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26/05/2016 | FRANCE | N°15DA00245

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 26 mai 2016, 15DA00245


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 octobre 2014 du préfet de l'Eure refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1403594 du 13 janvier 2015, le tribunal administratif de Rouen a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour :

Par

une requête enregistrée le 13 février 2015, le préfet de l'Eure, demande à la cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 octobre 2014 du préfet de l'Eure refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1403594 du 13 janvier 2015, le tribunal administratif de Rouen a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 février 2015, le préfet de l'Eure, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 janvier 2015 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) de rejeter la demande de Mme C...devant le tribunal administratif ;

Il soutient que :

- Mme C...était en situation irrégulière à la date de la décision contestée et ne pouvait dès lors se prévaloir ni de l'article 13 de la décision n° 1/80 du Conseil d'association du 19 septembre 1980 relative au développement entre la Communauté économique européenne et la Turquie ni de l'article 41 du protocole additionnel signé le 23 novembre 1970 à Bruxelles.

Une mise en demeure a été adressée le 1er juin 2015 à Me B...qui n'a produit aucun mémoire.

Par ordonnance du 6 avril 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 21 avril 2016 ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la décision 64-732 CEE du Conseil du 23 décembre 1963 portant conclusion de l'accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;

- le règlement CEE n° 2760/72 du Conseil du 19 décembre 1972 portant conclusion du protocole additionnel ainsi que du protocole financier, signés le 23 novembre 1970, annexés à l'accord susvisé ;

- la décision n° 1/80 du Conseil d'association du 19 septembre 1980 relative au développement entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;

- l'ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 relative à la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeC..., néeA..., ressortissante turque née en 1965, après avoir vu ses demandes d'asile rejetées le 25 novembre 2013 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 18 avril 2014 par la Cour nationale du droit d'asile, a sollicité le 2 juillet 2014 son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de l'Eure relève appel du jugement du 13 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 13 octobre 2014 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la décision n° 1/80 du Conseil d'association du 19 septembre 1980 relative au développement entre la Communauté économique européenne et la Turquie : " Les Etats membres de la Communauté et la Turquie ne peuvent introduire de nouvelles restrictions concernant les conditions d'accès à l'emploi des travailleurs et de leurs familles qui se trouvent sur leur territoire respectif en situation régulière en ce qui concerne le séjour et l'emploi " ;

3. Considérant que MmeC..., entrée irrégulièrement en France le 21 septembre 2012 ainsi qu'il ressort de sa demande d'asile du 16 octobre 2012, ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions faute de justifier être en situation régulière à la date de la décision contestée ; que les stipulations de l'article 41-1 du protocole additionnel signé le 23 novembre 1970, de l'accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ne sont pas de nature à conférer à un ressortissant turc un droit d'établissement, celui-ci restant régi par le droit national ; que par ailleurs, Mme C...ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 15 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, dans leur rédaction en vigueur à la date de la décision n° 1/80 susvisée du Conseil d'association, dès lors qu'en tout état de cause, celles-ci ont été abrogées par l'ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 ; que, par suite, le préfet de l'Eure est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur le moyen de l'erreur de droit tiré du défaut d'examen de la demande de Mme C...sur le fondement de l'accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, pour annuler les décisions contestées ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C...devant la juridiction administrative ;

5. Considérant que la décision en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment ses articles 3 et 8, ainsi que les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet a fait application, rappelle les conditions d'entrée de l'intéressée en France et expose sa situation familiale en signalant que Mme C...réside désormais en France avec son époux dont elle avait obtenu le divorce par jugement du 29 novembre 2002 du tribunal d'Üsküdar (Turquie), que celui-ci, remarié en France a bénéficié depuis 2003 d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Français, a bénéficié du regroupement familial pour les deux enfants dont il avait la garde en Turquie, qu'il a fait entrer irrégulièrement en France en juillet 2012 ses deux autres enfants dont son ex-épouse avait la garde et qu'il a divorcé le 21 mai 2013 de son épouse française ; qu'elle comporte ainsi les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde, et est suffisamment motivée ; que la circonstance que cette décision ne vise pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant est sans incidence sur l'appréciation du caractère suffisant de la motivation ;

6. Considérant que Mme C...n'établit pas être dans l'impossibilité de reconstituer, hors de France, la cellule familiale qu'elle compose avec son fils mineur né en 2001, qui a vécu en Turquie durant onze ans séparé de son père, et dont elle a la garde par effet du jugement précité de divorce du 29 novembre 2002 ; que dès lors, l'arrêté en litige, qui n'a pas par lui-même pour effet de séparer l'enfant du parent ayant sa garde, ne méconnaît pas les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

7. Considérant que, si Mme C...se prévaut de la présence régulière en France de son ancien mari, de celle de ses enfants dont trois sont majeurs, de l'insertion professionnelle de deux d'entre eux et de la scolarisation de son fils mineur, ses liens personnels en France ne peuvent être regardés comme intenses, anciens et stables dès lors, qu'elle n'y séjourne que depuis deux ans à la date de la décision contestée ; qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Turquie, pays où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-sept ans et où résident ses parents, ses cinq soeurs et son frère ; que dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de MmeC..., l'arrêté du 13 octobre 2014 du préfet de l'Eure n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ne méconnaît ainsi ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Eure est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 13 octobre 2014 refusant de délivrer à Mme C...un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 13 janvier 2015 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande de Mme C...devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressé pour information au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience publique du 12 mai 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 mai 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-J. GAUTHÉLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°15DA00245

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA00245
Date de la décision : 26/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : DEMIR

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-05-26;15da00245 ?
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