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25/04/2017 | FRANCE | N°16DA01781

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (quinquies), 25 avril 2017, 16DA01781


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens l'annulation de l'arrêté du 8 février 2016 du préfet de l'Oise lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1600755 du 16 septembre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 octobre 2016, MmeA..., représentée par Me C...B...

, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 septembre 2016 du tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif d'Amiens l'annulation de l'arrêté du 8 février 2016 du préfet de l'Oise lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1600755 du 16 septembre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 octobre 2016, MmeA..., représentée par Me C...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 septembre 2016 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2016 du préfet de l'Oise lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 8 février 2016 du préfet de l'Oise méconnaît les dispositions des articles L. 316-1 et R. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2017, le préfet de l'Oise conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeA..., ressortissante congolaise née le 14 août 1996, relève appel du jugement du 16 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 février 2016 du préfet de l'Oise lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que si Mme A...soutient que les services de l'aide sociale à l'enfance ne l'ont pas informée de ce qu'elle pouvait présenter une demande d'asile en France, cette circonstance, à la supposer même établie, est sans incidence sur la légalité de la décision du préfet de l'Oise refusant à l'intéressée la délivrance du titre de séjour qu'elle avait demandé ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" peut être délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident peut être délivrée à l'étranger ayant déposé plainte ou témoigné " ; qu'aux termes de l'article R. 316-1 du même code : " Le service de police ou de gendarmerie qui dispose d'éléments permettant de considérer qu'un étranger, victime d'une des infractions constitutives de la traite des êtres humains ou du proxénétisme prévues et réprimées par les articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal est susceptible de porter plainte contre les auteurs de cette infraction ou de témoigner dans une procédure pénale contre une personne poursuivie pour une infraction identique, l'informe : / 1° De la possibilité d'admission au séjour et du droit à l'exercice d'une activité professionnelle qui lui sont ouverts par l'article L. 316-1 (...) / Le service de police ou de gendarmerie informe également l'étranger qu'il peut bénéficier d'un délai de réflexion de trente jours, dans les conditions prévues à l'article R. 316-2 du présent code, pour choisir de bénéficier ou non de la possibilité d'admission au séjour mentionnée au deuxième alinéa (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 316-2 du même code : " L'étranger à qui un service de police ou de gendarmerie fournit les informations mentionnées à l'article R. 316-1 et qui choisit de bénéficier du délai de réflexion de trente jours mentionné au cinquième alinéa du même article se voit délivrer un récépissé de même durée par le préfet (...) conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 311-4. Ce délai court à compter de la remise du récépissé. Pendant le délai de réflexion, aucune mesure d'éloignement ne peut être prise à l'encontre de l'étranger en application de l'article L. 511-1, ni exécutée (...) " ;

4. Considérant que ces dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile chargent les services de police ou de gendarmerie d'une mission d'information, à titre conservatoire et préalablement à toute qualification pénale, des victimes potentielles de faits de traite d'êtres humains ; qu'ainsi, lorsque ces services ont des motifs raisonnables de considérer que l'étranger pourrait être reconnu victime de tels faits, il leur appartient d'informer ce dernier de ses droits en application de ces dispositions ; qu'en l'absence d'une telle information, l'étranger est fondé à se prévaloir du délai de réflexion pendant lequel une obligation de quitter le territoire français ne peut être prise, ni exécutée ;

5. Considérant, d'une part, que Mme A...ne peut utilement soutenir que les services de l'aide sociale à l'enfance ne lui ont pas délivré l'information prévue par les dispositions précitées, dès lors que ces dispositions chargent les seuls services de police et de gendarmerie de cette mission d'information ; que, d'autre part, si Mme A...soutient que lors de son audition par les services de police du commissariat d'Arpajon le 23 décembre 2012, l'information prévue par les dispositions précitées ne lui a pas été délivrée, cette circonstance est sans influence sur la légalité de la décision du préfet de l'Oise du 8 février 2016 lui refusant la délivrance du titre de séjour qu'elle avait demandé ; qu'enfin, Mme A...n'ayant demandé la délivrance d'un titre de séjour que sur le seul fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne peut utilement soutenir que le préfet de l'Oise aurait méconnu les dispositions de l'article L. 316-1 du même code ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) " ; et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories (...) qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

7. Considérant que Mme A...se prévaut de sa présence en France depuis son arrivée le 16 novembre 2012 à l'âge de 16 ans, de son intégration dans la société française depuis cette date et de son impossibilité de reconstruire une vie privée et familiale dans son pays d'origine ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que si Mme A...a été confiée par jugement en assistance éducative aux services de l'aide sociale à l'enfance et a bénéficié d'un contrat jeune majeur, elle a cessé de suivre toute formation et son contrat jeune majeur n'a pas été renouvelé le 28 septembre 2015 ; que, par ailleurs, si Mme A...était enceinte à la date de la décision attaquée et que le père de son enfant, un compatriote, a fait une reconnaissance anticipée de l'enfant à naître le 4 novembre 2015, la requérante, qui n'apporte aucun élément permettant d'apprécier l'ancienneté de sa relation avec le père de son enfant, ni même la réalité de cette relation, reconnaît elle-même vivre séparée de ce dernier et n'avoir avec lui aucun projet marital ; que si l'intéressée se prévaut également de la présence en France d'une amie à qui le jugement en assistance éducative avait accordé un droit de visite et d'hébergement, Mme A...n'est toutefois pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et ses trois frères ; que si elle soutient ne plus pouvoir retourner auprès de sa famille après avoir dénoncé aux services de police l'homme à qui sa famille l'aurait vendue et qu'elle a été contrainte d'épouser et de suivre en France, elle ne produit cependant aucun élément de nature à établir la réalité de ses allégations ; que, dans ces conditions, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au droit de Mme A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, la décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; que Mme A...ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces stipulations à l'encontre du refus de séjour litigieux dès lors qu'à la date de son édiction, son enfant n'était pas né ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire national :

9. Considérant que Mme A...ne saurait utilement soutenir que la décision du 8 février 2016 portant obligation de quitter le territoire serait illégale en ce que les services de police, lors de son audition le 23 décembre 2012, ne l'ont pas informée des dispositions de l'article R. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'absence de délivrance d'une telle information fait seulement obstacle à l'édiction ou à l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français pendant le délai de réflexion de trente jours qui suit l'audition ; qu'en tout état de cause, Mme A...a déposé plainte immédiatement après son audition pour des faits de proxénétisme, viol sur mineur et séquestration ;

10. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, la décision obligeant Mme A...à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que ces stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de renvoi ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

12. Considérant que, si Mme A...soutient qu'elle encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine dès lors qu'elle a dénoncé aux services de police français pour des faits de séquestration, viol sur mineure et proxénétisme, l'homme que sa famille l'a contrainte à épouser, elle n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations et n'établit pas, en tout état de cause, que les autorités congolaises ne seraient pas en mesure de lui assurer une protection appropriée ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A..., au ministre de l'intérieur et à Me C...B....

Copie en sera adressée au préfet de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 28 mars 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Etienne Quencez, président de la Cour,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,

- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 avril 2017.

Le rapporteur,

Signé : R. FERALLe président de la Cour,

Signé : E. QUENCEZ

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier

Marie-Thérèse Lévèque

2

N°16DA01781


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (quinquies)
Numéro d'arrêt : 16DA01781
Date de la décision : 25/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Quencez
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SCP CARON-DAQUO-AMOUEL-PEREIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-04-25;16da01781 ?
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