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19/01/2023 | FRANCE | N°22LY00773

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 19 janvier 2023, 22LY00773


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 30 avril 2021 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale du Rhône a délivré à la société Public Imprim SAS l'autorisation de la licencier pour motif économique.

Par un jugement n° 2104972 du 8 février 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 mars et 12 juillet 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué

, Mme A..., représentée par Me Rossi-Lefevre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et la dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 30 avril 2021 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale du Rhône a délivré à la société Public Imprim SAS l'autorisation de la licencier pour motif économique.

Par un jugement n° 2104972 du 8 février 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 mars et 12 juillet 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme A..., représentée par Me Rossi-Lefevre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et la décision susmentionnée ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 500 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement, faute d'avoir statué sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision, est irrégulier ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée s'agissant des effets sur son emploi des difficultés économiques relevées par la société Public Imprim SAS ;

- l'inspectrice du travail n'a pas vérifié la régularité de la consultation du comité social et économique, au motif erroné que ce comité n'avait pas à être consulté et alors que la procédure suivie devant ce comité est irrégulière, les procès-verbaux ayant été établis par la direction de l'entreprise ;

- la réalité des difficultés économiques de la société Public Imprim SAS n'est pas établie ;

- les difficultés économiques alléguées sont la conséquence de choix stratégiques de l'employeur ;

- la société Public Imprim SAS n'a pas recherché à la reclasser, aucun poste ne lui ayant été proposé et la société ayant reclassé une salariée justifiant de moins d'ancienneté qu'elle sur un emploi auquel elle pouvait prétendre ;

- la demande d'autorisation est en lien avec son mandat, le site de Toulouse sur lequel elle travaille ayant été ciblé par l'employeur.

Par un mémoire enregistré le 9 juin 2022, la société Public Imprim SAS, représentée par Me Magnon, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 30 juin 2022, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 1er juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., salariée de la société Public Imprim SAS et titulaire du mandat de conseillère du salarié depuis 2018, demande l'annulation du jugement qui a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 30 avril 2021 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement pour motif économique.

Sur la régularité :

2. Le tribunal s'est prononcé sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée. Par suite, et contrairement à ce que soutient la requérante, le jugement n'est pas irrégulier.

Sur le fond du litige :

3. Aux termes des articles R. 2421-5 et R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) ". Cette motivation doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par la décision litigieuse, qui vise le code du travail, et notamment son article L. 2411-1, l'inspectrice du travail, s'est prononcée sur le motif économique du licenciement, sur le respect par l'employeur de l'obligation de reclassement et sur l'absence de lien entre la demande d'autorisation de licenciement avec les mandats exercés par l'intéressée, ayant par ailleurs précisé que le poste de Mme A... serait supprimé effectivement compte tenu de la répartition de ses tâches entre plusieurs salariés. La requérante qui, à la seule lecture de l'autorisation contestée, pouvait en connaître les motifs est donc infondée à soutenir qu'elle serait, en l'espèce, insuffisamment motivée.

4. Aux termes de l'article L. 1233-8 du code du travail : " L'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours réunit et consulte le comité social et économique dans les entreprises d'au moins onze salariés, dans les conditions prévues par la présente sous-section. / Le comité social et économique rend son avis dans un délai qui ne peut être supérieur, à compter de la date de la première réunion au cours de laquelle il est consulté, à un mois. En l'absence d'avis rendu dans ce délai, le comité social et économique est réputé avoir été consulté. " Aux termes de l'article L. 2315-34 de ce code : " Les délibérations du comité social et économique sont consignées dans un procès-verbal établi par le secrétaire du comité dans un délai et selon des modalités définis par un accord conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2312-16 ou, à défaut, par un décret. " Aux termes de l'article D. 2315-6 du même code, applicable aux entreprises d'au moins cinquante salariés : " A défaut d'accord prévu par l'article L. 2315-34, le procès-verbal est établi et transmis à l'employeur par le secrétaire du comité social et économique dans les quinze jours suivant la réunion à laquelle il se rapporte ou, si une nouvelle réunion est prévue dans ce délai de quinze jours, avant cette réunion. Dans le cadre de la consultation prévue à l'article L. 1233-30, le procès-verbal est établi et transmis à l'employeur par le secrétaire du comité dans un délai de trois jours suivant la réunion à laquelle il se rapporte ou, si une nouvelle réunion est prévue dans ce délai de trois jours, avant cette réunion. Lorsque l'entreprise est en redressement ou en liquidation judiciaire, ce délai est d'un jour. "

5. Les dispositions ci-dessus de l'article D. 2315-26 du code du travail relatif à l'établissement du procès-verbal par le secrétaire du comité économique et social ne s'appliquent qu'aux entreprises d'au moins cinquante salariés en vertu de l'intitulé même de la section 3 du chapitre V du titre 1er du livre III de la deuxième partie de la partie règlementaire du code du travail dans laquelle s'insère cet article. Elles ne sont dès lors pas applicables à la société Public Imprim SAS qui comporte moins de cinquante salariés. Aussi, le fait que le procès-verbal du comité social économique transmis par cette dernière avec la demande d'autorisation de licenciement ne comportait pas la signature du secrétaire du comité mais seulement celle de la directrice de l'établissement demeure sans incidence sur la régularité de l'autorisation contestée. En toute hypothèse, le comité économique et social, qui a bien été consulté, a émis un avis défavorable à la procédure de licenciement de telle sorte que le défaut de signature du procès-verbal par le secrétaire du comité, en admettant même qu'elle était exigée, serait en l'espèce insusceptible de priver l'intéressée d'une garantie et donc sans influence sur le sens de la décision prise. Il apparaît par ailleurs, notamment au vu du courrier du 12 avril 2021 envoyé par la société que l'inspectrice du travail a bien contrôlé la régularité de la consultation du comité social économique. Par suite, aucun vice de procédure ne saurait être relevé à cet égard.

6. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. / Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à : (...) b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ; (...) La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise. Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude. (...) ".

7. Les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière.

8. D'abord, il ressort des pièces du dossier que les données économiques fournies concernent l'entreprise et non seulement, la seule agence de Toulouse. Les informations particulières relatives à cette agence ont été communiquées en plus et à la demande de membre du comité social et économique. Il apparaît que l'inspectrice du travail a elle-même examiné la réalité des difficultés économiques au niveau de l'entreprise et non uniquement de chaque site de production. Il résulte par ailleurs des éléments comptables transmis par l'entreprise, notamment des bilans qui sont opposables alors même que l'exigence d'obligation de dépôt au greffe n'aurait pas été respectée, de véritables difficultés économiques qui se sont traduites par une diminution du chiffre d'affaires entre 2019 et 2020. La société Public Imprim SAS établit que cinq licenciements sont intervenus, l'effectif étant passé de trente-deux salariés (trente-et-un équivalents temps plein) à vingt-sept salariés (vingt-six équivalents temps plein). Ainsi, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la réalité des difficultés économiques de la société Public Imprim SAS ne serait pas établie alors que l'inspectrice du travail n'avait pas à apprécier la réorganisation envisagée au regard d'un objectif de maintien de la compétitivité, sa sauvegarde n'étant pas le but poursuivi par le licenciement ici en cause.

9. Ensuite, il n'incombe pas à l'inspectrice du travail d'apprécier l'éventuelle faute ou légèreté blâmable de l'employeur ni d'apprécier les choix de gestion ou stratégiques du groupe, mais uniquement de se prononcer sur le caractère définitif de la cessation d'activité, aucun vice n'étant sur ce point caractérisé.

10. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que, comme l'ont relevé les premiers juges, le seul poste pouvant permettre le reclassement de Mme A..., en l'occurrence le poste vacant de responsable de l'agence de Gennevilliers, a été proposé à une autre salariée dont l'emploi de responsable de l'agence de Versailles était également supprimé dans le cadre de la réorganisation et qui disposait d'une ancienneté plus importante après reprise de l'ancienneté acquise dans la société rachetée par la société Public Imprim SAS et d'une plus grande polyvalence que Mme A... pour l'exercice des missions correspondant à ce poste, qui comportait l'encadrement d'une équipe de neuf personnes, la gestion de la production et la réalisation de tâches administratives variées. Le choix entre les deux salariées a été effectué en fonction des critères d'ordre définis par le comité social et économique lors de sa séance du 21 janvier 2021, comprenant l'ancienneté dans l'entreprise, l'âge, la situation familiale, l'ancienneté dans le poste et la polyvalence professionnelle, en vertu desquels Mme A... totalisait douze points contre dix-sept pour la salariée qui a obtenu le poste en reclassement. Dans ces conditions, en l'absence d'autre poste de reclassement disponible, la société Public Imprim SAS a satisfait à son obligation de recherche de reclassement.

11. Enfin il n'apparaît pas que le licenciement de Mme A... serait lié à son mandat de conseillère du salarié.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par la société Public Imprim SAS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Public Imprim SAS présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et à la société Public Imprim SAS.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY00773 2

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00773
Date de la décision : 19/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. - Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : MAGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-01-19;22ly00773 ?
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