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08/06/2023 | FRANCE | N°22LY01318

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 08 juin 2023, 22LY01318


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 26 mars 2022 par lequel le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé la destination d'éloignement, lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée de 18 mois et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2202335 du 31 mars 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour

Par une requê

te et un mémoire enregistrés les 30 avril et 3 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Simon, demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 26 mars 2022 par lequel le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé la destination d'éloignement, lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée de 18 mois et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2202335 du 31 mars 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 avril et 3 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Simon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté susmentionné ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de supprimer son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et révèle un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivé ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle est fondée ; elle est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et révèle un défaut d'examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé ; elle est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle est fondée, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans son principe et dans sa durée ;

- l'assignation à résidence est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle est fondée ; elle n'a pas donné lieu à une information suffisante de l'intéressé ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que les liaisons aériennes vers la Russie sont interrompues et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et à sa liberté d'aller et venir ; les modalités de l'assignation, qui lui font interdiction de sortir du département du Rhône alors qu'il résiderait à Valence avec sa compagne, portent atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

La requête de M. B... a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Djebiri, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant russe né en 1990 entré sur le territoire français en mars 2016, relève appel du jugement du 31 mars 2022 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 26 mars 2022 du préfet du Rhône l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination, lui interdisant de revenir sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. Il n'apparaît pas que l'obligation de quitter le territoire français n'aurait pas donné lieu, au préalable, à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé.

3. M. B... fait valoir qu'il est présent en France depuis 2016 qu'il justifie d'une intégration sociale, et que sa compagne réside régulièrement en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est maintenu en France après la date de rejet de sa demande d'asile par la cour nationale du droit d'asile et une précédente mesure d'éloignement. Rien ne permet de dire qu'il vivait en concubinage avec sa compagne à la date de la décision en litige, leur relation étant, d'après les pièces du dossier, très récente. Ainsi, et alors même que M. B... a réalisé des efforts pour s'insérer socialement, la décision contestée ne porte pas au droit, qu'il tient de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis. Pour les mêmes motifs, aucune erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision contestée pour sa situation personnelle n'est caractérisée.

Sur le refus de délai de départ volontaire :

4. Il y a lieu d'écarter par adoption des motifs du tribunal le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de refus de départ volontaire.

Sur la fixation du pays de destination :

5. Il y a lieu d'écarter par adoption des motifs du tribunal les moyens tirés de l'illégalité de cette décision par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, et comme l'avait d'ailleurs relevé la Cour nationale du droit d'asile dans des décisions des 13 juin et 15 octobre 2019, la réalité des risques auxquels M. B... affirme être exposé en cas de retour dans son pays d'origine n'est pas établie, aucune violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne pouvant à cet égard être retenue. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la décision aurait été prise sans examen sérieux de sa situation personnelle et procéderait d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

7. Le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour serait illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français que M. B... se borne à reproduire en appel doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

8. Il appartient au préfet d'assortir une obligation de quitter le territoire français sans délai d'une interdiction de retour sur le territoire français sauf dans l'hypothèse où des circonstances humanitaires justifieraient qu'il soit dérogé au principe. M. B..., s'est vu refuser tout délai de départ volontaire pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Les circonstances dont il fait état, en se prévalant de la durée de sa présence sur le territoire français, de son intégration et de sa relation avec une compatriote en situation régulière ne peuvent être regardées comme des circonstances humanitaires qui auraient pu justifier que l'autorité administrative ne prononçât pas d'interdiction de retour sur le territoire français. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, malgré ses efforts d'intégration, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français serait ici entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Dès lors que ces éléments ont nécessairement été pris en compte pour moduler la durée de l'interdiction de retour à la moitié du plafond, le moyen tiré d'une durée disproportionnée doit être écarté.

Sur l'assignation à résidence :

9. Il y a lieu d'écarter par adoption des motifs du tribunal le moyen tiré de ce que l'assignation à résidence serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

10. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable ". Si M. B... doit être regardé comme se prévalant de la méconnaissance des dispositions précitées, il se borne toutefois à affirmer que la décision attaquée ne justifie pas de ce que son éloignement à destination de la Russie serait une perspective raisonnable, les liaisons aériennes étant interrompues en raison notamment de la guerre en Ukraine. Toutefois cette décision indique qu'il pourrait être éloigné également vers tout pays dans lequel il est légalement admissible, rien ne permettant d'affirmer que M. B... ne pourrait être éloigné à destination d'autres pays que la Russie. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des perspectives raisonnables d'éloignement doit être écarté.

11. La décision contestée, qui assigne à résidence M. B... dans le département du Rhône pour une durée de quarante-cinq jours, prévoit une obligation de présentation de l'intéressé à la direction zonale de la police aux frontières de Lyon, deux fois par semaine le lundi et le jeudi entre 9 heures et 18 heures. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les modalités de pointage et les limites géographiques fixées dans l'arrêté ne seraient pas adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu'elle poursuit dans la mesure où M. B... n'établit pas résider hors du département du Rhône à la date de la décision. Cette assignation à résidence ne porte donc atteinte ni à sa liberté d'aller et venir ni, de manière disproportionnée, à sa vie privée et familiale, n'étant pas en outre entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. Aux termes de l'article L. 732-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Il est remis aux étrangers assignés à résidence en application de l'article L. 731-1 une information sur les modalités d'exercice de leurs droits, les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, la possibilité de bénéficier d'une aide au retour ". Aux termes de l'article R. 732-5 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une assignation à résidence en application de l'article L. 731-1, est informé de ses droits et obligations par la remise d'un formulaire à l'occasion de la notification de la décision par l'autorité administrative ou, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou aux unités de gendarmerie. (...) ".

13. Les dispositions des articles L. 732-7 et R. 732-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile imposent, notamment, que l'information qu'elles prévoient soit communiquée, une fois la décision d'assignation à résidence notifiée, au plus tard lors de la première présentation de l'assigné à résidence aux services de police ou de gendarmerie. Il en résulte que si M. B... soutient qu'il n'a pas reçu l'information prévue par ces articles, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'assignation à résidence, qui s'apprécie à la date de son édiction.

14. Par suite M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête doit, dans toutes ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY01318

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01318
Date de la décision : 08/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SIMON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-08;22ly01318 ?
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