en France d'un peu moins de 6 ans à la date de l'arrêté en litige, celle-ci n'a été possible que grâce à une reconnaissance de paternité frauduleuse de son enfant né en France le 26 juin 2007, effectuée en vue de faciliter l'obtention d'un titre de séjour ; que MmeC..., célibataire, n'établit pas entretenir des liens personnels d'une particulière intensité en France ; qu'ayant vécu au Cameroun jusqu'à l'âge de 24 ans, elle ne conteste pas avoir encore des liens dans son pays d'origine, où réside notamment sa fille aînée, née en 2002 ; qu'elle ne fait état d'aucune circonstance l'empêchant de poursuivre une vie privée et familiale au Cameroun avec son fils, ce dernier pouvant y poursuive normalement sa scolarité ; que, dans ces conditions, le préfet du Nord n'a pas méconnu le droit de Mme C...au respect de sa vie privée et familiale, au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que la décision de refus de titre de séjour n'a pour effet de séparer Mme C...de son enfant ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu'en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme C..., le préfet du Nord n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

Sur l'obligation de quitter le territoire :

11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des points 2 à 10 du présent arrêt, que Mme C...n'est pas fondée à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire, de l'illégalité de la décision refusant son admission au séjour qui lui a été opposée ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que Mme C...a sollicité un titre de séjour " vie privée et familiale " ; qu'elle a donc été mise à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé l'admission au séjour et l'a également obligée à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces décisions ; que, par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendue préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue ;

13. Considérant, en troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 8 du présent arrêt, que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

14. Considérant, en quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 9 du présent arrêt, que la décision portant obligation de quitter le territoire n'a, par elle-même, ni pour objet ni pour effet de séparer Mme C...de son enfant ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

Sur le pays de destination :

15. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des points 2 à 11 du présent arrêt, que Mme C...n'est pas fondée à exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qui lui a été opposée ;

16. Considérant, en deuxième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 8 et 10 du présent arrêt, la décision fixant le pays de destination de la mesure ne méconnaît ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

17. Considérant, en dernier lieu, que comme cela a été dit aux points 9 et 14 du présent arrêt, la décision fixant le pays de destination n'a, par elle-même, ni pour objet ni pour effet de séparer Mme C...de son enfant ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

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N°13DA01990


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13DA01990
Date de la décision : 14/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05 Étrangers. Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Daniel Mortelecq
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : TRINITY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-10-14;13da01990 ?
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