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06/11/2014 | FRANCE | N°14LY01174

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 5, 06 novembre 2014, 14LY01174


Vu la requête, enregistrée le 17 avril 2014, présentée pour M. F...A..., domicilié ... ;

M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302506 du 17 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant :

- d'une part, à l'annulation des décisions du 28 août 2013 du préfet de la Côte-d'Or portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et prescrivant qu'à l'expiration de ce délai il serait reconduit d'office à destination

du pays dont il a la nationalité ;

- d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet ...

Vu la requête, enregistrée le 17 avril 2014, présentée pour M. F...A..., domicilié ... ;

M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302506 du 17 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant :

- d'une part, à l'annulation des décisions du 28 août 2013 du préfet de la Côte-d'Or portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et prescrivant qu'à l'expiration de ce délai il serait reconduit d'office à destination du pays dont il a la nationalité ;

- d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêt et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont fondé leur jugement sur des pièces non contenues dans le dossier et non communiquées aux parties et qu'ils ont remis en cause l'authenticité du certificat médical produit ;

- le refus de titre méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard aux éléments médicaux produits, qui sont de nature à démontrer l'impossibilité d'un traitement adapté à son état de santé en Guinée et les conséquences d'une exceptionnelle gravité qui résulteraient d'un défaut de soins ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 20 mai 2014, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A... ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 octobre 2014, présenté par le préfet de la Côte- d'Or, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2014 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A..., ressortissant guinéen né en 1970, qui est entré en France le 9 mars 2009, a sollicité la reconnaissance de la qualité de réfugié ; que sa demande a été rejetée par une décision du 24 juillet 2009 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 21 mai 2010 ; qu'il a sollicité, le 13 avril 2012, en se prévalant de son état de santé, le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ; que le 28 août 2013, le préfet de la Côte-d'Or a refusé ce renouvellement, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a désigné la Guinée comme pays de destination pour l'exécution d'une décision d'éloignement ; que M. A... fait appel du jugement du 17 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence " ;

3. Considérant qu'il ressort des énonciations même du jugement attaqué que, pour rejeter la demande de M. A... tendant à l'annulation des décisions préfectorales en litige, les premiers juges se sont fondés sur des recommandations européennes dites " Guidelines on the management of valvular heart disease " ; qu'il est constant que le rapport contenant ces recommandations n'avait été produit par aucune des parties et ne leur avait pas été communiqué ; que, de ce fait, les parties ont été privées de la possibilité de débattre contradictoirement du contenu de ce rapport ; que, dès lors, le tribunal administratif a méconnu les exigences inhérentes au caractère contradictoire de l'instruction ; qu'il suit de là que M. A...est fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A...devant le Tribunal administratif de Dijon ;

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

5. Considérant, en premier lieu, que, par arrêté du 17 juin 2013, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le préfet de la Côte-d'Or a donné une délégation de signature à Mme Valente, secrétaire général de la préfecture, l'habilitant à signer tous arrêtés à l'exception des déclinatoires de compétence ou arrêtés de conflit ; que le même arrêté autorise M.E..., directeur de cabinet, à signer en lieu et place de Mme Valente en cas d'absence ou d'empêchement de cette dernière ; que si la décision en litige ne fait pas état de l'absence ou de l'empêchement de Mme Valente, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que celle-ci n'aurait pas été absente ou empêchée le 28 août 2013 ; que, dès lors, M. E...était, en vertu de la délégation de signature consentie par le préfet de la Côte-d'Or, compétent pour signer la décision en litige ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que le refus de titre de séjour en litige, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du CESEDA : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... présente une pathologie liée à une insuffisance aortique ; que dans son avis du 23 juillet 2013, le médecin inspecteur de santé publique de l'agence régionale de santé de Bourgogne a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale mais qu'il existait un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; que ni le certificat rédigé le 15 octobre 2008 par un médecin de l'hôpital national Donka - CHU de Conakry qui, après avoir établi un diagnostic d'endocardite infectieuse, indique que M. A..., après avoir été soumis à une antibiothérapie durant six semaines, a été invité, eu égard à la persistance des symptômes, à " aller se faire soigner dans un centre spécialisé ", ni le certificat rédigé le 16 septembre 2013 par un médecin généraliste de la Côte-d'Or, qui évoque une valvulopathie cardiaque et les soins nécessaires, sans aucun élément relatif à la possibilité d'un traitement en Guinée, qui sont produits par l'intéressé, ne suffisent à remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé sur ce point ; qu'il en est de même d'un article de l'OMS sur l'état sanitaire en Guinée et d'un article d'un laboratoire d'économie de l'université Lyon 2 sur l'accessibilité des services de santé en Guinée, également produits par le requérant ; que, par suite, contrairement à ce que soutient ce dernier, le refus qui a été opposé par le préfet de la Côte-d'Or à sa demande de renouvellement de son titre de séjour ne méconnaît pas les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du CESEDA ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du CESEDA : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ; que M. A..., ressortissant guinéen, à qui un titre de séjour a été refusé le 28 août 2013, se trouvait ainsi, à cette date, dans le cas prévu par ces dispositions, dans lequel le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ;

11. Considérant, en troisième lieu, que, compte tenu du rejet par le présent arrêt des conclusions aux fins d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité dudit refus doit être écarté ;

12. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du CESEDA : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) /10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;

13. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, la décision du 28 août 2013 du préfet de la Côte-d'Or obligeant M. A...à quitter le territoire français n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-4 du CESEDA ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

14. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu du rejet par le présent arrêt des conclusions aux fins d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ladite mesure d'éloignement doit être écarté ;

15. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du CESEDA : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; que ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

16. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le retour de M. A... en Guinée où, ainsi qu'il a été dit, il pourrait être soigné, l'exposerait à des traitements prohibés par les stipulations et dispositions citées ci-dessus ; que le moyen tiré de leur méconnaissance doit, dès lors, être écarté ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du 28 août 2013 du préfet de la Côte-d'Or portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et prescrivant qu'à l'expiration de ce délai il serait reconduit d'office à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays où il établirait être légalement admissible ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon n° 1302506 du 17 mars 2014 est annulé.

Article 2 : La demande de M. A...devant le Tribunal administratif de Dijon et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2014 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet et M.B..., présidents-assesseurs,

M. C...et MmeD..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 6 novembre 2014.

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N° 14LY01174


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 14LY01174
Date de la décision : 06/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : DUFAY-SUISSA-CORNELOUP-WERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-11-06;14ly01174 ?
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