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20/10/2022 | FRANCE | N°21LY02073

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 20 octobre 2022, 21LY02073


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2020 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002643 du 19 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 21 juin 2021, 2

7 janvier et 23 septembre 2022, Mme B..., représentée par Me Boyer, demande à la cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2020 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002643 du 19 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 21 juin 2021, 27 janvier et 23 septembre 2022, Mme B..., représentée par Me Boyer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 14 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer dans l'attente, dans un délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de son dossier ;

- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation du 7° de l'article L. 313-11 du même code et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qui la fonde ;

- elle ne peut être éloignée à destination de l'Azerbaïdjan, pays dont elle ne peut prétendre à la nationalité, ni à destination de la Russie, pays dans lequel elle est en situation irrégulière ;

- en cas de retour dans l'un de ces pays, elle serait exposée à des risques pour sa vie en raison de ses origines arméniennes, en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les observations de Me Boyer, représentant Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née le 27 novembre 1977 en Azerbaïdjan, est entrée irrégulièrement en France à la date déclarée du 4 septembre 2013. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 mars 2015, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 26 octobre 2015. Elle a fait l'objet, le 12 août 2016, d'une décision de refus d'admission au séjour, qui a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 novembre 2017 enjoignant au préfet de réexaminer sa situation. Mme B... a ensuite bénéficié d'autorisations provisoires de séjour successives jusqu'à l'arrêté du 14 janvier 2020 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 19 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. Les moyens repris en appel, sans être assortis d'éléments nouveaux, tirés de ce que la décision contestée serait insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 3 et 4 du jugement attaqué.

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7°A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Mme B... invoque la durée de son séjour en France, avec ses deux filles, la première, née en 2005 en Russie et la seconde, née en 2014 à Lyon. Si elle réside sur le territoire national depuis six ans et justifie d'efforts d'intégration dans la société française, par l'apprentissage de la langue française, la réalisation de stages d'insertion professionnelle et son implication dans des structures associatives et la scolarité de ses enfants, elle ne peut, pour autant, être regardée comme disposant, en France, de liens privés ou familiaux anciens, stables et intenses. Elle n'est, par ailleurs, pas dépourvue d'attaches familiales en Russie, pays dans lequel elle indique avoir vécu de 1993 à 2013, après avoir quitté l'Azerbaïdjan, et dans lequel sa sœur est toujours établie. Si elle soutient n'être admissible, avec ses enfants, ni en Russie, ni en Azerbaïdjan, cette circonstance est, en elle-même, sans incidence sur son droit au séjour en France, alors que sa demande de reconnaissance du statut d'apatride a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 23 septembre 2021, après un examen de sa situation au regard de ces deux pays. Au demeurant, les pièces produites au dossier, à savoir un courrier du service fédéral d'immigration de la Fédération de Russie du 28 avril 2009, un jugement du tribunal de Stavropol du 27 octobre 2009, une décision de rejet d'une demande d'autorisation provisoire de séjour du 13 septembre 2010 et une décision de reconduite à la frontière du 17 août 2013, déjà jointes au dossier de première instance, ne suffisent pas à établir qu'elle ne serait pas admissible en Russie, dès lors, notamment, qu'il ressort d'un courriel du 31 décembre 2019 de l'agent de liaison de l'ambassade de France en Russie, transmis au préfet du Rhône par la direction de la coopération internationale du ministère de l'intérieur, que les autorités russes ont indiqué qu'aucune décision administrative d'expulsion n'avait été prise à son encontre, et que les courriels des autorités consulaires russes en France, adressées à son conseil en avril 2020 et avril 2021, se bornent à indiquer que les documents en cause " semblent authentiques ", tout en précisant ne pouvoir le " confirmer sans équivoque ". Elle ne justifie pas davantage ne pas être admissible en Azerbaïdjan, pays dont elle a mentionné avoir la nationalité dans sa demande d'admission au séjour, par la seule production d'un courrier du 24 juillet 2017 et d'un courriel du 22 avril 2021 adressés à l'ambassade d'Azerbaïdjan en France demandant si elle peut prétendre à la nationalité de ce pays, même si la Cour nationale du droit d'asile, dans sa décision du 26 octobre 2015 rejetant sa demande d'asile, a indiqué qu'elle ne pouvait revendiquer la nationalité azerbaïdjanaise. Dans ces conditions, eu égard à la durée et au conditions de son séjour en France, la décision de refus d'admission au séjour ne peut être regardée comme ayant porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions et stipulations précitées doit être écarté.

5. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ".

6. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 ci-dessus, Mme B... ne peut être regardée comme justifiant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à permettre son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de ces dispositions.

7. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. La décision contestée n'a pas pour effet de séparer Mme B... de ses deux filles mineures. Il résulte par ailleurs de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt qu'il n'est pas justifié par l'intéressée de l'impossibilité de reconstituer la cellule familiale en Azerbaïdjan ou en Russie, où ces dernières pourront poursuivre leur scolarité. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

10. Les moyens tirés de ce que Mme B... ne peut être éloignée à destination de l'Azerbaïdjan, pays dont elle ne peut prétendre à la nationalité, ni à destination de la Russie, pays dans lequel elle est en situation irrégulière et de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans l'un de ces deux pays, qui sont repris dans les mêmes termes qu'en première instance et ne sont assortis d'aucun justificatif ou élément nouveau, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 12 et 14 de leur décision.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02073


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02073
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : BOYER

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-20;21ly02073 ?
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