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28/10/2014 | FRANCE | N°13DA01157

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 28 octobre 2014, 13DA01157


Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2013, présentée pour M. B...A..., élisant domicile..., par Me C...; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301503 du 31 mai 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 28 mai 2013 du préfet de la Seine-Maritime l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit et, d'autre part, à l'annulation de l'arrêté du 28 mai 2013 du

préfet de la Seine-Maritime ordonnant son placement en rétention administrat...

Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2013, présentée pour M. B...A..., élisant domicile..., par Me C...; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301503 du 31 mai 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 28 mai 2013 du préfet de la Seine-Maritime l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit et, d'autre part, à l'annulation de l'arrêté du 28 mai 2013 du préfet de la Seine-Maritime ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler les arrêtés attaqués ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et d'accueillir sa demande d'asile, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller ;

1. Considérant que M.A..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 6 juin 1973, relève appel du jugement du 31 mai 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 28 mai 2013 du préfet de la Seine-Maritime, d'une part, lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit et, d'autre part, ordonnant son placement en rétention administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés attaqués :

2. Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1° de cet article permet de refuser l'admission en France d'un demandeur d'asile lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ; que l'article 19 de ce règlement prévoit que le transfert du demandeur d'asile vers le pays de réadmission doit se faire dans les six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge et que ce délai peut être porté à dix-huit mois si l'intéressé " prend la fuite " ; que la notion de fuite au sens de ce texte doit s'entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant ; qu'aux termes enfin des dispositions du paragraphe 1 de l'article 3 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à l'accueil des demandeurs d'asile : " La présente directive s'applique à tous les ressortissants de pays tiers et apatrides qui déposent une demande d'asile à la frontière ou sur le territoire d'un État membre tant qu'ils sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs d'asile, ainsi qu'aux membres de leur famille, s'ils sont couverts par cette demande d'asile conformément au droit national " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...a sollicité l'asile, le 18 janvier 2011, auprès des services de la préfecture de la Seine-Maritime ; que le préfet a toutefois refusé de lui délivrer un document provisoire de séjour au motif que sa demande d'asile relevait de la compétence de l'Espagne ; que les autorités espagnoles ont, le 31 janvier 2011, donné leur accord à la réadmission de M. A...; que le préfet a pris, en conséquence, le 1er février 2011, une décision de réadmission de M. A...vers l'Espagne ; que ce dernier a été invité à se présenter aux services de la préfecture le 15 février 2011 pour la mise en oeuvre de cette mesure de réadmission ; qu'en l'absence de M. A...à cette convocation, la réadmission vers l'Espagne n'a pas été exécutée ; que, le 28 mai 2013, M.A..., suite à une interpellation sur la voie publique, s'est vu notifier une obligation de quitter le territoire français sans délai, avec fixation du pays à destination duquel il pourra être reconduit, et a été placé en rétention ;

4. Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, et en dépit de la seule circonstance que M. A...se soit abstenu de déférer à la convocation du 15 février 2011 l'invitant à organiser son départ, il ne saurait être valablement soutenu, en l'absence de toute autre initiative de l'administration vis-à-vis de l'intéressé, que celui-ci puisse être regardé comme ayant pris la fuite, au sens de l'article 19, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 343/2003 ; que, dans ces conditions, à l'expiration du délai de six mois imparti pour procéder à la réadmission envisagée vers l'Espagne, la procédure de réadmission avait pris fin ; qu'en conséquence, la responsabilité de l'examen de la demande d'asile incombait alors aux autorités françaises, auprès desquelles cette demande avait été présentée ; qu'il suit de là qu'il appartenait à ces autorités de l'examiner au regard des dispositions nationales relatives au droit d'asile ; que, par suite, M. A...devait être autorisé à séjourner en France jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande d'asile ; que le préfet de la Seine-Maritime ne pouvait donc pas, sur le fondement des dispositions du 1° du I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, obliger M. A...à quitter le territoire français sans se prononcer, au préalable, sur sa demande d'admission au séjour déposée au titre de l'asile ; que, par suite, M. A...est fondé, pour ce seul motif, à demander l'annulation des arrêtés attaqués ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête tendant à l'annulation des arrêtés du 28 mai 2013 par lesquels le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et l'a placé en rétention dans un local non pénitentiaire pour une durée de cinq jours ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas " ;

7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à M. A...une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il se soit prononcé sur le droit au séjour de l'intéressé au titre de l'asile ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1301503 du 31 mai 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen et les arrêtés du 28 mai 2013 par lesquels le préfet de la Seine-Maritime a obligé M. A...à quitter le territoire sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et l'a placé en rétention dans un local non pénitentiaire pour une durée de cinq jours sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à M. A...une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il se soit prononcé sur le droit au séjour de M. A... au titre de l'asile.

Article 3 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Maritime.

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N°13DA01157


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 13DA01157
Date de la décision : 28/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-01-01 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité interne. Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite. Demandeurs d'asile.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guyau
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : NGOTO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-10-28;13da01157 ?
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