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04/01/2011 | FRANCE | N°10LY00876

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 04 janvier 2011, 10LY00876


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 21 avril 2010 et régularisée le 23 avril 2010, présentée pour M. Haci A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000203, en date du 23 mars 2010, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Côte d'Or, du 23 décembre 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait recond

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Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 21 avril 2010 et régularisée le 23 avril 2010, présentée pour M. Haci A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000203, en date du 23 mars 2010, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Côte d'Or, du 23 décembre 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte d'Or de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour ;

Il soutient que les premiers juges, pour rejeter sa requête, se sont fondés sur un mémoire du préfet du 2 mars 2010, déposé après la clôture de l'instruction et qui ne lui a pas été communiqué ; que le préfet, dans sa décision du 23 décembre 2009, n'a pas précisé les motifs pour lesquels le demandeur ne pouvait pas être regardé comme établissant l'existence d'un motif exceptionnel justifiant la délivrance du titre de séjour prévu à l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code ; que, par suite, le préfet n'a pas satisfait aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'il a droit à un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 ; que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement ; que les premiers juges, en jugeant à tort qu'il ne peut utilement se prévaloir de la circulaire IMIK0900092C du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire du 24 novembre 2009 relative à la délivrance de cartes de séjour temporaire portant la mention salarié ou travailleur temporaire au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, qui est dépourvue de caractère réglementaire , pour contester la légalité de la décision de refus de séjour, ont commis une erreur de droit ; que la décision fixant le pays de renvoi a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le jugement du Tribunal administratif de Dijon contesté ici a jugé que le mandat d'arrêt émis à son encontre par la Cour d'assises de Malatya le 12 janvier 2007 est dépourvu de toute garantie d'authenticité alors qu'un jugement de la même juridiction du 5 décembre 2007, devenu définitif, a annulé l'article 3 d'un arrêté du préfet de la Côte d'Or du 13 août 2007 pris à son encontre et qui fixait la Turquie comme pays de destination, en se fondant sur le même document ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 août 2010, présenté par le préfet de la Côte d'Or, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant à M. A la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la circulaire IMIK0900092C du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire du 24 novembre 2009 relative à la délivrance de cartes de séjour temporaire portant la mention salarié ou travailleur temporaire au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, est dépourvue de caractère réglementaire ; que ni les premiers juges, ni lui-même n'ont commis d'erreur de droit en rejetant la requête de M. A ; que la décision de refus de séjour en litige n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision fixant le pays de renvoi en litige n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu l'arrêté ministériel du 18 janvier 2008, relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2010 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que M. A soutient que les premiers juges, pour rejeter sa requête, se sont fondés sur un mémoire du préfet du 2 mars 2010, déposé après la clôture de l'instruction et qui ne lui a pas été communiqué ; qu'il ressort des pièces du dossier de première instance qu'un mémoire du préfet de la Côte d'Or a été enregistré au greffe du Tribunal administratif de Dijon le jour de la clôture d'instruction et qu'il contient des pièces ou éléments nouveaux sur lesquels les juges se fondent dans leur décision ; qu'à supposer même que ce mémoire ait été communiqué le jour même au requérant à qui la prise en compte de ces éléments a préjudicié, celui-ci n'a pas disposé d'un délai suffisant pour y répondre ; que, par suite, la procédure a été irrégulière pour défaut du respect du principe du contradictoire ; qu'ainsi, il y a lieu pour la Cour d'annuler le jugement attaqué ;

Considérant qu'il convient, pour la Cour, d'évoquer la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Dijon et d'y statuer ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent et qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ;

Considérant que, pour refuser à M. A, de nationalité turque, la délivrance d'un titre de séjour prévu à l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code, le préfet de la Côte d'Or, dans sa décision du 23 décembre 2009, s'est fondé sur les motifs tirés de ce que l'intéressé, d'une part, n'a présenté aucun contrat de travail correspondant à l'exercice d'un métier figurant sur la déclinaison régionale de la liste des métiers prévue à l'article L. 313-10, d'autre part, n'a fait valoir aucun élément justifiant son admission au séjour au regard de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels ; qu'elle est suffisamment motivée sur ce point au regard des exigences de l'article 3 de la loi de 1979 susmentionnée alors même qu'elle ne ferait pas état de tous les motifs dont M. A se prévalait auprès du préfet saisi qui n'était pas tenu de les citer ; que le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 40 de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007, applicable à l'espèce : (...) la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7(...) ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du même code : La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 ;

Considérant qu'en se bornant à faire valoir qu'il parle très bien français, qu'il réside en France depuis mai 2004 et qu'il a travaillé pour la société Fontaine Kebab du 6 octobre 2009 au 4 janvier 2010, M. A ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions susmentionnées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne peut pas se prévaloir utilement de la circulaire IMIK0900092C du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire du 24 novembre 2009 relative à la délivrance de cartes de séjour temporaire portant la mention salarié ou travailleur temporaire au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, laquelle est dépourvue de caractère réglementaire ; que le préfet de la Côte d'Or pouvait légalement refuser de faire application à M. A des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au seul motif que celui-ci ne faisait valoir aucun élément justifiant son admission au séjour au regard de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels ; que sa décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que M. A soutient qu'il craint en raison de son origine kurde et de son engagement en faveur de la cause kurde pour sa sécurité et sa liberté en cas de retour en Turquie, que son frère a été victime de persécutions et qu'il a dû fuir son pays, que lui-même a fui la Turquie et s'est réfugié en France afin de solliciter l'asile ; que, toutefois, le requérant, dont les demandes d'asile ont toutes été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par la Commission des recours des réfugiés et la Cour nationale du droit d'asile, n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations ; que si M. A fait valoir que, par un jugement du 5 décembre 2007, devenu définitif, le Tribunal administratif de Dijon a annulé l'article 3 d'un arrêté du préfet de la Côte d'Or du 13 août 2007 pris à son encontre et qui fixait la Turquie comme pays de destination, au motif que cette décision était contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en se fondant sur le fait qu'il était sous le coup d'un mandat d'arrêt, il ressort des pièces du dossier qu'il n'est pas, actuellement, exposé à des poursuites en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, la décision fixant la Turquie comme pays de renvoi n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du préfet de la Côte d'Or, du 23 décembre 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ; que ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 23 mars 2010 est annulé.

Article 2 : La demande de M. A devant le Tribunal administratif de Dijon et le surplus des conclusions de sa requête devant la Cour administrative d'appel de Lyon sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Haci A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de la Côte d'Or.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Segado, premier conseiller,

M. Levy Ben Cheton, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 janvier 2011.

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N° 10LY00876


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00876
Date de la décision : 04/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : AYDIN-IZOULI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-01-04;10ly00876 ?
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