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08/11/2010 | FRANCE | N°08MA03739

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 08 novembre 2010, 08MA03739


Vu la requête, enregistrée le 5 août 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA03739, présentée pour M. Omar A, demeurant ..., par Me Donati, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800448 du 26 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Corse-du-Sud en date du 25 février 2008 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

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3°) d'enjoindre au préfet de la Corse-du-Sud de lui délivrer un titre de séjour dans u...

Vu la requête, enregistrée le 5 août 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA03739, présentée pour M. Omar A, demeurant ..., par Me Donati, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800448 du 26 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Corse-du-Sud en date du 25 février 2008 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Corse-du-Sud de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de vingt jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la condamnation valant renonciation de son conseil à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code du travail ;

Vu l'arrêté du 27 février 2003 pris en application de l'article R. 227-10 du code de justice administrative fixant le montant de l'indemnité de vacation horaire allouée aux assistants de justice recrutés au sein du Conseil d'Etat, des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs ;

Vu l'arrêté du 18 janvier 2008 du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi et du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et la liste qui y est annexée ;

Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2010 :

- le rapport de M. Chanon, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant que M. A, de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 26 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet de la Corse-du-Sud en date du 25 février 2008 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, que M. A soutient que le jugement attaqué a été rendu en violation du principe d'impartialité des juridictions, dès lors qu'un assistant de justice lié à l'administration défenderesse serait intervenu dans l'élaboration du rapport et du projet du jugement attaqué, sans que les magistrats n'aient eu à connaître des pièces du dossier ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 227-1 du code de justice administrative, les assistants de justice recrutés par les juridictions administratives en application des dispositions de l'article L. 227-1 de ce code apportent leur concours aux travaux préparatoires réalisés par les membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que ces personnels sont, conformément aux dispositions de l'article R. 227-4 dudit code, nommés par le vice-président du Conseil d'Etat sur proposition du chef de la juridiction auprès de laquelle ils sont affectés, et perçoivent, en vertu de l'article R. 227-10 du même code, une indemnité de vacation fixée par un arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre du budget et du ministre chargé de la fonction publique, en date du 27 février 2003 ;

Considérant qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'assistant de justice affecté au tribunal administratif de Bastia, à supposer même qu'il soit intervenu dans la préparation du rapport et du projet du jugement attaqué, aurait outrepassé les missions qui peuvent être confiées aux assistants de justice en vertu des dispositions précédemment mentionnées de l'article R. 227-1 du code de justice administrative ; qu'il n'est pas établi, compte tenu notamment des modalités de nomination et de rémunération des assistants de justice ci-dessus rappelées, que l'assistant de justice en fonction au tribunal administratif de Bastia serait lié à l'administration défenderesse ; qu'il n'est pas davantage démontré que les membres de la formation de jugement se seraient abstenus de prendre en considération les pièces du dossier ; que, par suite, le requérant n'établit pas que le jugement attaqué aurait été rendu en violation du principe d'impartialité des juridictions ;

Considérant, en deuxième lieu, que par un arrêté du 24 janvier 2008, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture daté du même jour, le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud, a donné délégation à M. Patrick Duprat, sous-préfet, directeur du cabinet du préfet, signataire de l'arrêté en litige, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents, à l'exception des réquisitions de la force armée et des arrêtés de conflit ; que les premiers juges ont pu régulièrement constater que l'arrêté contesté était signé par une autorité compétente bien qu'aucune pièce n'ait été versée au dossier dès lors que tant cet arrêté que la date de sa publication au recueil des actes administratifs figuraient sur le site internet de la préfecture de la Corse-du-Sud, accessible à tous les administrés ; que, de la même manière, l'arrêté du 18 mars 2008, régulièrement publié le lendemain, donnait délégation à M. Thierry Rogelet, secrétaire général de la préfecture, pour signer le mémoire en défense au nom du préfet ; que la circonstance, à la supposer établie, que le commissaire du gouvernement ne s'est pas prononcé sur ces moyens lors de l'audience publique n'a aucune incidence sur la régularité du jugement ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure contradictoire ne peut être accueilli ;

Considérant, en troisième et dernier lieu, que si le juge administratif peut être valablement saisi d'une note en délibéré adressée par télécopie dès lors qu'elle est enregistrée avant la date de lecture de la décision, c'est à la condition que son auteur l'authentifie ultérieurement, mais avant la même date, par la production d'un exemplaire dûment signé de cette note ou en apposant, au greffe de la juridiction saisie, sa signature au bas de ce document ; qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A a déposé par télécopie une note en délibéré comportant la signature de son conseil, enregistrée au greffe le 26 juin 2008, soit le jour de la lecture du jugement ; que, toutefois, il ne résulte d'aucune pièce, et n'est d'ailleurs même pas allégué, que cette note en délibéré aurait fait ultérieurement, et avant la date de lecture du jugement, d'une authentification ; que, dans ces conditions, le défaut de visa de la note en délibéré produite par télécopie n'a pas d'influence sur la régularité du jugement ;

Considérant qu'il suit de tout ce qui vient d'être dit que M. A n'est pas fondé à soutenir que le jugement critiqué est entaché d'irrégularité ;

Sur la légalité de l'arrêté du 25 février 2008 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. La carte porte la mention salarié lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois (...) ; que l'article L. 341-2 du code du travail, aujourd'hui codifié à l'article L. 5221-2, dispose : Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ; que selon l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 40 de la loi du 20 novembre 2007 : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ; que cet article L. 313-14 définit ainsi, pour les personnes qui ne satisfont pas aux conditions fixées par le code pour la délivrance des cartes de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale sur le fondement de l'article L. 313-11 ou portant la mention salarié sur le fondement du 1° de l'article L. 313-10 et qui sollicitent leur régularisation, un régime d'admission exceptionnelle au séjour en France ;

Considérant que la demande présentée par un étranger sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas à être instruite dans les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à son article L. 341-2, aujourd'hui repris à l'article L. 5221-2 ; qu'il s'ensuit que le préfet n'était pas tenu en l'espèce de saisir le directeur départemental du travail afin que ce dernier accorde ou refuse, préalablement à ce qu'il soit statué sur la délivrance de la carte de séjour temporaire, l'autorisation de travail visée à l'article L. 5221-2 du code du travail ;

Considérant que l'arrêté préfectoral litigieux, qui n'a pas rejeté la demande comme irrecevable, a été notamment pris au motif qu'il ne peut être fait droit à la demande de titre de séjour portant la mention salarié dès lors que l'emploi des travailleurs étrangers à titre permanent relève d'une procédure d'introduction qui doit être engagée à l'initiative de l'employeur et qui ne peut concerner que des étrangers non encore présents sur le territoire national ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment sur l'admission exceptionnelle au séjour que ce motif est entaché d'erreur de droit ;

Considérant toutefois que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif ;

Considérant que, pour établir que l'arrêté contesté était légal, le préfet de la Corse-du-Sud invoque, dans ses mémoires en défense communiqués à M. A en appel comme en première instance, un autre motif tiré de ce que ce que les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables à l'intéressé dans la mesure où la profession de maçon pour laquelle il a présenté un contrat de travail ne figure pas sur la liste des métiers dits en tension ; que par la référence au troisième alinéa de l'article L. 313-10, le législateur a entendu, ainsi qu'il ressort des travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 20 novembre 2007, limiter le champ de l'admission exceptionnelle à la carte de séjour temporaire portant la mention salarié aux cas dans lesquels cette admission est sollicitée pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national, laquelle, aujourd'hui, est annexée à l'arrêté des ministres chargés de l'emploi et de l'immigration du 18 janvier 2008 ; que ce nouveau motif, qui ne prive le requérant d'aucune garantie procédurale, peut à lui seul légalement justifier la décision contestée en tant qu'elle porte sur l'admission au séjour par le travail, en admettant même que les services de l'agence nationale pour l'emploi auraient à l'époque estimé que le métier de maçon connaîtrait des difficultés aigües de recrutement en Corse ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. Omar A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie en sera transmise au préfet de la région Corse, préfet de la Corse-du-Sud.

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N° 08MA03739 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA03739
Date de la décision : 08/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : DONATI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-11-08;08ma03739 ?
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