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13/12/2016 | FRANCE | N°16LY01519

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 13 décembre 2016, 16LY01519


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 mars 2016 par laquelle le préfet de l'Ain a ordonné son placement en centre de rétention administrative et de la décision du préfet de la Haute-Savoie du 26 novembre 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1602185 du 25 mars 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du

26 novembre 2015 du préfet de la Haute-Savoie portant obligation de quitter le terr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 mars 2016 par laquelle le préfet de l'Ain a ordonné son placement en centre de rétention administrative et de la décision du préfet de la Haute-Savoie du 26 novembre 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1602185 du 25 mars 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 26 novembre 2015 du préfet de la Haute-Savoie portant obligation de quitter le territoire français et la décision de placement en rétention du préfet de l'Ain du 22 mars 2016.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 mai 2016, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 25 mars 2016 en ce qu'il annule sa décision portant obligation de quitter le territoire français du 26 novembre 2015.

Il soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, sa décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 juillet 2016, M. A...C..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- il serait de bonne administration de la justice qu'il soit sursis à statuer dans l'attente du jugement relatif au refus de titre de séjour qui lui a été opposé ;

- l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie est insuffisamment motivé ;

- sa situation en France, notamment la durée de sa présence, justifiait la délivrance du titre de séjour prévu au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- son placement en rétention administrative n'est pas justifié au regard des impératifs relevant de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la directive retour et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation alors que la perspective raisonnable d'exécuter la mesure d'obligation de quitter le territoire ne pouvait être écartée et qu'il présente des garanties suffisantes de représentation.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 29 juin 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Gille, président-assesseur.

1. Considérant que M.C..., ressortissant de Bosnie-Herzégovine né en 1971, est entré en 1998 en France, où sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 11 janvier 1999 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile ; que, par arrêté du 26 novembre 2015, le préfet de la Haute-Savoie a rejeté la demande de titre de séjour que M. C...avait présentée en se prévalant de la durée de sa présence en France et de ses perspectives professionnelles et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que, le 22 mars 2016, le préfet de l'Ain a ordonné le placement de M. C... au centre de rétention administrative de Lyon Saint-Exupéry ; que, par jugement du 25 mars 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 26 novembre 2015 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, la décision du préfet de l'Ain du 22 mars 2016 ordonnant le placement de M. C...en rétention administrative ; que le préfet de la Haute-Savoie relève appel de ce jugement du 25 mars 2016 en tant qu'il a annulé l'obligation de quitter le territoire français et lui a fait injonction de réexaminer la situation de l'intéressé ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) " ;

3. Considérant que, pour annuler la décision du préfet de la Haute-Savoie du 26 novembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a retenu le moyen soulevé par M. C...selon lequel son éloignement porterait une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti à toute personne par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que si M. C... revendique une présence en France depuis de nombreuses années, les pièces qu'il produit au soutien de ses allégations, relatives aux années 2008 et suivantes, n'ont cependant trait pour l'essentiel qu'aux différentes procédures alors engagées par lui pour obtenir l'annulation des mesures d'éloignement dont il a fait l'objet et aux démarches engagées en vue de bénéficier de la couverture médicale universelle ; que les attestations produites ne suffisent pas davantage pour établir la présence habituelle de M. C... ou son intégration personnelle ou professionnelle en France, où il a fait l'objet de mesures d'éloignement en 2000, 2007, 2008, 2010 et 2012 ; que M. C..., qui est célibataire et sans charge de famille en France, ne conteste pas sérieusement qu'il dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions et alors que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon s'est au demeurant fondé sur les énonciations d'un jugement n° 1001670 rendu par ce tribunal le 9 mars 2010 dont l'annulation a été prononcée par un arrêt de la présente cour du 3 janvier 2011, le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a retenu, pour annuler sa décision, une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C..., tant en première instance qu'en appel ;

5. Considérant que, pour contester la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet, M. C... soutient, par la voie de l'exception, que la décision du préfet de la Haute-Savoie refusant de lui délivrer un titre de séjour est elle-même illégale ; que cette décision du préfet de la Haute-Savoie du 26 novembre 2015 fait cependant précisément état des considérations de droit et de fait qui la fondent et est, ainsi, suffisamment motivée ; que les énonciations circonstanciées de cette décision font également apparaître que, contrairement à ce qui est soutenu, le préfet de la Haute-Savoie a examiné la situation de M. C... au regard des prévisions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la perspective de la délivrance tant de la carte de séjour temporaire mentionnée à son article L. 313-11 que de celle qui est mentionnée au 1° de son article L. 313-10 ; qu'alors que les pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit plus haut, ne permettent pas d'établir que M. C... réside en France habituellement depuis plus de dix ans, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Savoie aurait dû soumettre sa demande de titre de séjour à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les motifs déjà exposés au point 3, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les circonstances dont le requérant fait état, et notamment la production de la demande d'autorisation de travail du 5 décembre 2013, ne permettent pas davantage de considérer, en particulier au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé, que la décision du préfet de la Haute-Savoie refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation ;

6. Considérant qu'au regard de la situation d'ensemble du requérant telle qu'elle est exposée aux points 3 et 5, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Savoie aurait, en obligeant M. C... à quitter le territoire français, commis une erreur manifeste des conséquences de sa décision sur cette situation ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français et lui a fait injonction de réexaminer sa situation ;

8. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement contre l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 3 et 5 du jugement du tribunal administratif de Lyon du 25 mars 2016 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. C...devant le tribunal administratif de Lyon dirigées contre la décision du préfet de la Haute-Savoie du 26 novembre 2015 lui faisant obligation de quitter le territoire français ainsi que ses conclusions en appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

M. Boucher, président de chambre ;

M. Gille, président-assesseur ;

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 décembre 2016.

2

N° 16LY01519

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01519
Date de la décision : 13/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Antoine GILLE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MANTIONE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-12-13;16ly01519 ?
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