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06/07/2023 | FRANCE | N°21LY02140

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 06 juillet 2023, 21LY02140


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Le Magistral a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 25 mai 2020 par lequel le maire de Villeurbanne a prononcé la fermeture administrative de l'établissement qu'elle exploite pour une durée d'un mois.

Par jugement n° 2003631 du 26 avril 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 juin 2021, le 18 août 2021 et le 24 avril 2023, la société Le Magistral, représentée par

Me Bouboutou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision, ense...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Le Magistral a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 25 mai 2020 par lequel le maire de Villeurbanne a prononcé la fermeture administrative de l'établissement qu'elle exploite pour une durée d'un mois.

Par jugement n° 2003631 du 26 avril 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 juin 2021, le 18 août 2021 et le 24 avril 2023, la société Le Magistral, représentée par Me Bouboutou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision, ensemble le rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Villeurbanne la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée méconnaît le principe du contradictoire et les droits de la défense, dès lors que la mise en demeure et le rappel qui lui ont été adressés ne comportent aucune indication des date, horaire, nombre et localisation des troubles qui lui sont reprochés ;

- la réalité des troubles de voisinage qui lui sont imputés n'est pas démontrée ;

- la durée de la mesure est manifestement disproportionnée.

Par mémoire enregistré le 12 janvier 2023, la commune de Villeurbanne, représentée par Me Alberto, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Le Magistral la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me Bouboutou pour la société Le Magistral, et celles de Me Alberto pour la commune de Villeurbanne.

Vu la note en délibéré enregistrée le 29 juin 2023, présentée par Me Bouboutou pour la société Le Magistral.

Considérant ce qui suit :

1. La société Le Magistral exploite depuis 2014 un fonds de commerce de bar et de restauration et de débit de tabac à l'enseigne " Le Magistral " au 88 rue du 4 août 1789 à Villeurbanne (Rhône). Par un arrêté du 25 mai 2020, le maire de Villeurbanne a prononcé la fermeture administrative de cet établissement pour une durée d'un mois. La société Le Magistral relève appel du jugement du 26 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 (...) sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 211-2 de ce code : " (...) doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1 de ce code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ". Ces dispositions impliquent que la personne intéressée ait été avertie de la mesure que l'administration envisage de prendre, des motifs sur lesquels elle se fonde et qu'elle bénéficie d'un délai suffisant pour présenter ses observations.

3. Il ressort des pièces du dossier que MM. Nassem et Laghouati, en leur qualité de cogérants de la société Le Magistral, ont été rendus destinataires, le 31 octobre 2019 d'un courrier, daté du 28 octobre 2019, du maire de Villeurbanne les informant que l'établissement exploité par la société était à l'origine de différentes nuisances, tant en termes de bruits, de dépôts d'ordures que de stationnement gênant, que ces nuisances présentaient un caractère répété et qu'elles étaient constitutives de troubles du voisinage. Ce courrier demandait à la société de mettre fin à ces troubles, sous peine d'une mesure de fermeture administrative temporaire de l'établissement, et enfin informait expressément la société qu'elle avait la possibilité de présenter ses observations par écrit ou par oral dans un délai d'un mois. Par un nouveau courrier du 8 janvier 2020, le maire de Villeurbanne a informé la société de la persistance des troubles du voisinage relevés en dépit de la mise en demeure du 28 octobre 2019, et la mettait en demeure de prendre toute mesure susceptible de faire cesser immédiatement ces nuisances dès la réception du courrier, en indiquant qu'à défaut d'amélioration de la situation, elle s'exposait à une fermeture administrative temporaire de l'établissement qu'elle exploite pour une durée maximale de deux mois. Dans de telles conditions, et alors même que ces courriers ne mentionnaient pas les dates, horaires et circonstances exactes des faits reprochés, la société Le Magistral, qui a été informée des motifs sur lesquels l'autorité administrative entendait fonder sa décision, a été mise à même de présenter de manière utile ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait par des courriers datés du 19 novembre 2019 et du 13 février 2020. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense ne peut, par suite, qu'être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé (...) de la police municipale (...) " Aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues (...) et voies publiques, (...) ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées ; 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues (...), les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ". Enfin, aux termes de l'article L. 2214-4 du même code : " Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, tel qu'il est défini au 2° de l'article L. 2212-2 et mis par cet article en règle générale à la charge du maire, incombe à l'Etat seul dans les communes où la police est étatisée, sauf en ce qui concerne les troubles de voisinage ". Il appartient au maire, en vertu des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, de prendre les mesures appropriées pour empêcher ou faire cesser, sur le territoire de sa commune, les bruits excessifs de nature à troubler le repos des habitants.

5. Pour justifier la décision de fermeture temporaire d'un mois, le maire de Villeurbanne, commune dans laquelle la police est étatisée, a relevé que le fonctionnement de l'établissement exploité par la société Le Magistral générait, par la présence de véhicules de clients stationnant irrégulièrement sur les trottoirs et la voie publique, des nuisances sonores, notamment la nuit, et des entraves à la circulation des piétions et des véhicules, que ces nuisances, constatées par des rapports de police ainsi que par des réclamations des riverains, étaient constitutives de troubles de voisinage et qu'il n'y avait pas été mis fin, en dépit des deux mises en demeure adressées à la société les 28 octobre 2019 et 14 janvier 2020.

6. La société Le Magistral conteste la réalité de ces troubles de voisinage et leur imputabilité à son activité.

7. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et, notamment, des réclamations circonstanciées de différents riverains et de représentants de syndics de copropriétés voisines, que des nuisances sonores se produisent de façon récurrente à proximité immédiate de l'établissement exploité par la société Le Magistral. Ces nuisances résultent notamment de l'usage intempestif d'avertisseurs sonores et du stationnement puis du redémarrage de véhicules de la clientèle, du dépôt de déchets, de mégots de cigarettes et de bris de vaisselle issus du bar. De même, les tableaux produits par la commune de Villeurbanne, répertoriant les interventions des services de la police municipale et de la police nationale sur les lieux et indiquant, dans chaque cas, la date, l'horaire et le motif du déplacement, liés en majorité au stationnement gênant et aux attroupements bruyants, sont de nature à établir la réalité des troubles de voisinage reprochés à la société et leur imputabilité à son activité, sans que la société requérante puisse utilement soutenir que le stationnement irrégulier des véhicules, qu'elle ne conteste au demeurant pas, présenterait un caractère généralisé sur le territoire de Villeurbanne et résulterait uniquement d'un déficit d'emplacements aménagés. Dans ces conditions, le maire de Villeurbanne ne s'est pas fondé, pour prononcer la fermeture de l'établissement, sur des faits matériellement inexacts. Les troubles du voisinage relevés justifiaient l'adoption d'une mesure de fermeture temporaire de l'établissement. Enfin, eu égard au caractère répété des faits reprochés et à leur incidence sur la tranquillité des riverains, le maire de Villeurbanne a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, fixer la durée de la fermeture à un mois.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Le Magistral n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal a rejeté sa demande.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Villeurbanne qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Le Magistral la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner la société Le Magistral à verser à la commune de Villeurbanne une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Le Magistral est rejetée.

Article 2 : La société Le Magistral versera à la commune de Villeurbanne une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Magistral et à la commune de Villeurbanne.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

La rapporteure,

A. EvrardLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

M-A. Boizot

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02140


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02140
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-03-02-06 Collectivités territoriales. - Commune. - Attributions. - Police. - Police de la tranquillité.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : JACQUES-ALEXANDRE BOUBOUTOU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-07-06;21ly02140 ?
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