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18/05/2022 | FRANCE | N°21LY01867

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 18 mai 2022, 21LY01867


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 2 mai 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a désigné le pays de destination.

Par un jugement n° 2102822 du 7 mai 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 8 juin 2021, M. D..., représenté par Me Roure, demande à la cour :

1

) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 2 mai 2021 ;

3°) d'enjo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 2 mai 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a désigné le pays de destination.

Par un jugement n° 2102822 du 7 mai 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 8 juin 2021, M. D..., représenté par Me Roure, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 2 mai 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

- le refus de titre méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :

- la décision méconnaît l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de M. D... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D..., ressortissant kosovar né le 2 août 1982, est entré irrégulièrement en France le 18 mars 2010 selon ses déclarations. Le 11 mai 2010, il a sollicité le bénéfice de l'asile. Par une décision du 5 novembre 2010, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande, décision confirmée le 24 janvier 2014 par la Cour nationale du droit d'asile. Le 31 mars 2014, il a sollicité un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " après avoir contracté un mariage avec une compatriote kosovare. De 2014 à 2016, il a été muni de titres de séjour. Le 27 octobre 2016, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 20 août 2017, le préfet du Doubs a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. A la suite de son interpellation, par des arrêtés du 2 mai 2021, le préfet de la Haute-Savoie a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. D... relève appel du jugement du 7 mai 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mai 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. M. D... fait valoir que le préfet de la Haute-Savoie lui a opposé un refus de délivrance d'un titre de séjour.

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de sa demande du 27 octobre 2016, le préfet du Doubs a refusé, par un arrêté du 20 août 2017, de renouveler le titre de séjour délivré à M. D.... Il n'est pas contesté que cet arrêté est devenu définitif et que M. D... n'a pas sollicité postérieurement à la notification de l'arrêté du 20 août 2017 la délivrance d'un titre de séjour. L'arrêté critiqué du 2 mai 2021, même s'il est pris sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne comporte pas de refus de délivrance d'un titre de séjour. Par suite, M. D... ne peut utilement soutenir que le refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. M. D... se prévaut de ce qu'il est entré en France en 2010 ainsi que de la présence de ses deux enfants sur lesquels il exerce l'autorité parentale. Toutefois, l'intéressé a été condamné, le 12 décembre 2017, par la cour d'appel de Besançon à une peine de quatre mois d'emprisonnement pour des faits de violences exercées sur son épouse ayant entrainé une incapacité totale de travail n'excédant pas huit jours. Si, par un jugement du 17 mai 2021, le magistrat délégué aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Besançon a prononcé le divorce des époux, qui étaient séparés depuis le mois de juin 2016, et a confié l'autorité parentale des enfants nés le 22 juillet 2014 et le 9 septembre 2015 aux deux parents, M. D... a indiqué, lors de son audition par les services de la gendarmerie nationale le 2 mai 2021, ne pas avoir vu ses enfants depuis septembre 2020 et n'établit pas participer à leur entretien et à leur éducation. Il ne fait état d'aucune intégration particulière sur le territoire national ni n'allègue qu'il serait démuni de toute attache personnelle et familiale dans son pays d'origine. Par suite, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. Si M. D... fait valoir que son ex-épouse l'a empêché de voir ses enfants, il ressort des pièces du dossier que les plaintes déposées pour non-représentation d'enfant à une personne ayant le droit de le réclamer datent de 2019 et l'intéressé ne fait pas état des suites judiciaires réservées à ces plaintes. Par suite, et pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 5, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

8. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. /Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. /L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. "

9. Lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français.

10. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 et 7, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il devait se voir attribuer de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la légalité de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

11. M. D... reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance et tiré de la méconnaissance de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans l'assortir d'aucune critique utile des motifs du jugement. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges.

12. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2022.

La rapporteure,

R. B...

Le président,

D. PruvostLa greffière,

M.-A.... Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01867


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01867
Date de la décision : 18/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : ROURE SANDRINE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-18;21ly01867 ?
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