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28/10/2014 | FRANCE | N°13DA02127

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 28 octobre 2014, 13DA02127


Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2013, présentée pour Mme C...F...A..., demeurant au..., par Me D...E... ; Mme A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302009 du 15 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2013 du préfet de la Somme lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué

;

3°) d'enjoindre au préfet de la Somme de lui délivrer une carte de séjour tempo...

Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2013, présentée pour Mme C...F...A..., demeurant au..., par Me D...E... ; Mme A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302009 du 15 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2013 du préfet de la Somme lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Somme de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous une astreinte de 10 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à Me E..., en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller ;

1. Considérant que MmeA..., ressortissante nigériane née le 18 août 1985, relève appel du jugement du 15 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2013 du préfet la Somme lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour " vie privée et familiale ", précédemment délivré le 12 janvier 2012 en tant que parent d'un enfant français, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite ;

Sur le refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...). Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant aux mêmes fins. Elles sont portées à 10 ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée " ;

3. Considérant que, si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc, en principe, à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 dudit code, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...est entrée en France le 1er mars 2010 ; qu'à la suite de la naissance, le 24 avril 2011, de son fils Kengne, Mme A...a bénéficié, le 12 janvier 2012, d'une carte de séjour temporaire, sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en faisant valoir que l'enfant avait fait l'objet d'une reconnaissance de paternité par un ressortissant français, M. G...B...; que le préfet de la Somme, pour ne pas renouveler le titre de séjour précédemment délivré, s'est fondé sur une audition de M. B...par les services de police le 29 octobre 2012 dans de cadre de laquelle ce dernier a reconnu ne pas être le père de l'enfant en cause et l'avoir reconnu dans un but financier ; qu'en outre, par un jugement du tribunal correctionnel de Lille du 1er octobre 2013, M. B...s'est vu condamné pour des faits similaires ; que, par suite, quand bien même il n'est pas établi que des procédures judiciaires aient été diligentées à l'encontre de MmeA..., le préfet de la Somme doit être regardé comme établissant que la reconnaissance de paternité souscrite par M. B...à l'égard de l'enfant prénommé Kengne avait un caractère frauduleux ; que, dès lors, le préfet de la Somme était légalement fondé à refuser, pour ce motif, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par MmeA... ; que, pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de MmeA... ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que, pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

6. Considérant que, si Mme A...fait valoir qu'elle est intégrée en France, maîtriserait la langue française et est adhérente d'une association, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle est célibataire avec trois enfants, respectivement nés en 2009, 2011 et 2012, et est entrée en France à l'âge de 26 ans, trois ans avant la date de la décision attaquée ; que rien ne s'oppose à ce que sa vie familiale puisse se poursuivre au Nigéria avec ses enfants, âgés de dix mois, deux ans et quatre ans à la date de la décision attaquée ; que, dans ces conditions, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'elle serait, pour les mêmes motifs, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers remplissant effectivement toutes les conditions pour se voir délivrer l'un des titres de plein droit mentionnés dans les articles du code auxquels renvoient les dispositions précitées et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que, faute pour Mme A...d'avoir sollicité la délivrance d'un tel titre, le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour doit être écarté ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour pour soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que Mme A...n'établit pas, pour les raisons indiquées précédemment au point 4, être la mère d'un enfant français mineur résidant en France ; que, par suite, elle n'entre pas dans l'une des catégories énumérées par le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

11. Considérant que MmeA..., n'établissant pas que M. B...soit le père de son fils Kengne, la décision attaquée n'a pas pour effet de séparer celui-ci de son père ; que, de plus, l'interruption éventuelle de la scolarité d'un enfant né en 2009 et scolarisé en maternelle n'est pas de nature à porter atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant ; que, par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que les stipulations précitées du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;

12. Considérant, en quatrième lieu, que Mme A...ne peut utilement invoquer, à l'encontre de la décision contestée, les stipulations de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant qui créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ;

13. Considérant, en cinquième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, le préfet de la Somme, en obligeant Mme A...à quitter le territoire français, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cette mesure ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté ;

Sur le pays de destination :

14. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 6, 11 et 12, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du 1. de l'article 3 et de l'article 9 de la convention relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation de Mme A...doivent être écartés ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...F...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Somme.

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N°13DA02127


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 13DA02127
Date de la décision : 28/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guyau
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SCP BOUQUET CHIVOT FAYEIN-BOURGOIS WADIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-10-28;13da02127 ?
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