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13/09/2004 | FRANCE | N°01MA02421

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5eme chambre - formation a 3, 13 septembre 2004, 01MA02421


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 9 novembre 2001, sous le n° 01MA02421, présentée par la SCP Parmentier-Didier, avocat aux conseils, pour l'INSTITUT NATIONAL DES APPELLATIONS D'ORIGINE (INAO), dont le siège est 138, avenue des Champs Elysées à Paris (75008), représenté par son directeur en exercice ;

L' institut demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 00 04534 en date du 26 septembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a, à la demande de l'EARL Château des Tours, annulé la décision e

n date du 11 juillet 2000 par laquelle la commission régionale d'agrément lu...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 9 novembre 2001, sous le n° 01MA02421, présentée par la SCP Parmentier-Didier, avocat aux conseils, pour l'INSTITUT NATIONAL DES APPELLATIONS D'ORIGINE (INAO), dont le siège est 138, avenue des Champs Elysées à Paris (75008), représenté par son directeur en exercice ;

L' institut demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 00 04534 en date du 26 septembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a, à la demande de l'EARL Château des Tours, annulé la décision en date du 11 juillet 2000 par laquelle la commission régionale d'agrément lui a refusé l'agrément à l'appellation d'origine contrôlée Vacqueyras pour un lot de 142 hectolitres de vin récolté en 1998 ;

2°/ de rejeter la demande présentée par l'EARL Château des Tours devant le Tribunal administratif de Marseille ;

3°/ de condamner l'EARL Château des Tours à lui verser la somme de 2.286,73 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le jugement attaqué méconnaît les exigences de l'article L.9 du code de justice administrative pour ne pas avoir répondu au moyen de la requérante faisant valoir que la communication de l'identité des dégustateurs porte une atteinte grave au fonctionnement du service public ; que le tribunal administratif devait faire usage de ses pouvoirs d'instruction et enjoindre à l'INAO de produire la liste des membres des commissions de dégustation et régionale d'agrément ; qu'il résulte des listes des membres de la commission de dégustation de l'AOC Vacqueyras pour la campagne 1999-2000 et de la commission régionale d'appel pour cette même campagne que les membres de la commission régionale ont été choisis parmi les membres de la commission de dégustation conformément à l'arrêté du 20 novembre 1974 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2002, présenté pour l'EARL Château des Tours, par Me Tanham, avocat à la Cour ;

L'EARL demande à la Cour le rejet de la requête et la condamnation de l'INAO à lui verser la somme de 1.524,49 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que le tribunal n'a pas méconnu l'article L.19 du code de justice administrative ;

- qu'il ne pouvait délivrer d'injonction à l'INAO ;

- que la décision litigieuse méconnaît les articles 8-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 6 paragraphe 2 du traité de l'Union Européenne ;

- qu'en effet les mêmes personnes peuvent se prononcer lors du premier examen organoleptique puis dans le cadre de la commission régionale d'appel, et, dans cette commission, les producteurs de vin concurrents du demandeur sont majoritaires ;

- que la décision litigieuse est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 juin 2004, présenté pour l'INAO par la SCP Parmentier-Didier ;

L'institut persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre :

- que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs ;

- que, la procédure d'agrément étant dépourvue de caractère juridictionnel, le moyen tiré de la violation de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;

- que la décision de refus d'agrément définitif prise par la commission régionale d'appel est susceptible de recours devant le juge administratif ;

- que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne comporte aucune garantie de libre exercice des activités économiques ou professionnelles ;

- que la mise en place de la procédure d'agrément critiquée résulte directement d'un règlement communautaire ;

- que l'existence de cette procédure ne contrevient pas au libre exercice de l'activité économique et professionnelle de production de vin ;

- que la décision de refus d'agrément n'emporte aucun déclassement ; que les commissions de dégustation n'ont pas pour mission d'assurer le libre exercice des activités économiques mais de contrôler la qualité et la typicité des vins ;

- qu'elles n'ont pas à être confiées aux seuls représentants des consommateurs et des négociants ;

- que les dégustateurs, qui examinent chaque année 250 échantillons de l'appellation Vacqueyras, ne sont pas en mesure d'en déterminer la cave de provenance ;

- que tous les vins de cette appellation ont une dominante grenache ;

- que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation n'est pas établi ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité de l'Union Européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le décret n° 74-871 du 19 octobre 1974 ;

Vu le décret du 9 août 1990 relatif à l'appellation d'origine contrôlée Vacqueyras ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 juin 2004 :

- le rapport de M. Pocheron, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Louis, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article L.9 du code de justice administrative : Les jugements sont motivés. et qu'aux termes de l'article R.611-17 du même code : Le rapporteur...peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige. ;

Considérant que, par le jugement attaqué en date du 26 septembre 2001, le Tribunal administratif de Marseille a annulé la décision en date du 11 juillet 2000 par laquelle la commission régionale d'agrément siégeant à Avignon (Vaucluse) a refusé l'agrément à l'appellation d'origine contrôlée Vacqueyras d'un lot de 142 hectolitres de vin récolté en 1998 par l'EARL Château des Tours au motif que les pièces du dossier ne permettaient pas de déterminer la composition de la commission de dégustation au sein de laquelle les membres de la commission régionale d'agrément devaient être choisis en vertu de l'article 4-8° de l'arrêté du ministre de l'agriculture en date du 20 novembre 1974 précité ; que le moyen tiré de l'impossibilité de vérifier la régularité de la composition de la commission régionale d'agrément au regard des textes qui la régissent avait été expressément soulevé dans le mémoire en réplique de l'EARL Château des Tours en date du 16 août 2001, et communiqué à l'INSTITUT NATIONAL DES APPELLATIONS D'ORIGINE (INAO) ; qu'en réponse, l'institut avait fait valoir que la communication de la liste nominative des membres de la commission de dégustation était selon lui de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du service public ; qu'en l'espèce, les premiers juges ne pouvaient statuer sans s'être préalablement prononcés expressément sur la validité de ce moyen de la défense, que le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 26 septembre 2001 est, ainsi entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'EARL Château des Tours devant le Tribunal administratif de Marseille ;

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 20 novembre 1974 du ministre de l'agriculture relatif aux examens analytique et organoleptique des vins d'appellation d'origine contrôlée : 1° L'examen organoleptique porte notamment sur la couleur, la limpidité et le dépôt, l'odeur et la saveur. 2° L'examen organoleptique est assuré par une commission de dégustation, composée notamment de viticulteurs, de négociants en vins, de courtiers en vins, de techniciens de la viticulture et de l'oenologie. Les dégustateurs membres de la commission sont nommés par l'Institut national des appellations d'origine des vins et eaux de vie au début de la campagne viticole...6° La décision de la commission...est donnée à la majorité de ses membres. Elle est formulée selon l'une des deux mentions suivantes : Agréé ; Non agréé (en indiquant le motif). L'ingénieur conseiller technique établit le procès-verbal de la séance...8° En cas de non-agrément, la décision motivée de la commission est notifiée à l'intéressé par l'ingénieur conseiller technique...l'intéressé peut demander...un nouvel examen du lot en cause...En cas de nouveau refus de la commission, l'intéressé peut...renouveler sa demande à une commission régionale composée de membres désignés par l'institut national des appellations d'origine des vins et eaux de vie sur proposition du comité régional et choisis parmi les membres visés au paragraphe 2 du présent article...La décision de la commission régionale est prise et notifiée dans les mêmes formes que la décision de la commission de première instance...

Considérant qu'il ressort des listes des membres de la commission de dégustation pour la campagne 1999/2000 concernant l'appellation Vacqueyras et de la commission régionale d'agrément correspondante produites devant la Cour par l'INAO que les membres de la commission régionale ont été choisis parmi les membres de la commission de dégustation conformément aux exigences de l'article 4-8° précité de l'arrêté du 20 novembre 1974 ;

Considérant que le procès-verbal de la commission régionale d'agrément réunie le 11 juillet 2000 est signé par M. Bousquet, agent de l'INAO, dont il ressort des pièces produites au dossier qu'il avait reçu délégation de signature en date du 4 janvier 2000 de M. Y, directeur de l'INAO, aux fins de signer les documents relatifs aux examens analytique et organoleptique des vins à appellation d'origine contrôlée prévus à l'arrêté du 20 novembre 1974 en cas d'absence ou d'empêchement de M. X, ingénieur conseiller technique du centre d'Avignon ; que, par suite, l'EARL Château des Tours n'est pas fondée à soutenir que le procès-verbal litigieux aurait été signé par une autorité incompétente en violation de l'article 4-8° de l'arrêté du 20 novembre 1974 précité ;

Considérant qu'il résulte de l'article 4-8° de l'arrêté du 20 novembre 1974 que les membres de la commission régionale d'agrément doivent être choisis parmi les membres de la commission de dégustation ; que ces commissions régionales d'agrément, eu égard à leurs attributions, qui consistent, par un examen organoleptique des échantillons de vins soumis à son appréciation, à vérifier que le vin ainsi analysé correspond aux critères définis pour être agréé à l'appellation d'origine contrôlée correspondant à son aire de production, ne statuent pas sur des contestations relatives à des droits ou des obligations de caractère civil, ou sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale, et n'ont ainsi pas le caractère d'un tribunal au sens des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, l'EARL Château des Tours n'est pas fondée à soutenir que les membres de la commission régionale d'agrément ne peuvent légalement être les mêmes que ceux qui ont siégé dans la commission de dégustation ;

Considérant qu'eu égard aux attributions sus-rappelées des commissions régionales d'agrément, d'ailleurs mises en place en application du règlement n° 817/70 du conseil de la Communauté Economique Européenne en date du 28 avril 1970, et à leur fonctionnement, qui repose sur l'analyse d'échantillons anonymes, l'EARL Château des Tours n'établit pas en quoi les décisions de ces commissions méconnaîtraient la réglementation européenne en matière économique et commerciale ou manqueraient d'objectivité ;

Considérant qu'il ressort des feuilles de notation remises par les dégustateurs de la commission régionale d'agrément litigieuse que ceux-ci, au nombre de cinq, ont donné une note à chacun des échantillons soumis à leur appréciation ; que la circonstance que trois d'entre eux n'ont pas porté sur ces fiches d'appréciations écrites ne saurait par elle-même établir que la décision contestée aurait été prise par une minorité de la commission en violation de l'article 4-6° de l'arrêté du 20 novembre 1974 précité ;

Considérant que la commission de dégustation a, le 28 mars 2000, pris une décision d'ajournement au motif que le lot de vin de l'EARL Château des Tours soumis à son appréciation était oxydé, usé et de caractère évolué ; qu'une nouvelle décision d'ajournement était prise le 19 avril 2000 au motif que le vin était oxydé et déséquilibré ; que l'agrément à l'appellation d'origine contrôlée Vacqueyras était finalement refusé le 13 juin suivant au motif que le vin était oxydé ; que la commission régionale confirmait ce refus, estimant que le vin avait un goût de sec et était déséquilibré ; qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'EARL Château des Tours n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision en date du 11 juillet 2000 de la commission régionale d'agrément à l'appellation d'origine contrôlée Vacqueyras ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner l'EARL Châreau des Tours à payer à l'INAO une somme de 1.500 euros au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'INAO, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à l'EARL Château de Vacqueyras la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement en date du 26 septembre 2001 du Tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'EARL Château des Tours devant le Tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : L'EARL Château des Tours versera la somme de 1.500 euros à l'INSTITUT NATIONAL DES APPELLATIONS D'ORIGINE au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de l'INSTITUT NATIONAL DES APPELLATIONS D'ORIGINE et les conclusions de l'EARL Château des Tours tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'INSTITUT NATIONAL DES APPELLATIONS D'ORIGINE et à l'EARL Château des Tours.

Délibéré à l'issue de l'audience du 28 juin 2004, où siégeaient :

Mme Bonmati, président de chambre,

M. Moussaron, président assesseur,

M. Pocheron, premier conseiller,

assistés de Mlle Ranvier, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 13 septembre 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Dominique Bonmati Michel Pocheron

Le greffier,

Signé

Patricia Ranvier

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Classement CNIJ : 03-05-06

C

2

N° 01MA02421

MP


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01MA02421
Date de la décision : 13/09/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONMATI
Rapporteur ?: M. Michel POCHERON
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : SCP L. PARMENTIER - H. DIDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-09-13;01ma02421 ?
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