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06/01/2022 | FRANCE | N°21DA00991

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 06 janvier 2022, 21DA00991


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 10 octobre 2019 par lequel le préfet du Nord lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Elle a également demandé qu'il soit enjoint sous astreinte à l'autorité préfectorale de lui

délivrer un titre de séjour, ou à défaut de réexaminer sa situation, et de lui ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 10 octobre 2019 par lequel le préfet du Nord lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Elle a également demandé qu'il soit enjoint sous astreinte à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour, ou à défaut de réexaminer sa situation, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, le tout dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2000910 du 21 avril 2021, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 10 octobre 2019 et a enjoint au préfet du Nord de réexaminer la situation de Mme A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mai 2021, le préfet du Nord demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter les demandes de Mme A....

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante mongole, a déclaré être entrée en France le 20 juin 2015. Elle a demandé, le 17 avril 2018, le renouvellement de sa carte de séjour temporaire pour soins, valable jusqu'au 12 juin 2018. Le préfet du Nord a rejeté cette demande par un arrêté du 10 octobre 2019, portant également obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Saisi par Mme A..., le tribunal administratif de Lille, par un jugement du 21 avril 2021, a annulé ces décisions et a enjoint au préfet du Nord de réexaminer la situation de Mme A... dans le délai de deux mois, à compter de la notification du jugement à intervenir. Le préfet du Nord relève appel de ce jugement.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Le tribunal administratif a annulé la décision rejetant sa demande de titre en raison de son état de santé au motif que n'était pas produit l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration prévu par les dispositions du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, le préfet produit pour la première fois, à l'appui de son appel, cet avis, comportant l'ensemble des mentions imposées par les dispositions règlementaires en vigueur. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a annulé pour ce motif sa décision de refus de titre de séjour du 10 octobre 2019. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige, par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A....

Sur les autres moyens soulevés par Mme A... :

En ce qui concerne la décision de refus de titre :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa numérotation alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :/ (...) / 11°) A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé ". La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires, doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous les éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, la possibilité de bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. En l'espèce, l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 5 novembre 2018 estime que le défaut de prise en charge médicale de Mme A... peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour remettre en cause cet avis, Mme A... se réfère à un arrêt d'une cour administrative rendu selon elle dans une situation comparable. Toutefois, cet arrêt s'applique nécessairement à une situation individuelle distincte de la sienne, tant en ce qui concerne les pathologies subies que la procédure et les pièces fournies. Mme A... produit également un certificat de l'agence exécutive du gouvernement mongol en date du 27 septembre 2016 qui atteste que le Levothyrox 125, indispensable au traitement de l'intéressée n'est pas disponible dans son pays d'origine. En sens inverse, le préfet du Nord produit en cause d'appel, une fiche pays relative à la Mongolie, établie le 19 mars 2015, par un réseau de médecins locaux, qui atteste de la possibilité de délivrance du Levothyrox 50 et 100. La pièce produite par l'intéressée ne suffit pas à démontrer que le traitement approprié ne soit effectivement pas disponible dans le pays d'origine de l'intéressée dès lors que rien ne démontre qu'elle doive prendre le médicament prescrit sous la forme d'un seul comprimé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

5. Mme A... soutient que le préfet n'avait pas procédé à un examen complet de sa situation au motif qu'il n'avait pas pris en compte l'évolution de son état de santé depuis l'avis du 5 novembre 2018 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration visé dans sa décision. Toutefois, elle n'établit pas qu'elle ait porté à l'attention du préfet préalablement à la décision ou à celle de l'Office, les pièces médicales qu'elle produit, ni d'autres éléments justifiant de l'évolution de son état de santé. Par ailleurs, ces pièces ne démontrent pas que l'avis rendu le 5 novembre 2018 ne serait plus pertinent dès lors qu'il n'est pas établi que le défaut de prise en charge de l'hypertension artérielle de l'intéressée qui est diagnostiqué à compter de l'été 2019, postérieurement à l'avis du collège de médecins, aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine pour cette dernière affection. Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen doit être écarté.

6. Si Mme A... est entrée en France le 20 juin 2015, elle n'apporte aucun élément attestant de son intégration sociale ou de ses relations amicales en France. Par ailleurs, elle a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de quarante ans et n'établit pas y être isolée, dès lors que ses deux enfants majeurs y résident. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doit être également écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité du refus de titre, ne peut qu'être écarté.

8. L'obligation de quitter le territoire français prise en application d'un refus de titre ne nécessite pas de motivation distincte de celle du refus de titre dès lors que celui-ci est motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français sont rappelées. En l'espèce, le refus de titre est suffisamment motivé et l'arrêté vise le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

9. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5, l'intéressée reprenant la même argumentation, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux ne peut qu'être écarté.

10. Compte tenu de ce qui a été dit au point 6 et l'avis du collège de médecins indiquant que l'intéressée peut voyager sans risque vers son pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. Pour les motifs exposés aux points 5 à 7, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressée ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a annulé pour excès de pouvoir les décisions du 10 octobre 2019 refusant un titre de séjour à Mme A..., l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par suite, il est également fondé à soutenir que l'injonction prononcée par le jugement doit également être annulée.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

13. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa numérotation alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. /.../ Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. /.../ La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

14. Le préfet a considéré, pour prononcer l'interdiction de retour contestée, que Mme A... ne faisait pas valoir de circonstances humanitaires qui feraient obstacle à une telle mesure. Toutefois, ainsi que le fait valoir Mme A..., il s'est ainsi placé dans le cadre du premier alinéa des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où l'interdiction de retour est automatique en cas d'absence de délai de départ volontaire, sauf circonstances humanitaires alors que le 3éme aliéna applicable à la situation de l'intéressée ne fait pas mention de telles circonstances. Par suite, il a entaché sa décision d'erreur de droit. Cette décision doit donc être annulée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de cette décision.

15. Il résulte de tout ce qui précède que seule l'interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée. Le présent arrêt qui n'annule que l'interdiction de retour sur le territoire français n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fins d'injonction doivent donc être rejetées.

16. Les dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à la mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie principalement perdante dans la présente instance de la somme réclamée à ce titre par Mme A....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 21 avril 2021 est annulé.

Article 2 : La décision du 10 octobre 2019 interdisant le retour de Mme A... sur le territoire français pendant une durée d'un an est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme B... A... et à Me Gommeaux.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

N°21DA00991 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00991
Date de la décision : 06/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : GOMMEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-01-06;21da00991 ?
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