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15/06/2017 | FRANCE | N°15LY03617

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 15 juin 2017, 15LY03617


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 15 mai 2015 par lequel le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, l'a astreinte à se présenter une fois par semaine aux services de police et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1505336 du 22 octobre 2015, le tribunal administratif de Lyon a annu

lé la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français (article...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 15 mai 2015 par lequel le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, l'a astreinte à se présenter une fois par semaine aux services de police et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1505336 du 22 octobre 2015, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français (article 1er) et rejeté le surplus des conclusions de sa demande (article 2).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2015, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 octobre 2015 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné, sauf en ce qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant du refus de délivrance de titre de séjour :

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'arrêté méconnaît l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi : la décision est illégale en conséquence de l'illégalité des deux décisions précédentes.

Par un mémoire enregistré le 17 mai 2017, non communiqué, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures devant le tribunal administratif.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 décembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989 signée par la France le 26 janvier 1990 ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Savouré, premier conseiller ;

1. Considérant que Mme C..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 25 décembre 1986, déclare être entrée en France le 30 avril 2011 ; qu'elle a présenté une demande d'asile rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 20 novembre 2012 ; que, par arrêté du 15 mai 2015, le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a désigné le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans ; que, par l'article 1er du jugement du 22 octobre 2015, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français ; que, par l'article 2 du même jugement, ce tribunal a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que Mme C... interjette appel de ce jugement, en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale " ;

3. Considérant que, si Mme C...affirme vivre en concubinage avec un compatriote, dont elle a eu un enfant né le 9 mai 2014, elle ne justifie pas de la communauté de vie avec le père de ce dernier en se bornant à produire une attestation sur l'honneur signée à la mairie de Rillieux-la-Pape et une attestation de la caisse d'allocations familiales suivant laquelle des prestations ont été versées à ces deux personnes ; que, de même, les attestations produites, établies notamment par l'institutrice de leur enfant, sont peu circonstanciées et ne permettent pas d'établir que le père participe à l'éducation de leur enfant ; qu'ainsi, la circonstance que le père de cet enfant ne puisse pas retourner en République démocratique du Congo en raison de son statut de réfugié ne fait pas obstacle à ce qu'elle puisse poursuivre sa vie familiale dans son pays d'origine ; que si son premier enfant, né le 30 avril 2011, a été reconnu par un ressortissant français, cette reconnaissance a été jugée frauduleuse par un jugement du tribunal correctionnel de Paris en date du 14 janvier 2015 ; qu'enfin, elle n'était présente en France que depuis quatre ans à la date de l'arrêté en litige alors qu'elle n'allègue pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour contesté porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait, par suite, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ; que, pour les mêmes motifs, la requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que le préfet du Rhône aurait méconnu l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. (...) / 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres : a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres (...). Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. " ; qu'aux termes de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " (...) 2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / 3. Tout enfant a le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt. " ;

5. Considérant que si un acte de droit privé, opposable aux tiers, est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il n'en demeure pas moins qu'il appartient à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ;

6. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, le tribunal correctionnel de Paris a condamné la personne qui a reconnu le premier enfant de la requérante pour reconnaissance frauduleuse ; que ce fait doit donc être regardé comme établi ; que la circonstance que cet acte n'ait pas, à ce jour, été reconnu comme nul par l'autorité judiciaire ne fait pas obstacle à ce qu'il soit fait échec à cette reconnaissance frauduleuse dans le cadre d'une demande de délivrance d'un titre de séjour ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir des stipulations précitées du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, applicables aux enfants ressortissants de l'Union européenne ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant que compte tenu de ce qui précède, Mme C... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ;

8. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 3, Mme C... n'est pas fondée à invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; qu'elle n'est pas davantage fondée à soutenir que le préfet du Rhône a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

9. Considérant que compte tenu de ce qui précède, Mme C... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de destination ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions ci-dessus analysées de sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquences, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2017 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 juin 2017.

4

N° 15LY03617


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03617
Date de la décision : 15/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-06-15;15ly03617 ?
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