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04/07/2006 | FRANCE | N°06MA00656

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 04 juillet 2006, 06MA00656


Vu la requête, enregistrée le 2 mars 2006, présentée pour M. Denis X élisant domicile ... par Me Bertozzi ;

M. Denis X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0600144 en date du 18 janvier 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 12 janvier 2006 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre audit préfet la délivrance d'un titre de séjour vie

privée et familiale dans les trente jours de la notification de la décision à intervenir sous astr...

Vu la requête, enregistrée le 2 mars 2006, présentée pour M. Denis X élisant domicile ... par Me Bertozzi ;

M. Denis X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0600144 en date du 18 janvier 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 12 janvier 2006 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre audit préfet la délivrance d'un titre de séjour vie privée et familiale dans les trente jours de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 152,45 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 200 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………..

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 27 décembre 2004 par laquelle le président de la Cour a notamment délégué M. François Bourrachot, président, pour statuer sur l'appel des jugements rendus en matière de reconduite à la frontière ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 juin 2006 :

- le rapport de M. Bourrachot, président rapporteur ;

- les observations de Me Fayet, substituant Me Bertozzi ;

- et les conclusions de Mme Fernandez, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de l'appel :

Considérant qu'aux termes de l'article R.776-14 du code de justice administrative : Le jugement est prononcé à l'audience si l'étranger est retenu au jour de celle-ci, par l'autorité administrative ou s'il l'était lorsqu'il a formé son recours. ; qu'aux termes de l'article R.776-17 du même code de justice : Le dispositif du jugement, assorti de la formule exécutoire prévue à l'article R.751-1, est communiqué sur place aux parties présentes à l'audience qui en accusent aussitôt réception. S'il ne l'a pas été sur place, le jugement est notifié sans délai et par tous moyens aux parties qui en accusent réception. La notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée. ; qu'il ressort des pièces du dossier que le dispositif du jugement rendu par le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice en date du 18 juillet 2006 a été communiqué à M. X par récépissé du même jour ; que le jugement complet ayant été notifié à l'intéressé au centre de rétention de Nice, dernière adresse portée à la connaissance de la juridiction, alors que M. X était sorti dudit centre pour être conduit à l'aéroport de Nice en vue de sa reconduite à la frontière, cette notification est revenue au greffe de la juridiction avec la mention n'habite pas à l'adresse indiquée ; que la notification des motifs du jugement est seule susceptible de faire courir le délai d'appel ainsi que le mentionne d'ailleurs la notification du dispositif remise à l'intéressé ; que, dès lors, le délai d'appel n'est pas opposable à M. X ; qu'il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par le préfet

des Alpes-Maritimes et tirée de la tardiveté de l'appel de M. X doit être écartée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que les conditions dans lesquelles un jugement a été notifié sont sans influence sur sa régularité ;

Sur la légalité de la reconduite à la frontière et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile reprenant les dispositions du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée :L'autorité administrative compétente, peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité israélienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 18 novembre 2003 de la décision du 13 novembre 2003 du préfet des Alpes-Maritimes lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant toutefois qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, de nationalité israélienne, fait valoir que toute sa famille vit désormais en France à l'exception de son père, résidant en Ukraine, pays dont il n'a pas la nationalité, qu'un membre de sa famille a acquis la nationalité française et que les autres disposent de titres de séjour réguliers et qu'il n'a plus d'attaches dans son pays ; que, dans les circonstances de l'affaire, eu égard notamment à l'absence d'attaches effectives conservées dans le pays dont il a la nationalité et à l'intérêt de sa présence pour sa famille séjournant régulièrement en France, la mesure de reconduite prise à l'encontre de M. X porte au droit de celui-ci au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été décidée cette mesure et méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande et a demandé l'annulation de l'arrêté décidant de sa reconduite à la frontière pris le 12 janvier 2006 par le préfet des Alpes-Maritimes ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L.911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; que l'article L.512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant que la présente décision prononce l'annulation pour excès de pouvoir des deux arrêtés ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et non pas de la décision lui refusant un titre de séjour ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à invoquer l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait aux motifs de la présente décision pour soutenir que celle-ci implique nécessairement, au sens des dispositions précitées de l'article L.911-1 du code de justice administrative, la délivrance d'une titre de séjour ;

Mais considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L.512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L.911-2 du code de justice administrative - lesquels peuvent être exercés tant par le juge unique de la reconduite à la frontière que par une formation collégiale - pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet

des Pyrénées-Orientales de délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour à M. X et de se prononcer sur sa situation dans le délai de quinze jours suivant la notification de la présente décision ; qu'en revanche il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative précité, de condamner l'Etat à payer à M. X la somme de 1 200 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et

non-compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1 : Le jugement du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nice

du 18 janvier 2006 et l'arrêté en date du 12 janvier 2006 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a décidé la reconduite à la frontière de M. X sont annulés.

Article 2 : Le préfet des Alpes-Maritimes délivrera sans délai une autorisation provisoire de séjour à M. X et statuera sur sa situation, dans le délai de quinze jours suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat est condamné à payer à M. X la somme de 1 200 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Denis X, au préfet des Alpes-Maritimes et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Copie en sera adressée à Me Bertozzi.

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N°06MA00656


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 06MA00656
Date de la décision : 04/07/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: Mme FERNANDEZ
Avocat(s) : BERTOZZI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-07-04;06ma00656 ?
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