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28/09/2021 | FRANCE | N°19DA02415

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 28 septembre 2021, 19DA02415


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 30 octobre 2019 et un mémoire enregistré le 15 mars 2021, la société les Vents du Caudrésis 2, représentée par Me David Deharbe, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2019 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui accorder l'autorisation environnementale d'exploiter le parc éolien " Mont de Bagny II " composé de six aérogénérateurs et deux postes de livraison sur la commune de Saint-Souplet ;

2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée, à titre principal pour toute

s les éoliennes et à titre subsidiaire pour une partie des éoliennes, ou sinon d'enjoindre...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 30 octobre 2019 et un mémoire enregistré le 15 mars 2021, la société les Vents du Caudrésis 2, représentée par Me David Deharbe, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2019 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui accorder l'autorisation environnementale d'exploiter le parc éolien " Mont de Bagny II " composé de six aérogénérateurs et deux postes de livraison sur la commune de Saint-Souplet ;

2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée, à titre principal pour toutes les éoliennes et à titre subsidiaire pour une partie des éoliennes, ou sinon d'enjoindre au préfet du Nord de statuer sur sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Heinis, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Sébastien Becue, représentant la société Les Vents du Caudrésis 2 et de Me Francis Monamy, représentant M. A... et autres.

Une note en délibéré présentée par la société Les Vents du Caudrésis 2 a été enregistrée le 17 septembre 2021.

Une note en délibéré présentée par M. A... et autres a été enregistrée le 17 septembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. La société Les Vents du Caudrésis 2 conteste l'arrêté du 3 septembre 2019 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui accorder l'autorisation environnementale d'exploiter le parc éolien " Mont de Bagny II " sur la commune de Saint-Souplet.

Sur l'intervention :

2. L'association de protection du patrimoine naturel et culturel du Catésis et de la vallée de la Selle d'une part a pour buts, selon l'article 2 de ses statuts approuvés en 2004, de " préserver la qualité de vie et la santé de la population ", de " sensibiliser au respect de l'environnement naturel et du patrimoine " et d'" agir afin que les activités humaines et les milieux créés, utilisés ou aménagés par l'homme soient respectueux des équilibres écologiques essentiels (urbanisme, industrie, transport, gestion des déchets,...) ", d'autre part " se réserve ", selon l'article 4 des statuts, " le droit d'ester en justice ".

3. Compte tenu d'une part de la situation et de la nature du projet de parc éolien et d'autre part de l'objet social de l'association mentionné au point précédent et de la localisation de l'habitation de MM. A... et B..., la délivrance d'une autorisation environnementale peut porter une atteinte suffisamment directe à leurs intérêts. Leur intervention doit donc être admise.

Sur la légalité de l'arrêté du 3 septembre 2019 :

En ce qui concerne l'erreur de droit :

4. Si l'arrêté a relevé que le respect d'une distance de 200 mètres entre les éoliennes et les habitats des chiroptères limite les risques de mortalité des chiroptères et qu'un plan de bridage des éoliennes n'est de nature à réduire les impacts des éoliennes à un niveau acceptable qu'après mise en œuvre d'une telle distance, il ne résulte pas de l'ensemble de la motivation de l'arrêté que le préfet se soit cru tenu de refuser l'autorisation dès lors que cette distance n'était pas respectée.

En ce qui concerne les éoliennes A2, A3, A5 et A6 :

S'agissant de l'éolienne A2 :

5. Cette machine est prévue à 100 mètres non pas d'une haie mais d'une prairie. La seule chauve-souris dont une forte activité a été constatée à proximité, en automne, est la pipistrelle commune, dont l'enjeu régional reste mineur selon le guide de préconisation pour la prise en compte des enjeux chiroptérologiques et avifaunistiques dans les projets éoliens dans les Hauts-de-France et qui vole généralement à moins de 50 mètres.

S'agissant de l'éolienne A5 :

6. Cette machine est prévue à 100 mètres d'une haie. S'il a été constaté dans les environs l'activité des pipistrelles commune et de Nathusius et, l'été, de la sérotine commune qui peut voler à 100 ou 200 mètres au crépuscule, la société pétitionnaire a fourni une étude du bureau spécialisé Biotope, qui n'a pas été sérieusement contestée, analysant l'efficacité, à partir d'un point de mesure situé à près de 100 mètres de hauteur sur l'éolienne E4 faisant partie du parc déjà construit au sud-ouest du projet, d'un plan de bridage, comparable au plan de bridage envisagé pour le projet, lorsque la luminosité, la température et la vitesse du vent favorisent l'activité des chiroptères, qui permet de réduire les risques de collision ou de barotraumatisme de près de 95 %.

S'agissant de l'éolienne A6 :

7. Cette machine est prévue à 90 mètres d'une haie dont l'étude d'impact a révélé qu'elle était peu fréquentée. La seule chauve-souris dont une forte activité a été constatée dans le secteur est la pipistrelle de Nathusius, en été, qui vole à des hauteurs comprises entre 30 et 50 mètres.

S'agissant de l'éolienne A3 :

8. Cette machine est prévue en bordure d'une haie et d'un secteur bocager, c'est-à-dire d'espaces où les chauves-souris sont les plus actives. La forte activité, parfois à toutes les saisons, de cinq espèces y a été constatée, la pipistrelle commune, la pipistrelle de Nathusius, la sérotine commune ainsi que la noctule commune et la noctule de Leisler dont la hauteur de vol peut excéder 100 mètres. Compte tenu de la proximité immédiate entre l'éolienne et les habitats des chiroptères, de la présence de plusieurs espèces volant à de grandes hauteurs et alors qu'une écoute en altitude sur le site même du projet n'a pas été diligentée, il ne résulte pas de l'instruction que le plan de bridage proposé au point 6 soit de nature à prévenir suffisamment le risque d'atteinte à ces espèces.

9. Il résulte de ce qui précède, sauf pour l'éolienne A3, que les prescriptions de bridage proposées réduiront de manière suffisante les inconvénients des éoliennes pour les chiroptères. En tout état de cause, des mesures de suivi de l'activité des chauves-souris permettront au préfet, en cas de nécessité, d'adapter les paramètres du bridage dans un sens plus contraignant.

10. Dans ces conditions et sauf pour l'éolienne A3, le motif de l'arrêté tiré, sur le fondement des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement, de l'atteinte à la protection des chiroptères apparaît entaché d'erreur d'appréciation.

En ce qui concerne les éoliennes A1 et A4 :

11. Pour ces deux machines, le motif du refus d'autorisation a été tiré de ce que leur " maintien exclusif ", en l'absence des quatre autres éoliennes, " conduit à la déstructuration de l'implantation en ligne courbe suivant la voie ferrée ".

12. Compte tenu de l'illégalité du refus d'autorisation opposé aux éoliennes A2, A5 et A6, le motif énoncé au point 11 n'est pas de nature à démontrer une atteinte à l'un des intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, et notamment à la préservation du paysage.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Les Vents du Caudrésis 2 est fondée à demander, sauf pour l'éolienne A3, l'annulation de la décision du 3 septembre 2019 par laquelle le préfet du Nord a refusé d'accorder l'autorisation environnementale d'exploiter le parc éolien " Mont de Bagny II ".

Sur la demande de délivrance de l'autorisation :

14. La ministre n'a invoqué ni un motif d'irrégularité de la procédure suivie, ni aucune autre atteinte aux intérêts protégés par les articles L. 511-1 du code de l'environnement et R. 111-27 du code de l'urbanisme ou par d'autres dispositions.

15. Compte tenu de ce qui précède, il ne résulte pas de l'instruction que le projet litigieux, sauf pour l'éolienne A3, soit susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats au sens de l'article L. 411-1 du code de l'environnement. La présentation d'une demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées prévue à l'article L. 411-2 du même code n'était donc pas nécessaire.

16. Eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, il y a lieu pour la cour, faisant usage de ses pouvoirs de pleine juridiction, d'une part, de délivrer à la société pétitionnaire l'autorisation environnementale d'exploiter le parc éolien en litige sauf pour l'éolienne A3, d'autre part, d'assortir cette autorisation des conditions indispensables à la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, et notamment du respect du plan de bridage évoqué au point 6, dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

17. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Les Vents du Caudrésis 2 et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de l'association de protection du patrimoine culturel du Cartésis et de la vallée de la Selle, de M. A... et de M. B... est admise.

Article 2 : La décision du 3 septembre 2019 du préfet du Nord refusant d'accorder à la société Les Vents du Caudrésis 2 l'autorisation environnementale d'exploiter le parc éolien " Mont de Bagny II " est, sauf pour l'éolienne A3, annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord, d'une part, de délivrer à la société pétitionnaire l'autorisation environnementale d'exploiter le parc éolien en litige sauf pour l'éolienne A3, d'autre part, d'assortir cette autorisation des conditions indispensables à la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, et notamment du respect du plan de bridage évoqué au point 6, dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la société Les Vents du Caudrésis 2 une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les Vents du Caudrésis 2, à M. C... A..., qui a été désignée à cette fin dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, au préfet du Nord et à la ministre de la transition écologique.

N°19DA02415

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02415
Date de la décision : 28/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Marc Heinis
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : GREENLAW AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-09-28;19da02415 ?
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