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15/09/2016 | FRANCE | N°15DA01771

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 15 septembre 2016, 15DA01771


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'enjoindre au préfet du Nord, avant dire droit, d'accomplir auprès des autorités consulaires françaises en Algérie les diligences nécessaires pour qu'il puisse revenir sur le territoire français pour se présenter personnellement à l'audience et, d'autre part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 janvier 2015 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fix

é le pays de destination et l'arrêté du 6 février 2015 par lequel le préfet du No...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'enjoindre au préfet du Nord, avant dire droit, d'accomplir auprès des autorités consulaires françaises en Algérie les diligences nécessaires pour qu'il puisse revenir sur le territoire français pour se présenter personnellement à l'audience et, d'autre part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 janvier 2015 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination et l'arrêté du 6 février 2015 par lequel le préfet du Nord a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1501187 du 30 septembre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2015, M. C...D..., représenté par Me B...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- ses conclusions dirigées contre l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire n'étaient pas tardives ;

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'a pu se présenter à l'audience du fait de l'exécution de l'arrêté contesté et que les premiers juges n'ont pas statué sur ses conclusions avant dire droit tendant à enjoindre au préfet du Nord d'accomplir auprès des autorités consulaires françaises en Algérie les diligences nécessaires pour qu'il puisse revenir sur le territoire français pour se présenter personnellement à l'audience ;

- le préfet a violé son droit au recours suspensif, en méconnaissance de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en exécutant d'office l'obligation de quitter le territoire français sans attendre que le juge ait statué sur ce recours.

La requête a été communiquée au préfet du Nord qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.D..., ressortissant algérien, né le 5 septembre 1984, a fait l'objet d'un arrêté en date du 10 janvier 2012, par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter sans délai le territoire, cette obligation étant assortie d'une interdiction de retour pendant un an ; que son recours contre cette mesure a été rejeté par un jugement n° 1200167 du 13 janvier 2012 du tribunal administratif de Lille ; qu'à la suite d'une nouvelle interpellation pour vol et, compte tenu de l'irrégularité de son séjour, il a fait l'objet d'un second arrêté préfectoral du 4 septembre 2013, prononçant une nouvelle obligation de quitter le territoire sans délai ; que le recours qu'il a exercé contre cette mesure d'éloignement a été une nouvelle fois rejeté par un jugement n° 1305269 du 9 septembre 2013 du tribunal administratif de Lille ; que l'intéressé a été, le 26 septembre 2013, condamné par le tribunal correctionnel de Lille à un an de prison, dont six mois avec sursis, pour vol avec violence ; qu'il a été incarcéré le 21 septembre 2014 à la suite d'une nouvelle interpellation, alors qu'il se maintenait, toujours irrégulièrement en France ; que les services de police l'ont entendu en prison, le 27 janvier 2015, sur la perspective d'un retour en Algérie ; que, par un arrêté du 30 janvier 2015, le préfet du Nord a prononcé à l'encontre de M. D...une troisième obligation de quitter le territoire sans délai qui lui a été notifiée le 3 février 2015, avec l'assistance d'un interprète, au centre pénitentiaire d'Annoeullin, à 14 heures 50 ; que le préfet du Nord a pris la décision de le placer en rétention administrative par un arrêté du 6 février 2015 qui lui a été notifié, avec l'assistance d'un interprète, à sa sortie de prison le 7 février et qui a été immédiatement exécuté ; qu'avec l'assistance d'une association humanitaire, M. D...a alors formé un recours contre l'arrêté du 30 janvier 2015 et celui du 6 février 2015, qui a été enregistré le 7 février 2015 à 16 heures 46 au greffe du tribunal administratif de Lille ; que le 8 février 2015 à 10 heures 10, M. D... a regagné l'Algérie sous escorte ; que, par un jugement n° 1501187 du 30 septembre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté, comme tardive, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 janvier 2013 et, au fond, celle tendant à l'annulation de son placement en rétention administrative ; que, par le même jugement, le tribunal a également refusé, avant dire droit, d'enjoindre au préfet d'accomplir les diligences destinées à permettre à l'étranger de revenir en France afin d'assister à l'audience au cours de laquelle son affaire serait appelée, en dépit de la demande que le conseil de M. D...désigné au titre de l'aide juridictionnelle après le départ de l'intéressé, avait adressée en se prévalant notamment du caractère suspensif du recours ; que M. D... relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

En ce qui concerne l'absence de l'étranger à l'audience :

2. Considérant que, d'une part, en vertu du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification ; que le III du même article prévoit que le recours dirigé contre la mesure de rétention administrative est exercé dans les mêmes conditions ; qu'il est alors statué selon la procédure et dans les conditions prévues au III ; que le quatrième alinéa du III de cet article prévoit que l'audience est publique, qu'elle se déroule sans conclusion du rapporteur public et en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci dument convoqué ne se présente pas ; que, d'autre part, en vertu de l'article L. 512-3 du même code, l'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office, lorsqu'aucun délai n'a été accordé, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, ni avant que le tribunal administratif, s'il a été saisi, ait statué sur ces mesures ; que l'étranger en est informé par écrit lors de la notification de la mesure d'éloignement ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que, compte tenu de la notification le 3 février 2015 à 15 heures de l'arrêté préfectoral du 30 janvier 2015, le délai de recours de quarante-huit heures était expiré lorsque M. D...en a demandé l'annulation au tribunal administratif de Lille le 7 février 2015 à 16 heures 46 ; qu'il ressort néanmoins des pièces du dossier qu'avant son éloignement effectif le 8 février 2015, M. D...a pu déposer, le 7 février 2015, une requête avec l'assistance d'une association humanitaire par laquelle il a pu faire valoir ses moyens et arguments, notamment pour justifier le retard avec lequel il avait déposé son recours contre l'obligation de quitter le territoire ; que, sur ce point, M. D...a seulement prétendu qu'étant incarcéré il n'avait pu exercer son droit au recours ; qu'il ne fait état d'aucun élément permettant de considérer que l'administration pénitentiaire aurait, par son comportement, fait obstacle au dépôt de sa requête ; qu'ainsi, la seule circonstance que l'intéressé était incarcéré ne fait pas, par elle-même, obstacle à l'exercice de son droit au recours, rendu effectif par le dépôt de sa requête auprès de l'administration pénitentiaire, à laquelle il appartient de la transmettre à la juridiction ; que le conseil de M.D..., qui a introduit la requête d'appel, indique que M. D...a élu domicile en son cabinet ; que, dans le cadre de ce recours qui n'avait pas préalablement été introduit par l'intéressé lui-même, il se déduit de cette mention que l'avocat a pu prendre contact avec son client pour qu'il lui donne mandat afin d'interjeter appel ; que la requête d'appel n'énonce aucun autre élément de nature à justifier le retard mis à l'introduction du recours contre l'obligation de quitter le territoire ; qu'ainsi, il ne résulte d'aucune pièce des dossiers de première instance et d'appel que M. D... aurait eu d'autres éléments à faire valoir que ceux déjà communiqués la juridiction à l'appui de ses conclusions ; que le retard avec lequel le recours avait été introduit devant le tribunal administratif de Lille contre l'arrêté préfectoral du 30 janvier 2015 ne permettait pas, en tout état de cause, au préfet d'exécuter l'obligation de quitter le territoire, dès lors qu'un recours à effet suspensif avait été formé et qu'il appartenait à la seule juridiction administrative de statuer sur sa recevabilité ; qu'il est cependant constant que M.D..., dûment informé par écrit du caractère suspensif de son recours et qui pouvait demander l'assistance d'une association autorisée à intervenir dans le centre de rétention, n'a pas saisi en urgence le juge du référé-liberté sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative pour s'opposer à cette mesure d'exécution, distincte de l'obligation de quitter le territoire et du placement en rétention administrative ;

4. Considérant, en second lieu, que le magistrat statuant seul dans les conditions de l'article L. 512-1 cité au point 2, a décidé de rayer l'affaire de l'audience du 9 février 2015 ; que l'affaire a été à nouveau radiée du rôle de l'audience du 15 avril 2015 afin de permettre à l'avocat désigné d'office d'entrer en contact avec son client ainsi qu'il le souhaitait ; qu'il ne résulte cependant pas de l'instruction que ce dernier aurait accompli des diligences auprès des services de l'Etat pour obtenir les informations relatives à son client afin de le joindre et pour chercher à organiser son retour ; que l'avocat désigné a produit deux mémoires le 22 mai et le 11 septembre 2015 devant le tribunal administratif ; que l'avis d'audience a été adressé à l'intéressé à l'adresse de son conseil chez lequel il avait élu domicile ainsi que les mémoires produits devant la juridiction par l'avocat l'indiquaient ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce et en dépit de son éloignement dans des conditions irrégulières, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif a rendu, le 30 septembre 2015, son jugement dans des conditions irrégulières faute pour lui d'avoir été présent à l'audience ;

En ce qui concerne l'omission à statuer :

5. Considérant que, contrairement à ce que soutient M. D...en appel, les premiers juges se sont prononcés sur ses conclusions avant dire droit qu'il avait présentées tendant à enjoindre au préfet du Nord d'accomplir, auprès des autorités consulaires françaises en Algérie, les diligences nécessaires pour qu'il puisse revenir sur le territoire français et se présenter personnellement à l'audience, et les ont rejetées ; qu'ainsi et en tout état de cause, le jugement n'est entaché d'aucune omission à statuer ;

Sur la tardiveté des conclusions dirigées contre la mesure d'éloignement :

6. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, M. D...ne justifie pas que les conditions de sa détention auraient porté atteinte à son droit à un recours effectif en ne le mettant pas en mesure d'avertir, dans les meilleurs délais, un conseil ou une personne de son choix ou de déposer sa requête ; que, par suite, le délai spécial de quarante-huit heures prévu à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a couru dans des conditions régulières à compter du 3 février 2015 à 15 heures, ainsi qu'il a été dit au point 3 ; qu'il était expiré lorsque l'intéressé a introduit son recours le 7 février 2015 à 16 heures 46 au greffe du tribunal administratif de Lille contre l'obligation de quitter le territoire sans délai ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait à tort retenu la tardiveté de ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire sans délai doit être écarté ;

Sur les conclusions dirigées contre le placement en rétention :

7. Considérant que M. D...ne peut utilement se prévaloir de l'irrégularité de l'exécution d'office de la mesure d'éloignement, qui est une mesure distincte, à l'occasion de son recours dirigé notamment contre l'arrêté préfectoral ordonnant son placement en rétention administrative ;

8. Considérant que M. D...n'expose aucun autre moyen propre à la partie du jugement qui rejette au fond ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 6 février 2015 prononçant son placement en rétention administrative ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 5 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 septembre 2016.

Le président-assesseur,

Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre, rapporteur,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA01771
Date de la décision : 15/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : BERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-09-15;15da01771 ?
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