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12/11/2014 | FRANCE | N°14DA00696

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 12 novembre 2014, 14DA00696


Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2014, présentée pour Mme B...E...épouseD..., demeurant..., par Me A...C...; Mme D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303338 du 13 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2013 du préfet de l'Eure refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office et, d'autre part,

de la " décision " du 7 août 2013 l'obligeant à remettre l'original de ...

Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2014, présentée pour Mme B...E...épouseD..., demeurant..., par Me A...C...; Mme D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303338 du 13 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2013 du préfet de l'Eure refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office et, d'autre part, de la " décision " du 7 août 2013 l'obligeant à remettre l'original de son passeport en échange d'un récépissé valant justification d'identité ;

2°) d'annuler les décisions attaquées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire et de lui restituer son passeport dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son avocat, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signé à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour des étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller ;

1. Considérant que Mme E...épouseD..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 2 février 1981, entrée en France le 23 mars 2009 selon ses déclarations, a demandé son admission au séjour au titre de l'asile ; que sa demande a été rejetée par une décision du 13 juillet 2009 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 1er septembre 2011 de la Cour nationale du droit d'asile ; qu'elle a, ensuite, demandé son admission au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant valoir son état de santé et s'est vue délivrer, à ce titre, une carte de séjour temporaire valable jusqu'au 5 juin 2013 ; que Mme D...relève appel du jugement du 13 mars 2014 du tribunal administratif de Rouen rejetant sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2013 du préfet de l'Eure refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office et, d'autre part, de la " décision " du 7 août 2013 l'obligeant à remettre l'original de son passeport en échange d'un récépissé valant justification d'identité ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) " ;

3. Considérant que, pour statuer sur les conclusions présentées par Mme D...à l'encontre de l'arrêté du 17 juillet 2013 et de la " décision " du 7 août 2013 attaqués, le tribunal administratif de Rouen a visé les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dont il a fait application ; que le tribunal administratif de Rouen n'a, ainsi, pas méconnu les dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative alors même qu'il n'a pas visé les dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur ;

4. Considérant, en second lieu, que les premiers juges ont suffisamment motivé leur réponse aux moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision de refus de séjour assortie de l'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de Mme D...et de celui tiré de l'absence de signature, du nom et du prénom de l'autorité qui a délivré le récépissé valant justification d'identité ;

5. Considérant, enfin, qu'il ressort des termes du jugement attaqué, notamment en son point 7, que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de ce que la " décision " obligeant Mme D... à remettre l'original de son passeport en échange d'un récépissé valant justification d'identité n'était pas signée et ne faisait pas apparaître le nom et le prénom de l'autorité qui l'a délivrée ; qu'ils ont ainsi, implicitement et nécessairement, répondu au moyen soulevé par Mme D...tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 présenté à l'encontre de la décision attaquée ; que, dès lors, le moyen tiré de l'omission à statuer sur ce moyen doit être rejeté ;

Sur les moyens communs aux décisions attaquées :

6. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'il ressort de l'examen de l'arrêté du 17 juillet 2013 attaqué que celui-ci comporte les considérations de droit sur lesquelles il se fonde et mentionne les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de MmeD... ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;

7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente, les services de police et les unités de gendarmerie sont habilités à retenir le passeport ou le document de voyage des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière. Ils leur remettent en échange un récépissé valant justification de leur identité et sur lequel sont mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution du document retenu " ; qu'il ressort de la " décision " du 7 août 2013 attaquée que celle-ci vise l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise qu'elle a été prise en raison de la situation de séjour illégal en France de MmeD... ; qu'elle comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent et est, par suite, suffisamment motivée ;

8. Considérant, en second lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 : " (...) Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci " ; qu'il ressort de l'arrêté du 17 juillet 2013 attaqué portant refus de titre de séjour et faisant obligation de quitter le territoire à MmeD... qu'il comporte la signature de son auteur et la mention du prénom et du nom et la qualité de celui-ci ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 manque en fait ;

9. Considérant, d'autre part, que la circonstance que le récépissé délivré en échange de la remise du passeport de l'intéressée ne comporte pas les mentions exigées par les dispositions précitées de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 est sans incidence sur la légalité de celui-ci ;

Sur le refus de titre de séjour :

10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) " ;

11. Considérant que, par un avis du 27 juin 2013, le médecin de l'agence régionale de santé a, notamment, considéré que l'état de santé de Mme D...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existait un traitement approprié dans son pays d'origine ; que Mme D...fait valoir qu'elle souffre de dépression grave et est suivie par le centre médico-psychologique d'Evreux ; qu'elle produit un seul certificat médical, établi le 22 août 2013, qui se borne à préciser qu'elle est régulièrement suivie depuis le 15 mars 2013 au centre médico-psychologique d'Evreux, sans préciser la nature de sa pathologie, et une ordonnance de prescriptions médicamenteuses ; que ces éléments ne sont, ainsi, pas de nature à infirmer l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé ; que, par suite, en refusant de lui délivrer le titre de séjour demandé, le préfet de l'Eure n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que Mme D...fait valoir qu'elle vit en France depuis mars 2009, que ses trois enfants sont scolarisés et intégrés socialement ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle est entrée en France à l'âge de 28 ans après avoir toujours vécu dans son pays d'origine ; que son mari est également en situation irrégulière ; qu'elle n'établit ni de l'impossibilité de poursuivre sa vie familiale hors de France avec ses enfants, ni être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, eu égard aux conditions de séjour de MmeD..., le préfet de l'Eure n'a pas, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de Mme D...; que, si la requérante se prévaut de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, en faisant valoir sa présence en France depuis presque cinq ans et la scolarisation de deux de ses enfants depuis au moins trois ans, l'intéressée n'entrait pas, en tout état de cause à la date de la décision attaquée, dans les prévisions de celle-ci ;

13. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que la décision de refus de titre de séjour n'a pas en elle-même pour effet, à la date de la décision attaquée, de séparer Mme D...de ses enfants ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

14. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 12 du présent arrêt, la décision d'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

15. Considérant que, si Mme D...se prévaut de l'intégration scolaire et sociale de ses enfants, il n'est pas établi que ces derniers ne pourraient pas être scolarisés hors de France, ni que leur sécurité y serait menacée ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E...épouse D...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de l'Eure.

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N°14DA00696


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 14DA00696
Date de la décision : 12/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : MATRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-11-12;14da00696 ?
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