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16/12/2021 | FRANCE | N°21LY00050

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 16 décembre 2021, 21LY00050


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2020 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2000989 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2021

, Mme B..., représentée par Me Faure Cromarias, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2020 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2000989 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2021, Mme B..., représentée par Me Faure Cromarias, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Allier du 10 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de huit jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard et à tout le moins de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros, à verser à son conseil, sur fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation au regard des dispositions des 6°, 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 313-14 de ce code ;

- dans la mesure où la décision attaquée a été prise après injonction du tribunal de procéder au réexamen de sa situation et de sa demande de titre de séjour, la préfète avait l'obligation de se prononcer sur l'intégralité de sa demande ; elle n'a jamais renoncé aux fondements de sa demande initiale ;

- en affirmant qu'elle a entendu abandonné sa demande initiale présentée sur le fondement des 6° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète a entaché sa décision de refus de titre de séjour d'un détournement de procédure dans le but de ne pas procéder au réexamen de sa situation ;

- cette décision est entachée de vices de procédure dès lors que ni le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ni la commission du titre de séjour n'ont été saisis ;

- elle méconnaît les 6°, 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article L. 313-14 de ce code, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les 6° et 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît également l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire, enregistré le 18 juin 2021, le préfet de l'Allier conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Lesieux, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née en 1990, est entrée en France le 29 août 2014 selon ses déclarations, accompagnée de sa fille mineure. Après le rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile le 10 juin 2016, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en faisant valoir notamment son état de santé ainsi que la nationalité française de son enfant. Par un arrêté du 20 avril 2017, la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des 6°, 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cet arrêté et lui a enjoint de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme B.... En exécution de ce jugement, la préfète de l'Allier a, par un arrêté du 27 décembre 2018, de nouveau refusé à l'intéressée la délivrance d'un titre de séjour, qu'elle a assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Par un jugement du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cet arrêté et a enjoint à la préfète de l'Allier de réexaminer la demande de Mme B.... Dans le cadre de ce réexamen, la préfète de l'Allier, qui a estimé que l'intéressée avait renoncé à sa demande initiale, a pris un nouvel arrêté le 10 janvier 2020 portant refus de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur et de l'article L. 313-14 du même code. Mme B... relève appel du jugement du 1er octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, à la suite des annulations successives de ses arrêtés des 20 avril 2017 et 27 décembre 2018 par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, la préfète de l'Allier était à nouveau saisi de la demande initiale de Mme B... présentée en raison de son état de santé et de la nationalité française de son enfant. Selon l'arrêté en litige, la préfète, qui a examiné la situation de l'intéressée au regard du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, a considéré que Mme B... avait renoncé à ses demandes présentées sur le fondement des 6° et 11° de l'article L. 313-11 de ce code. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 15 octobre 2019, Mme B... a adressé à la préfète de l'Allier un courrier aux termes duquel elle " sollicite de pouvoir déposer une demande de titre de séjour pour " vie privée et familiale " " en faisant valoir sa présence en France depuis 2014 et la scolarisation de sa fille. Si elle précise qu'elle a " entrepris des démarches pour faire reconnaître la nationalité française de [sa] fille auprès du tribunal de Montluçon " et que " ces démarches étant en cours, [elle] ne peu[t], à ce jour, déposer une demande de titre de séjour pour parent d'enfant français ", il ne résulte pas de ce courrier que Mme B... a entendu explicitement exprimé sa volonté de renoncer aux droits qu'elle tire de l'annulation prononcée par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 15 octobre 2019 et donc à l'examen de sa demande initiale présentée tant sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de son état de santé, que du 6° de cet article, en raison de la nationalité française de sa fille. Il s'ensuit qu'en n'examinant pas la situation de Mme B..., en application de ces dispositions alors en vigueur, la préfète de l'Allier a entaché sa décision d'une erreur de droit.

3. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision contenue dans l'arrêté du 10 janvier 2020 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, ainsi que par voie de conséquence les décisions contenues dans ce même arrêté portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

4. L'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas d'enjoindre au préfet de l'Allier de délivrer à Mme B... un titre de séjour mais seulement de lui enjoindre, conformément aux dispositions de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur depuis le 1er mai 2021, de réexaminer la situation de l'intéressée et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit à nouveau statué sur sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

5. Il résulte des dispositions des articles 75-1 de la loi du 10 juillet 1991, codifiée à l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et des articles 37 et 43 de la même loi, que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de mettre à la charge, à son profit, de la partie perdante que le paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat. Mais, l'avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de mettre à la charge de la partie perdante la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

6. D'une part, Mme B..., pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'établit pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

7. D'autre part, Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Faure Cromarias, avocate de Mme B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au profit de cette avocate au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2000989 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 1er octobre 2020 et l'arrêté du 10 janvier 2020 de la préfète de l'Allier sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Allier de réexaminer la situation de Mme B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Faure Cromarias, avocate de Mme B..., la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'elle renonce à percevoir la contribution de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Isabelle Faure Cromarias, au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Allier. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Montluçon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 décembre 2021.

2

N° 21LY00050


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00050
Date de la décision : 16/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : FAURE CROMARIAS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-12-16;21ly00050 ?
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