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07/04/2022 | FRANCE | N°21DA01615

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 07 avril 2022, 21DA01615


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de l'admettre à titre provisoire à l'aide juridictionnelle et d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 2 février 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2100400 du 17 mars 2021, le magistrat désigné par la présidente du tr

ibunal administratif de Rouen l'a admis à titre provisoire à l'aide juridictionnelle et a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de l'admettre à titre provisoire à l'aide juridictionnelle et d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 2 février 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2100400 du 17 mars 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen l'a admis à titre provisoire à l'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Abdel Alouani, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 2 février 2021 interdisant son retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation.

Par mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2021, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que l'obligation de quitter le territoire français a été adressée à M. A... à l'adresse qu'il avait indiquée et que l'interdiction de retour n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation et ne viole pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 10 juin 2021.

La clôture de l'instruction a été fixée au 3 janvier 2022 à 12 heures par ordonnance du 9 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant tunisien, a fait l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, prononcée par arrêté du préfet de la Seine-Maritime le 2 février 2021. M. A... relève appel du jugement du 17 mars 2021 en tant que le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

2. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / Sauf s'il n'a pas satisfait à une précédente obligation de quitter le territoire français ou si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, le présent III n'est pas applicable à l'étranger obligé de quitter le territoire français au motif que le titre de séjour qui lui avait été délivré en application de l'article L. 316-1 n'a pas été renouvelé ou a été retiré ou que, titulaire d'un titre de séjour délivré sur le même fondement dans un autre Etat membre de l'Union européenne, il n'a pas rejoint le territoire de cet Etat à l'expiration de son droit de circulation sur le territoire français dans le délai qui lui a, le cas échéant, été imparti pour le faire. / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. / Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative prononce une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) ". Le II du même article, dans sa version en vigueur, dispose que : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) ".

3. M. A... a fait l'objet le 18 novembre 2020 d'une décision lui refusant l'admission au séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de destination. Il ressort des pièces du dossier que cet arrêté lui a été adressé par voie postale et que le pli n'a pas été distribué pour " défaut d'accès ou d'adressage ". Si le préfet soutient que le pli a été envoyé à l'adresse communiquée par l'intéressé aux services de la préfecture, il ressort des pièces produites en première instance, dont l'authenticité n'est pas contestée, que l'accusé de réception de la demande d'admission au séjour de M. A..., déposé par voie électronique le 4 juin 2020, mentionnait comme adresse : " , 76100 Rouen ". Or l'arrêté a été expédié à la même adresse mais sans comporter de numéro de rue. En conséquence, l'arrêté n'a pas été régulièrement notifié à l'intéressé et il n'est donc pas établi que le délai de départ volontaire dont disposait M. A... ait expiré à la date à laquelle le préfet a prononcé l'interdiction de retour en litige. Par suite, l'interdiction de retour prononcée le 2 février 2021 doit être annulée pour ce motif. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de cette décision,

4. L'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'implique aucune mesure spécifique d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction de M. A... ne peuvent qu'être rejetées.

5. M. A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par suite, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1 000 euros à verser à Me Abdel Alouani, avocat de M. A..., sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Rouen du 17 mars 2021 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions d'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

Article 2 : L'arrêté du 2 février 2021 du préfet de la Seine-Maritime portant interdiction de retour sur le territoire français de M. A... pour une durée de deux ans est annulé.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Alouani en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve que Me Alouani renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Abdel Alouani.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 24 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 avril 2022.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

La présidente de chambre,

Signé : G. BorotLa greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

N°21DA01615 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01615
Date de la décision : 07/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : ALOUANI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-04-07;21da01615 ?
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