La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/04/2014 | FRANCE | N°13LY02296

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 15 avril 2014, 13LY02296


Vu la requête, enregistrée le 16 août 2013, au greffe de la Cour, présentée pour M. C... B..., domicilié ...;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202720, du 7 juin 2013, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 14 mai 2012 l'expulsant du territoire français et désignant la Tunisie comme pays de renvoi ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situatio

n administrative dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à interveni...

Vu la requête, enregistrée le 16 août 2013, au greffe de la Cour, présentée pour M. C... B..., domicilié ...;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202720, du 7 juin 2013, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 14 mai 2012 l'expulsant du territoire français et désignant la Tunisie comme pays de renvoi ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation administrative dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

M. B...soutient que :

- la décision d'expulsion du territoire français est entachée d'un vice de procédure en l'absence de mention claire mentionnée sur sa convocation devant la commission d'expulsion, de la possibilité d'obtenir le bénéfice de l'aide juridictionnelle et d'être assisté d'un avocat devant cette commission ;

- l'autorité administrative a méconnu les dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'à la date de la décision litigieuse, M. B...ne constituait plus une menace pour l'ordre public eu égard à son comportement en détention et à l'avis rendu par un psychiatre ;

- la décision litigieuse ne saurait être regardée comme régulièrement motivée par la seule référence à son passé pénal eu égard à la gravité de la décision et de ses conséquences pour l'intéressé, alors que le préfet ne relève aucun des éléments de sa vie personnelle tels que sa durée de présence en France, la présence de membres de sa famille sur le territoire français, son état de santé et ses efforts de réinsertion ;

- le préfet de l'Isère, qui n'a pas repris dans sa décision certains des éléments relevés par la commission d'expulsion plaidant en sa faveur, s'est estimé en situation de compétence liée par l'avis rendu par ladite commission et a commis une erreur de droit ;

- eu égard aux attaches familiales qu'il possède en France, où il séjourne depuis l'âge de dix-sept ans, la décision d'expulsion du territoire français prise à son encontre méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- expulsé du territoire français avant que le juge administratif ait pu statuer, même en référé, sur ses demandes, il n'a pas bénéficié d'un recours effectif contre cette décision d'expulsion, en violation des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2014, présenté par le préfet de l'Isère qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient que :

- il s'en remet à ses écritures présentées devant le Tribunal dès lors que la requête de M. B... est formulée en des termes identiques à ceux exposés en première instance ;

- le requérant, qui a déposé un recours en annulation ainsi qu'un référé-suspension à l'encontre de la mesure d'expulsion prise à son encontre, n'a pas été privé de son droit à un recours effectif garanti par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la décision du 18 juillet 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 2014 :

- le rapport de Mme Samson, présidente,

- et les conclusions de M. Levy Ben-Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant que M.B..., ressortissant tunisien, a, par arrêté du 14 mai 2012 du préfet de l'Isère, fait l'objet d'une mesure d'expulsion du territoire français sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, le même jour, le préfet de l'Isère a désigné la Tunisie comme pays à destination duquel il serait éloigné ; que M. B...relève appel du jugement du 7 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté d'expulsion contesté est régulièrement motivé en droit par le visa notamment de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui fonde la décision ; qu'il doit être regardé comme régulièrement motivé en fait par l'indication que M. B...a commis un acte de pénétration sexuelle par violence, contrainte, menace ou surprise, dans la nuit du 28 au 29 novembre 2006 et qu'il a également été condamné, à deux reprises, le 1er juillet 2008, pour détention de stupéfiants et, le 8 février 2012, pour recel de biens provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas cinq ans d'emprisonnement et, qu'ainsi, sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public du fait de son comportement ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 522-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " La convocation prévue au 2° de l'article L. 522-1 doit être remise à l'étranger quinze jours au moins avant la réunion de la commission. Elle précise que l'intéressé a le droit d'être assisté d'un conseil ou de toute personne de son choix et d'être entendu avec un interprète. / L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans les conditions prévues par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Cette faculté est indiquée dans la convocation. L'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par le président de la commission. (...) " ;

4. Considérant que par lettre du 8 décembre 2011, notifiée à M. B...le 13 décembre suivant, le préfet de l'Isère a informé l'intéressé qu'une procédure d'expulsion était engagée à son encontre sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il avait la possibilité de se faire représenter par un avocat ou conseil de son choix et de demander l'aide judiciaire provisoire dans les conditions prévues par la loi n° 72-11 du 3 janvier 1972 ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a sollicité, par l'intermédiaire de la CIMADE, la communication de son dossier le 11 janvier 2012 en vue de la réunion de la commission départementale d'expulsion des étrangers le 19 janvier suivant et a été représenté par cette association devant ladite commission ; que, par suite, M. B...n'a été privé d'aucune garantie de procédure et n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'arrêté qu'il conteste serait intervenu aux termes d'une procédure irrégulière ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., né le 8 octobre 1984, a commis un viol, dans la nuit du 28 au 29 novembre 2006, pour lequel il a été condamné à sept ans d'emprisonnement par la Cour d'assises de Valence ; qu'il a été condamné, à deux reprises, le 1er juillet 2008, pour détention de stupéfiants et, le 8 février 2012, pour recel de biens provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas cinq ans d'emprisonnement ; qu'ainsi, eu égard à la particulière gravité des faits susmentionnés et au caractère répété et récent des actes de délinquance commis par M.B..., et nonobstant l'absence de dangerosité psychiatrique relevée par le médecin psychiatre en 2010 et les efforts de formation réalisés par l'intéressé en détention, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la présence en France de l'intéressé constituait, du fait de son comportement, une menace grave pour l'ordre public au sens de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la date de l'arrêté d'expulsion ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des mentions de la décision contestée que le préfet de l'Isère se soit estimé lié par l'avis rendu par la commission d'expulsion pour prendre l'arrêté en litige ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

9. Considérant que les faits pour lesquels M. B...a été condamné sont particulièrement graves ; que si l'intéressé fait valoir que ses parents et son jeune frère résident régulièrement sur le territoire français et qu'il est démuni d'attaches privées et familiales en Tunisie, il ressort des pièces du dossier que M.B..., âgé de vingt-sept ans à la date de la décision en litige, est célibataire et sans enfant et ne justifie pas ne pas disposer d'une autonomie suffisante pour mener une vie privée et familiale normale en Tunisie ; qu'eu égard à la gravité des faits commis et au caractère répété et récent des actes de délinquance, la mesure d'expulsion du territoire français prise à son encontre n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles " ;

11. Considérant que si le requérant soutient que l'absence du caractère suspensif du référé-suspension qu'il a introduit le 24 mai 2012 sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a permis au préfet de l'Isère d'exécuter le 23 mai 2012 l'arrêté décidant son expulsion du territoire et que, ce faisant, il n'a pas, en violation des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, bénéficié du droit à l'octroi d'un recours effectif tendant à obtenir la suspension de cette mesure, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté qu'il conteste ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2014 à laquelle siégeaient :

Mme Samson, présidente,

M. A...et MmeD..., premiers-conseillers.

Lu en audience publique, le 15 avril 2014.

''

''

''

''

1

2

N° 13LY02296

gt


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02296
Date de la décision : 15/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02-03 Étrangers. Expulsion. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON
Rapporteur ?: Mme Dominique SAMSON
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-04-15;13ly02296 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award