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06/07/2023 | FRANCE | N°22LY02077

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 06 juillet 2023, 22LY02077


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2021 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2102666 du 20 décembre 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enr

egistrée le 11 juillet 2022, Mme B..., représentée par Me Faure Cromarias, demande à la cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2021 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2102666 du 20 décembre 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2022, Mme B..., représentée par Me Faure Cromarias, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder, dans le même délai, au réexamen de sa situation, en lui délivrant un récépissé l'autorisant à travailler, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ; à supposer que le préfet ait justifié, en première instance de la délégation de signature accordée M. Lenoble, cette pièce ne lui a pas été communiquée par le tribunal administratif, si bien que le jugement contesté a méconnu le principe du contradictoire ;

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision désignant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme, qui n'a pas produit d'observations.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante géorgienne, née le 11 février 1991, est entrée en France le 3 novembre 2018, selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 décembre 2018, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 17 avril 2019. Elle a ensuite sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de l'état de santé de son époux, M. C.... Par un arrêté du 15 septembre 2021, le préfet du Puy-de--Dôme a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours sur le fondement des 3° et 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Mme B... relève appel du jugement du 20 décembre 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur l'arrêté pris dans son ensemble :

2. Pour écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand s'est fondé sur l'arrêté du 21 juillet 2021, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Puy-de-Dôme, par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a donné délégation à M. Lenoble, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer les décisions en matière de séjour et d'éloignement des ressortissants étrangers. Dès lors, comme le relève expressément le jugement, que cet arrêté a été régulièrement publié et eu égard à son caractère réglementaire, le magistrat désigné n'a pas méconnu le principe du contradictoire de la procédure en se fondant sur l'existence de cet acte pour écarter le moyen d'incompétence invoqué, sans en ordonner préalablement la production au dossier et la communication à Mme B.... Par suite, le moyen tiré du vice d'incompétence comme celui tiré de l'irrégularité du jugement contesté doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 3 du jugement contesté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Si Mme B..., qui réside depuis moins de trois ans sur le territoire national, se prévaut de l'état de santé de son époux, atteint d'une hépatite C, ce dernier a fait l'objet, le 23 avril 2021, d'une décision de refus de titre de séjour en cette qualité, assorti d'une mesure d'éloignement. A cet égard, les pièces produites au dossier ne permettent pas de considérer que, contrairement à ce qu'a estimé le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans un avis du 16 octobre 2020, il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie en Géorgie. Il n'est, par conséquent, fait état d'aucun obstacle à la reconstitution de la cellule familiale que forment Mme B..., son époux et leurs deux enfants mineurs dans ce pays, dont ils ont tous la nationalité et dans lequel l'intéressée a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans. Enfin, la seule circonstance que Mme B... suive des cours de français et participe bénévolement aux activité d'une association de lutte contre le chômage ne suffit pas à caractériser une insertion particulièrement notable dans la société française. Dans ces conditions, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, la décision de refus de titre de séjour contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

6. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 6 de sa décision.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

8. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article L. 423-23 du même code, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de Mme B... doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 et 6 ci-dessus.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi. Cette dernière décision n'ayant été prise ni en application, ni sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour, Mme B... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.

10. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 du présent arrêt, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en tout état de cause, être écarté.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Mme B..., qui se borne à faire état de l'état de santé de son époux, ne se prévaut d'aucun risque encouru à titre personnel en cas de retour en Géorgie. En tout état de cause, ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, M. B... peut bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié à sa pathologie dans son pays d'origine, de telle sorte qu'il n'est pas démontré qu'il serait exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans ce pays, faute de pouvoir y bénéficier d'une prise en charge médicale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

13. En dernier lieu, eu égard à sa situation personnelle et familiale telle que décrite précédemment, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision désignant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

14. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais liés au litige doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2023.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02077


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02077
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : FAURE CROMARIAS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-07-06;22ly02077 ?
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