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12/11/2014 | FRANCE | N°13DA01737

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 12 novembre 2014, 13DA01737


Vu la requête, enregistrée le 30 octobre 2013, présentée pour M. A...D..., demeurant..., par Me B...C...; M. D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302519 du 20 septembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 16 septembre 2013 du préfet de la Seine-Maritime décidant de sa remise aux autorités portugaises et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au pr

fet de la Seine-Maritime de procéder, dans un délai d'un mois à compter de la notificat...

Vu la requête, enregistrée le 30 octobre 2013, présentée pour M. A...D..., demeurant..., par Me B...C...; M. D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302519 du 20 septembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 16 septembre 2013 du préfet de la Seine-Maritime décidant de sa remise aux autorités portugaises et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de procéder, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte) ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Michel Hoffmann, président de chambre ;

1. Considérant que M.D..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 1er janvier 1974, est entré irrégulièrement en France le 12 mai 2013 ; qu'il a déposé une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Seine-Maritime le 3 juillet 2013 ; qu'estimant que le traitement de cette demande relevait d'un autre Etat de l'Union européenne, le préfet de la Seine-Maritime a, par deux arrêtés du 16 septembre 2013, décidé, d'une part, de remettre l'intéressé aux autorités compétentes du Portugal en vue du traitement de sa demande d'asile, d'autre part, de prononcer son placement en rétention administrative ; que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de M. D...tendant à l'annulation de ces décisions ; que le requérant a relevé appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, si le requérant fait valoir que le jugement comporte une erreur dans l'orthographe de son nom, cette simple substitution d'une voyelle à une autre, au demeurant également commise par l'avocat de l'intéressé en première instance, doit être regardée comme une simple erreur matérielle sans incidence sur la régularité du jugement ; que, par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier ;

Sur la remise aux autorités portugaises :

3. Considérant que, si le requérant soutient que la décision attaquée ne mentionne pas correctement l'orthographe de son nom, cette erreur matérielle, qui n'a pas affecté au demeurant le dispositif de l'arrêté préfectoral, est sans incidence sur sa légalité ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 49 du règlement (CE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne. / Il est applicable aux demandes de protection internationale introduites à partir du premier jour du sixième mois suivant son entrée en vigueur et s'appliquera, à compter de cette date, à toute requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de demandeurs, quelle que soit la date à laquelle la demande a été faite. La détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite avant cette date se fait conformément aux critères énoncés dans le règlement (CE) n° 343/2003. / (...) " ;

5. Considérant que le règlement (CE) n° 604/2013, qui a été publié au Journal officiel de l'Union européenne le 29 juin 2013, est entré en vigueur le 19 juillet 2013 ; que ces dispositions s'appliquent donc à partir du 1er janvier 2014 aux demandes de protection internationale et aux requêtes aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de demandeurs, quelle que soit la date à laquelle la demande a été faite ; qu'ainsi, à la date d'introduction de la demande d'asile présentée par M. D...le 3 juillet 2013 et à celle tendant à la prise en charge de l'intéressé par les autorités portugaises, lesquelles ont été saisies le 23 août 2013 et ont donné leur accord le 9 septembre 2013, seul le règlement (CE) n° 343/2003 était applicable ; qu'ainsi, M. D...n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur de base légale ;

6. Considérant que l'arrêté du 16 septembre 2013 comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il est donc suffisamment motivé ;

7. Considérant que, par les dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger sa remise aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision de remise aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne ;

8. Considérant qu'aux termes du paragraphe 4 de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, aux termes duquel : " Le demandeur d'asile est informé par écrit, dans une langue dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend, au sujet de l'application du présent règlement, des délais qu'il prévoit et de ses effets. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. D... a reçu le 19 août 2013 une information écrite en langue lingala sur les modalités d'application du règlement du Conseil du 18 février 2003, s'agissant notamment des délais et des mesures susceptibles d'être adoptées, et que la décision attaquée lui a également été traduite en lingala lors de sa venue en préfecture le 16 septembre 2013 de 10 heures à 11 heures ; que, dans ces conditions, alors même qu'il ne serait pas établi que le courrier du 19 août 2013 par lequel il a été informé d'une demande de remise aux autorités portugaises n'aurait pas été traduit en lingala, le requérant, de surcroît originaire d'un pays dont la langue officielle est le français au côté des quatre langues nationales bantoues que sont, notamment, le lingala et le swahili, n'est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées du 4 de l'article 3 du règlement du 18 février 2013 ont été méconnues ;

9. Considérant qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement communautaire n° 343/2003 du 18 février 2003 : " Chaque État membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. Dans ce cas, cet État devient l'État membre responsable au sens du présent règlement et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime, qui a procédé à un examen complet de la situation du requérant dont il mentionne dans l'arrêté litigieux qu'il est célibataire et père d'un enfant demeuré dans son pays d'origine et que sa situation familiale ne justifiait pas la mise en oeuvre du processus dérogatoire institué par le règlement précité, se soit abstenu d'examiner la mise en oeuvre de la clause de souveraineté prévue au paragraphe 2 de l'article 3 précité du règlement (CE) 343/2003 et se soit cru tenu d'ordonner la remise aux autorités portugaises de l'intéressé ; que, par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime a méconnu le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement du 18 février 2003 ;

10. Considérant que M. D...soutient qu'il a pénétré aux Pays-Bas le 31 août 2012 muni d'un passeport assorti d'un visa délivré par les autorités portugaises et que, ce visa étant périmé depuis plus de six mois, la France, saisie de sa demande d'asile le 3 juillet 2013, serait responsable de son examen en application des dispositions du deuxième alinéa du 4 de l'article 9 du règlement du 18 février 2003, selon lequel " Lorsque le demandeur d'asile est titulaire (...) d'un ou plusieurs visas périmés depuis plus de six mois lui ayant effectivement permis l'entrée sur le territoire d'un État membre et s'il n'a pas quitté le territoire des États membres, l'État membre dans lequel la demande est introduite est responsable. " ;

11. Considérant, toutefois, d'une part, qu'en vertu du 2 de l'article 5 du même règlement : " La détermination de l'Etat membre responsable en application des critères se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur d'asile a présenté sa demande pour la première fois auprès d'un État membre " ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier, qu'après prise de ses empreintes digitales et consultation du fichier "Eurodac", l'intéressé, identifié au fichier dans la catégorie 1 (demandeur d'asile), avait antérieurement déposé deux demandes d'asile, le 31 août 2012 puis le 23 novembre 2012, sous des identités différentes tant aux Pays-Bas qu'en Belgique et qu'il s'était ensuite soustrait aux demandes de réadmission introduites par ces deux pays auprès du Portugal qui les avaient acceptées respectivement le 13 septembre 2012 et le 10 janvier 2013 ; que, dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur dans l'application des critères de la détermination de l'Etat responsable de la demande d'asile en estimant que la France ne pouvait être regardée comme responsable d'un tel examen et en décidant de remettre M. D...aux autorités portugaises, qui avaient accepté sa prise en charge le 9 septembre 2013 ;

Sur le placement en rétention :

12. Considérant que l'arrêté attaqué vise les dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'impossibilité de quitter le territoire français immédiatement, le défaut de document autorisant le maintien de l'intéressé sur le territoire national et l'absence de garantie de représentation suffisante ; que, dès lors, il est suffisamment motivé ;

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 et L. 531-2 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois " ;

14. Considérant que, par arrêté du 16 septembre 2013, le préfet de la Seine-Maritime a décidé de remettre M. D...aux autorités portugaises, seules responsables de l'examen de sa demande d'asile ; qu'il entre, dès lors, dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant disposait d'une résidence stable ; qu'il n'était pas en possession d'un document d'identité ou de voyage en cours de validité ; que l'attestation d'hébergement produite par l'intéressé, pour la première fois devant le premier juge le 20 septembre 2013, ne permet pas d'établir qu'il disposait antérieurement à la date de l'arrêté d'une résidence stable et certaine dès lors qu'il n'en avait pas fait état à l'administration qui n'avait connaissance, jusqu'à cette date, que d'une domiciliation postale auprès d'un établissement géré par " France Terre d'Asile " à Rouen ; qu'à supposer même qu'il ait répondu de manière volontaire à l'ensemble des convocations de la préfecture dont il a fait l'objet dans le cadre de l'examen de sa situation, cette seule circonstance ne permet pas de justifier de l'existence de garanties de représentation effectives propres à prévenir tout risque de fuite, pour l'application des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet de la Seine-Maritime a pu, sans entacher son arrêté d'une erreur d'appréciation, ordonner le placement en rétention administrative de M. D... ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

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N°13DA01737


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 13DA01737
Date de la décision : 12/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Michel Hoffmann
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SELARL MARY-INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-11-12;13da01737 ?
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