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30/04/2015 | FRANCE | N°14LY01473

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 30 avril 2015, 14LY01473


Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2014, présentée par le préfet de l'Isère;

Le préfet de l'Isère demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n° 1402885 du 22 avril 2014 par lesquels le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du " 17 avril 2013 " ordonnant le maintien en rétention administrative de M. E... A...D...et a mis à la charge de l'Etat une somme de 300 euros à verser à Me C... en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous

réserve que M. A... D...obtienne le bénéfice de l'aide juridictionnelle et que Me...

Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2014, présentée par le préfet de l'Isère;

Le préfet de l'Isère demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n° 1402885 du 22 avril 2014 par lesquels le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du " 17 avril 2013 " ordonnant le maintien en rétention administrative de M. E... A...D...et a mis à la charge de l'Etat une somme de 300 euros à verser à Me C... en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que M. A... D...obtienne le bénéfice de l'aide juridictionnelle et que Me C...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui aura été confiée ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... D...devant le Tribunal ;

Il soutient que contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, la décision litigieuse n'est entachée ni d'une erreur de fait ni d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que M. A... D...ne dispose pas des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 septembre 2014, présenté pour M. A... D..., qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la requête du préfet, qui se borne à reprendre son argumentation de première instance, n'est pas suffisamment motivée ;

- la requête est également irrecevable dès lors que le préfet n'a communiqué aucune pièce à l'appui de ses écritures ;

- la décision de placement en rétention est insuffisamment motivée ;

- la décision n'est pas justifiée au regard des impératifs relevant de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la directive " retour " ;

- c'est à bon droit que le Tribunal a estimé que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifiait de garanties de représentation suffisantes faisant obstacle à son placement en rétention ;

Vu la décision du 6 octobre 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A... D...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le traité sur l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

En application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative, le rapporteur public a, sur sa proposition, été dispensé d'exposer ses conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 2015 le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

1. Considérant que M. A...D..., de nationalité marocaine né le 20 août 1983, a épousé une ressortissante française le 4 août 2010 ; qu'il est entré en France le 22 avril 2011 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité de conjoint de français ; qu'il a bénéficié ensuite d'un premier titre de séjour valable jusqu'au 1er mars 2013 en cette même qualité, délivré par le préfet du Lot ; qu'il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour après avoir déclaré que la communauté de vie avec son épouse avait cessé depuis la fin du mois de novembre 2012 ; que, par décisions en date du 12 juin 201,3 le préfet du Lot a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que, par jugement en date du 19 décembre 2013, le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ; qu'après avoir relevé que l'intéressé ne justifiait pas d'une résidence effective ou permanente sur le territoire français et n'offrait pas de garanties de représentation suffisantes, qu'il n'avait pas exécuté cette mesure d'éloignement et qu'il existait ainsi un risque qu'il se soustraie à cette décision, le préfet de l'Isère a ordonné son placement en rétention administrative par une décision en date du 17 avril 2014 ; que ledit préfet relève appel des articles 2 et 3 du jugement du 22 avril 2014 par lesquels le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du " 17 avril 2013 " ordonnant le maintien en rétention administrative de M. A... D...et a mis à sa charge une somme de 300 euros à verser à Me C...en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ; que le II de l'article L. 511-1 dispose que le risque que l'étranger se soustraie à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, si cet étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu' il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 ;

3. Considérant que, pour décider le placement en rétention administrative de M. A...D..., le préfet de l'Isère s'est fondé, d'une part, sur le fait que l'intéressé ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes, n'ayant pas de résidence effective ou permanente et, d'autre part, sur la circonstance qu'il n'avait pas exécuté dans le délai prescrit l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 12 juin 2013, notifiée le 17 juin 2013, dont la légalité a été confirmée par jugement du 19 décembre 2013 du Tribunal administratif de Toulouse ; que si le préfet fait état de ce que M. A...D..., qui disposait d'un passeport en cours de validité, était hébergé par la communauté Emmaüs à La Mure (Isère) et occupait ce logement sans contrepartie de paiement d'un loyer, il ressort des pièces du dossier qu'il résidait dans cette communauté depuis le 22 janvier 2014, qu'il y travaillait en qualité de compagnon, sous le statut des personnes accueillies dans les organismes d'accueil communautaires et d'activités solidaires, en contrepartie de cet hébergement, activité à raison de laquelle des cotisations sociales étaient versées et l'intéressé était inscrit à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble, qu'il a communiqué le 15 avril 2014 cette adresse aux services de gendarmerie à la suite de son interpellation consécutivement à une plainte déposée par le gérant d'un établissement de restauration pour des dégradations légères sur une chasse d'eau, que ces services lui ont notifié le 17 avril 2014 en mains propres, à cette adresse, une convocation afin qu'il soit procédé à son audition et qu'il s'est présenté ce même jour à cette audition ; que, dans ces conditions, et alors même que l'intéressé n'a pas spontanément exécuté la décision portant obligation de quitter le territoire français prise le 12 juin 2013 et qu'il ne dispose pas d'autres documents qu'un passeport en cours de validité, il doit être regardé comme présentant des garanties de représentation suffisantes, propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées à la requête par M. A...D..., le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 2 et 3 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 17 avril 2014 ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 000 euros à verser à Me C... au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C...renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me C...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A...D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2015, à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Segado et MmeB..., premiers conseillers,

Lu en audience publique, le 30 avril 2015.

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N° 14LY01473


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01473
Date de la décision : 30/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : MANTIONE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-04-30;14ly01473 ?
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