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26/07/2022 | FRANCE | N°21LY02279

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 26 juillet 2022, 21LY02279


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 mars 2021 A... lequel la préfète de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

A... un jugement n° 2102107 du 7 avril 2021, le magistrat désigné A... la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

A... une r

equête enregistrée le 8 juillet 2021, M. C..., représenté A... Me Dachary, demande à la cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 mars 2021 A... lequel la préfète de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

A... un jugement n° 2102107 du 7 avril 2021, le magistrat désigné A... la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

A... une requête enregistrée le 8 juillet 2021, M. C..., représenté A... Me Dachary, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 avril 2021, ainsi que l'arrêté du 19 mars 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour permanent dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros A... jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à verser à M. C... dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle lui serait refusée.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait le 1° et le 2° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il exerce une activité professionnelle et qu'il dispose de revenus suffisants pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille

- l'obligation de quitter le territoire français ne pouvait être fondée sur les dispositions du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne représente pas une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour l'intérêt fondamental de la société ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 11° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ;

- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision le privant de délai de départ volontaire ;

- la décision le privant de délai de départ volontaire méconnaît l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant interdiction de circuler sur le territoire français ;

- la décision lui faisant interdiction de circuler sur le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.

A... un mémoire en défense enregistré le 2 novembre 2021, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale A... une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 2 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Psilakis, première conseillère ;

- les observations de Me Dachary, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant roumain né en 1982, réside en France depuis " une dizaine d'années " selon ses déclarations. A... arrêté du 19 mars 2021, qui lui a été notifié alors qu'il était incarcéré, la préfète de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pendant une durée de trois ans. A... jugement du 7 avril 2021, le magistrat désigné A... la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de cet arrêté. L'intéressé relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté du 19 mars 2021 :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " L'autorité administrative compétente peut, A... décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu A... les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; (...) 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. " Il résulte des dispositions du 3° de l'article L. 511 3 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

3. Pour prendre l'obligation de quitter le territoire français en litige, la préfète de l'Ain a estimé d'une part que M. C... ne justifiait pas d'un droit au séjour sur le territoire français, d'autre part que son comportement constituait une menace pour l'ordre public.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été condamné à deux reprises A... jugements du tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains en date des 9 et 22 septembre 2020 à une peine d'emprisonnement de trois mois fermes pour des faits de vol, et auparavant à une peine de d'emprisonnement de 5 mois A... jugement du 12 octobre 2017 du même tribunal pour des faits de violences suivis d'incapacité n'excédant pas huit jours sur sa concubine, commis en mai 2017. Il est en outre défavorablement connu des services de police pour des faits de tentatives de vol, vols, recel, violences volontaires avec usage et menace d'une arme et ITT de moins de 8 jours, infraction aux conditions générales d'entrée et de séjour des étrangers, conduite de véhicule sous l'empire d'un état alcoolique, faux et usages de faux, escroquerie pour des faits commis entre 2007 et 2020. Dans ces conditions, compte tenu de la gravité et du caractère répété des faits commis A... M. C..., et malgré la présence en France de sa conjointe et de ses enfants, la préfète de l'Ain a pu légalement estimer que la présence en France de l'intéressé représentait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française et décider, pour ce motif, de l'obliger à quitter le territoire français.

5. En deuxième lieu, M. C... soutient que le motif tiré de ce qu'il ne justifie pas d'un droit au séjour sur le fondement de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur est entaché d'illégalité, dès lors qu'il exerçait une activité professionnelle depuis son entrée en France et disposait de revenus suffisants. Il résulte toutefois de l'instruction que la préfète de l'Ain aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré de la menace à l'ordre public que représente sa présence en France. A... suite, le moyen doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 511-4 du code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 11° Le ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de sa famille, qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu A... l'article L. 122-1(...) ". Dès lors que, ainsi qu'il vient d'être dit, M. C... ne justifie pas de son droit à un séjour permanent en France au sens des dispositions de l'article L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 511-4 précité de ce même code ne peut qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui fait de fréquents allers-retours entre la France et la Roumanie, est entré pour la dernière fois en France à l'automne 2020 et qu'il a exercé entre octobre 2019 et juillet 2020 une activité professionnelle en France dans une société de nettoyage. Il fait état également de la présence en France de sa compagne, de leurs sept enfants dont l'aîné est majeur et les autres sont âgés de six mois à quinze ans ainsi que de la présence de sa grand-mère et de son père qui sont à sa charge. Toutefois le requérant a été incarcéré en janvier 2021, après s'être rendu coupable de faits de vol. A... ailleurs, il avait fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement assortie d'une interdiction de retour de deux ans, qu'il n'a d'ailleurs pas respectée, prise suite à une précédente incarcération pour des faits de violence à l'encontre de sa concubine. S'il fait valoir qu'il ne dispose plus d'attache en Roumaine, il ressort toutefois de ses propres déclarations qu'il y conserve une maison d'habitation. A... ailleurs, la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne fait obstacle ni à ce que ses enfants puissent venir lui rendre visite en Roumanie, pays dont leurs deux parents ont la nationalité, ni à ce que l'intéressé puisse revenir en France, à l'issue de la période d'interdiction de circuler sur le territoire français. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En cinquième lieu, M. C... se prévaut de ce que toute sa famille, notamment ses sept enfants résident et sont scolarisés sur le territoire français où ils ont vocation à demeurer, y étant nés. Toutefois compte tenu de la possibilité pour les enfants de l'intéressé, dont six sont mineurs à la date de la décision attaquée, de se rendre en Roumanie accompagnés A... leur mère, ou pour la cellule familiale de se reconstituer dans ce pays dont les deux parents ont la nationalité et où l'intéressé possède une maison, la décision obligeant M. C... à quitter le territoire français ne méconnaît ainsi pas l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs, garanti A... les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision privant M. C... de délai de départ volontaire :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision le privant de délai de départ volontaire.

10. En second lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification. A titre exceptionnel, l'autorité administrative peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. "

11. Compte tenu de la menace pour l'ordre public que représente M. C..., rappelée au point 4, la préfète de l'Ain n'a pas commis d'erreur d'appréciation en décidant de ne pas accorder de délai de départ volontaire à l'intéressé.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

12. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

En ce qui concerne l'interdiction de circuler sur le territoire français :

13. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant interdiction de circuler sur le territoire français.

14. Aux termes de l'article L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " L'autorité administrative peut, A... décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l'article L. 511-3-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. (...) Les quatre derniers alinéas de l'article L. 511-3-1 sont applicables. ". Aux termes du cinquième aliéna de l'article L. 511-3-1 du même code alors applicable : " L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine (...) ".

15. Au regard de la gravité de la menace à l'ordre public que représente la présence en France de M. C... et alors que, selon ses propres déclaration, l'intéressé retourne régulièrement avec sa famille en Roumanie, où il possède une maison, la préfète de l'Ain n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en décidant d'interdire à l'intéressé de circuler sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

16. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, A... le jugement attaqué, le magistrat désigné A... la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. A... voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et(/nom)(ano)A(/ano) au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Daniele Déal, présidente ;

M. Thierry Besse, président-assesseur ;

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public A... mise à disposition au greffe le 26 juillet 2022.

La rapporteure,

Christine Psilakis La présidente,

Danièle Déal

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02279


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02279
Date de la décision : 26/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : DACHARY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-07-26;21ly02279 ?
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