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24/03/2022 | FRANCE | N°21DA00326

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 24 mars 2022, 21DA00326


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Enclos a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 du président de l'université de Lille, d'enjoindre sous astreinte à l'université de Lille de lui notifier sa reconstitution de carrière et de condamner l'université de Lille à lui verser, sous astreinte, une indemnité compensatrice des traitements non versés d'un montant de 25 749,65 euros, avec intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1804472 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Li

lle a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Enclos a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 du président de l'université de Lille, d'enjoindre sous astreinte à l'université de Lille de lui notifier sa reconstitution de carrière et de condamner l'université de Lille à lui verser, sous astreinte, une indemnité compensatrice des traitements non versés d'un montant de 25 749,65 euros, avec intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1804472 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 février 2021 et le 21 octobre 2021, ainsi qu'un mémoire non communiqué, enregistré le 10 décembre 2021, M. Enclos, représenté par Me Stéphanie Hérin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 ;

3°) d'enjoindre à l'université de Lille, ou le cas échéant à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de procéder à sa reconstitution de sa carrière, tenant compte de l'avantage spécifique d'ancienneté et d'ordonner la liquidation des sommes lui revenant, majorées des intérêts légaux, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'université de Lille la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur tous les moyens ;

- le président de l'université de Lille 2 était compétent pour le classer au sixième échelon de la hors-classe et par suite le retrait de la décision du 18 décembre 2017 est illégal ;

- le président de l'université de Lille n'était pas compétent pour retirer la décision du 18 décembre 2017, si celle-ci avait été prise par une autorité incompétente ;

- l'arrêté du 18 décembre 2017 ne fait que confirmer une décision verbale du 13 octobre 2017 qui ne pouvait plus être retirée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 octobre 2021 et le 12 novembre 2021, l'université de Lille, représentée par Me Valéry Gollain, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le jugement contesté s'est prononcé sur tous les moyens soulevés et est par suite parfaitement régulier ;

- les présidents d'université n'ont pas délégation de pouvoirs pour accorder l'avantage spécifique d'ancienneté, par suite, la décision du 18 décembre 2017 était prise par une autorité incompétente et était illégale ;

- aucune décision créatrice de droits n'est née à la suite des engagements pris par le président de l'université lors de la réunion du 13 octobre 2013 ;

- le président était compétent pour retirer la décision du 18 décembre 2017 ;

- à titre subsidiaire, elle demande la substitution des motifs du défaut de base légale, de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation à celui de l'incompétence comme motifs de l'illégalité de l'arrêté du 18 décembre 2017 ;

- les conclusions indemnitaires de M. Enclos sont irrecevables ;

- à titre subsidiaire, elles sont partiellement prescrites.

Par un mémoire, enregistré le 12 novembre 2021, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation conclut au rejet de la requête.

Elle s'associe aux écritures de l'université de Lille et en tout état de cause, oppose la prescription quadriennale aux conclusions indemnitaires antérieures au 1er janvier 2013.

La clôture de l'instruction a été fixée, la dernière fois, au 16 décembre 2021 à 12 heures par ordonnance du 15 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 modifiée ;

- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;

- l'arrêté du 10 février 2012 portant délégation de pouvoirs en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me Charles Abeel pour l'université de Lille.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... Enclos était maître de conférences en droit privé et sciences criminelles, depuis le 1er décembre 1996, à l'université de Lille 2. Il a demandé à bénéficier de l'avantage spécifique d'ancienneté. Le président de l'université de Lille 2 a, par arrêté du 18 décembre 2017, reconstitué sa carrière en prenant en compte la bonification d'ancienneté résultant de l'application de l'avantage spécifique d'ancienneté. Cet arrêté a été retiré, le 15 mars 2018, par le président de l'université de Lille, née le 1er janvier 2018 de la fusion d'universités lilloises dont l'université de Lille 2. M. Enclos a alors saisi le tribunal administratif de Lille de demandes d'annulation de l'arrêté du 15 mars 2018, d'injonction sous astreinte de reconstituer sa carrière et de condamnation de l'université de Lille à lui verser une indemnité compensatrice des traitements non versés d'un montant de 25 749, 65 euros, avec intérêts au taux légal. M. Enclos relève appel du jugement du tribunal administratif de Lille du 17 décembre 2020, uniquement en tant qu'il a rejeté ses demandes d'annulation de l'arrêté du 15 mars 2017 et d'injonction à ce que sa carrière soit reconstituée.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient l'appelant, le tribunal administratif a répondu de façon suffisamment motivée aux moyens tirés de ce que l'arrêté du 18 décembre 2017 était légal et ne pouvait être retiré, de l'incompétence du président de l'université de Lille pour retirer l'arrêté du 18 décembre 2017 et de ce que l'arrêté du 18 décembre 2017 était purement confirmatif de la décision orale du 13 octobre 2017 du président de l'université de Lille 2. L'appelant ne précise pas sur quel autre moyen d'erreur de droit le tribunal administratif ne se serait pas prononcé. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité du jugement pour insuffisance de motivation et pour défaut de réponse à l'ensemble des moyens doivent donc être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ".

4. D'une part, il résulte des dispositions des articles 1er et 2 de l'arrêté du 10 février 2012 portant délégation de pouvoirs en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche que les présidents d'université ont délégation de pouvoirs pour prendre au nom du ministre chargé de l'enseignement supérieur les décisions définies limitativement par cet arrêté, notamment les avancements d'échelon et de grade des maîtres de conférences.

5. D'autre part, aux termes de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique tel qu'il résulte de l'article 17 de la loi du 25 juillet 1994 relative à l'organisation du temps de travail, aux recrutements et aux mutations dans la fonction publique : " Les fonctionnaires de l'Etat et les militaires de la gendarmerie affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret ". L'article 2 du décret du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles précise que : " Lorsqu'ils justifient de trois ans au moins de services continus accomplis dans un quartier urbain désigné en application de l'article 1er ci-dessus, les fonctionnaires de l'Etat ont droit, pour l'avancement, à une bonification d'ancienneté d'un mois pour chacune de ces trois années et à une bonification d'ancienneté de deux mois par année de service continu accomplie au-delà de la troisième année. / Les années de services ouvrant droit à l'avantage mentionné à l'alinéa précédent sont prises en compte à partir du 1er janvier 1995 pour les fonctionnaires mentionnés au 3° de l'article 1er et, pour les fonctionnaires mentionnés aux 1° et 2° du même article, à partir du 1erjanvier 2000. / (...) ".

6. En premier lieu, M. Enclos soutient que le président de l'université de Lille 2 avait décidé dès le 13 octobre 2017 de le faire bénéficier de l'avantage spécifique d'ancienneté et que cette décision verbale ne pouvait donc plus être retirée au-delà du délai légal de quatre mois. Mais si lors d'une rencontre le 13 octobre 2017, le président a envisagé de donner une suite favorable à la demande de M. Enclos et d'un autre de ses collègues, à la suite de cette réunion, le président s'est contenté de demander à ses services d'indiquer au ministère chargé de l'enseignement supérieur que l'université allait reconstituer la carrière de M. Enclos et qu'elle demandait le paiement du coût de cette mesure à l'Etat, comme le démontre son courriel du 28 novembre 2017 adressé à la directrice des ressources humaines de l'université et comme le confirme l'attestation sur l'honneur qu'il a produite en première instance. Aucune décision de reconstitution de carrière et de reclassement de l'intéressé au sixième échelon du grade hors classe des maîtres de conférences n'est intervenue avant le 18 décembre 2017. Il n'est donc pas établi que la décision de reconstitution de carrière tenant compte de l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté aurait été prise avant cette date.

7. En deuxième lieu, il résulte de la combinaison des dispositions rappelées aux points 4 et 5 que l'octroi de l'avantage spécifique d'ancienneté, décision distincte de celle d'un avancement d'échelon et de grade, n'est pas mentionné parmi les compétences déléguées aux présidents d'université par l'arrêté du 10 février 2012. Par suite, le président de l'université de Lille 2 n'était pas compétent pour accorder un tel avantage spécifique d'ancienneté à M. Enclos. L'arrêté du 18 décembre 2017 était donc illégal pour ce motif, et contrairement à ce soutient l'appelant, il pouvait donc être retiré dans le délai rappelé au point 3.

8. En troisième lieu, lorsque l'autorité administrative prend une décision individuelle créatrice de droits qui n'entre pas dans ses compétences et la retire avant l'expiration du délai dont elle dispose pour ce faire, la décision de retrait n'excède pas ses pouvoirs, quels que soient les motifs sur lesquels elle se fonde. Il en résulte que, si l'arrêté du 18 décembre 2017, pris par le président de l'université de Lille 2 a créé des droits au profit de M. Enclos, le président de l'université de Lille avait compétence pour le retirer quand bien même il n'aurait pas eu compétence pour prendre un tel arrêté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. Enclos n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 15 mars 2018 et par voie de conséquence ses conclusions indemnitaires et celles à fin d'injonction. Par suite, sa requête ne peut qu'être rejetée, y compris en ses conclusions à fin d'injonction réitérées en cause d'appel et celles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'université de Lille au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Enclos est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'université de Lille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Enclos, à l'université de Lille et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Délibéré après l'audience publique du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Chloé Huls-Carlier

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N°21DA00326

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00326
Date de la décision : 24/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-02-05-01-038 Enseignement et recherche. - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement. - Enseignement supérieur et grandes écoles. - Universités. - Présidents d'université.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : GOLLAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-03-24;21da00326 ?
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