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15/11/2011 | FRANCE | N°09MA04454

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2011, 09MA04454


Vu, I, sous le n° 09MA04454, la requête enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 3 décembre 2009 régularisée le 8 décembre 2009, présentée par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601574 du 23 septembre 2009, notifié par courrier du 2 octobre 2009 reçu par ses services le 5 octobre 2009, par lequel le tribunal administratif de Nice, à la demande de M. Franck A :

- a annulé son arrêté du 18 avril 2006 révoquant M. Franck A de ses fonctions de gardien de la

paix,

- lui a enjoint de réintégrer l'intéressé dans ses fonctions et de recon...

Vu, I, sous le n° 09MA04454, la requête enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 3 décembre 2009 régularisée le 8 décembre 2009, présentée par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601574 du 23 septembre 2009, notifié par courrier du 2 octobre 2009 reçu par ses services le 5 octobre 2009, par lequel le tribunal administratif de Nice, à la demande de M. Franck A :

- a annulé son arrêté du 18 avril 2006 révoquant M. Franck A de ses fonctions de gardien de la paix,

- lui a enjoint de réintégrer l'intéressé dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière,

- a rejeté ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter les conclusions de première instance de M. A ;

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Vu, II, sous le n°10MA04594, la requête enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 20 décembre 2010, régularisée le 31 décembre 2010, présentée par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ;

Le MINISTRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902590 du 22 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a condamné l'Etat à verser à M. A une indemnité de 2 600 euros, augmentée des intérêts au taux légal et du produit de leur capitalisation, en réparation des conséquences dommageables de sa révocation ;

2°) de rejeter les conclusions de première instance de M. A ;

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Vu, III, sous le n°11MA00170, la requête enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 14 janvier 2011, régularisée le 21 janvier 2011, présentée par Me Bertozzi, avocat, pour M. Franck B, demeurant ... ;

M. B demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0902590 du 22 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice, d'une part, a condamné l'Etat à verser à M. B une indemnité de 2 600 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2009 et du produit de leur capitalisation à partir du 30 avril 2010, en réparation des conséquences dommageables de sa révocation, d'autre part, a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires ainsi que sa demande de remboursement de ses frais exposés et non compris les dépens ;

2°) de porter le montant total en principal de cette indemnité à la somme de 36 000 euros ;

3°) d'allouer sur ce principal un montant d'intérêts au taux légal capitalisés à compter du 10 mai 2008 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de frais exposés et non compris les dépens ;

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 6 ;

Vu la déclaration des droits de l'homme et du citoyens du 26 août 1789, notamment son article 9 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de ladite loi ;

Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 modifié, relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

Vu le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 modifié fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 septembre 2010 accordant à M. B le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre exceptionnel, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2011 :

- le rapport de M. Brossier, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public ;

Considérant que les trois requêtes susvisées n° 09MA04454, n° 10MA04594 et n° 11MA00170 sont relatives à la situation d'un même fonctionnaire et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

Considérant que M. B, gardien de la paix titulaire affecté à la circonscription de sécurité publique de Nice, a été révoqué de ses fonctions par décision du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire en date du 18 avril 2006 ; que, par le premier jugement attaqué n° 0601574 rendu le 23 septembre 2009 et contesté par l'appel susvisé n° 09MA04454, le tribunal administratif de Nice a annulé pour erreur manifeste d'appréciation cette révocation et a enjoint audit ministre de réintégrer l'intéressé dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière ; que par le second jugement attaqué n° 0902590 rendu le 22 octobre 2010, le tribunal administratif de Nice a partiellement fait droit à la demande de M. B de réparation des conséquences dommageables de cette révocation, en condamnant l'Etat à lui verser une indemnité de 2 600 euros, augmentée des intérêts au taux légal et du produit de leur capitalisation ; que par l'appel n° 10MA04594 susvisé, le ministre conteste le principe de cette condamnation ; que dans l'appel croisé n° 11MA00170 susvisé, M. B estime que le quantum de l'indemnisation allouée serait insuffisant ;

En ce qui concerne l'appel n° 09MA04454 :

Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ; qu'aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : l'avertissement ; le blâme. Deuxième groupe : la radiation du tableau d'avancement ; l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; le déplacement d'office. Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation ; qu'aux termes de l'article 29 du décret du 9 mai 1995 susvisé : Le fonctionnaire actif des services de la police nationale doit, en tout temps, qu'il soit ou non en service, s'abstenir en public de tout acte ou propos de nature à porter la déconsidération sur le corps auquel il appartient ou à troubler l'ordre public ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, le 8 mai 2005, à la suite du contrôle d'un vendeur à la sauvette, effectué avec deux collègues de la brigade

anti-criminalité, MM Lafargue et Rohr, le gardien de la paix Franck B a conduit l'individu interpellé au commissariat avec sa marchandise, lequel, après avoir été relâché et constatant la disparition de téléphones portables, ainsi que d'une somme d'argent, a porté plainte pour vol ; que par jugement du 5 janvier 2006, le tribunal correctionnel de Nice a condamné

M. B à une peine d'emprisonnement de 12 mois, dont 6 mois avec sursis, pour vol aggravé ; que, par un arrêt du 10 novembre 2006, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement susmentionné en toutes ses dispositions pénales ; que M. B ne conteste pas le fait d'avoir dérobé à un vendeur à la sauvette appréhendé des marchandises lui appartenant ; qu'au surplus, s'agissant de l'exactitude matérielle des faits reprochés à M. B et qui fondent la révocation en litige, l'autorité de la chose jugée s'impose aux autorités administratives en ce qui concerne les constatations de fait que le juge répressif a retenues et qui constituent le support nécessaire de sa décision pénale ;

Considérant, en deuxième lieu, que le tribunal administratif de Nice a annulé pour erreur manifeste d'appréciation la révocation en litige au motif que le requérant, entré dans la police en 1999, n'avait pas fait l'objet de sanctions disciplinaires antérieures et que sa compétence dans l'exercice de ses fonctions n'avait jamais été contestée ; que, toutefois, en raison de la gravité des faits de vol reprochés et compte tenu de la fonction de policier de l'intéressé, le ministre a pu décider la sanction de la révocation sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation alors même, d'une part, que M. B n'avait fait l'objet antérieurement d'aucune sanction et présentait de bons états de service, et nonobstant, d'autre part, la faible valeur de l'objet du vol incriminé ;

Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que M. Rohr ait subi quant à lui une sanction d'exclusion temporaire de ses fonctions d'une simple durée d'un mois, n'est pas de nature non plus à entacher la révocation en litige d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que les faits reprochés à l'appelant ne sont pas identiques à ceux reprochés à M. Rohr, ce qu'a au demeurant retenu le juge judiciaire qui n'a pas infligé la même sanction pénale à M. Rohr ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre appelant est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé pour erreur manifeste d'appréciation la révocation en litige ; qu'il y a lieu pour la Cour d'annuler le jugement susvisé n° 0601574 et, par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par M. B tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de sa révocation ;

S'agissant de la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, que M. B soutient que la révocation a été infligée alors que la cour d'appel d'Aix-en-Provence ne s'était pas encore prononcée sur son appel contestant le jugement susmentionné du tribunal correctionnel de Nice, et qu'aurait ainsi été méconnu le principe de présomption d'innocence, que le requérant invoque par l'article 9 de la Déclaration de Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et par l'article préliminaire III du code de procédure pénale ; qu'en raison toutefois du principe de séparation des procédures pénales et disciplinaires, le moyen doit être écarté ; qu'en outre, si l'appelant invoque l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toutefois, la contestation par un fonctionnaire de la sanction disciplinaire qui lui a été infligée n'est relative ni à un droit ou une obligation de caractère civil, ni au bien-fondé d'une accusation en matière pénale et, par suite, le présent litige n'entre pas dans le champ d'application de cet article 6 ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. B soutient qu'il n'aurait pu saisir le conseil de discipline de recours, toutefois, en se contenant d'indiquer que le premier conseil de discipline a recueilli une majorité de 2/3 des voix, sans autre précision, l'intéressé ne met pas le juge à même d'apprécier le bien-fondé de l'éventuel vice de procédure ainsi soulevé ;

Considérant, en troisième lieu, que M. B invoque une erreur matérielle de date qui entacherait la décision attaquée ; que s'il est exact que la révocation en litige vise la réunion du conseil de discipline comme ayant eu lieu le 7 mars 2005, alors qu'il s'est réuni le 7 mars 2006, cette simple erreur matérielle est sans sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu'il n'y a eu qu'un seul conseil de discipline relatif à M. B et que le ministre, bien que se référant à une date erronée, n'a pu que se reporter au bon contenu de l'avis dudit conseil ;

S'agissant de la légalité interne :

Considérant d'une part, et ainsi qu'il a déjà été dit, que la révocation en litige n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; que, d'autre part, le détournement de pouvoir invoqué n'est pas établi par les pièces du dossier ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la révocation en litige ; qu'il n'est pas fondé par voie de conséquence à demander, par voie d'injonction sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, sa réintégration dans les effectifs de la police nationale et la reconstitution de sa carrière, dès lors que le présent arrêt n'implique pas nécessairement une telle injonction ;

Sur les appels croisés n° 10MA04594 et n° 11MA00170 :

Considérant qu'en l'absence d'illégalité démontrée de la révocation en litige, M. B n'établit aucune faute de l'Etat de nature à engager sa responsabilité ; que le ministre appelant est dans ces conditions fondé à soutenir, par son appel n° 10MA04594, que c'est à tort que le tribunal l'a condamné à réparer les conséquences dommageables de cette révocation ; qu'il s'ensuit que le jugement attaqué n° 0902590 doit être annulé ; que, pour le même motif de l'absence de faute établie, les conclusions indemnitaires de M. B doivent être rejetées, tant celles formulées dans la première instance n° 0602590 qu'il y a lieu de rejeter par l'effet (dévolutif) de l'appel, que celles formulées devant la Cour, par voie de l'appel principal n° 11MA00170 ou par voie incidente dans l'appel n° 10MA04594 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la partie intimée, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à l'appelant la somme qu'il demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé n° 0601574 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. B à fin d'annulation pour excès de pouvoir de la révocation du 18 avril 2006 en litige sont rejetées, ensemble ses conclusions subséquentes à fin d'injonction.

Article 3: Le jugement susvisé n° 0902590 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 4 : Les conclusions indemnitaires de M. B formées dans la première instance n° 0902590 sont rejetées, ensemble ses conclusions incidentes susvisées formées dans l'appel susvisé n° 10MA04594.

Article 5 : L'appel n° 11MA00170 de M. B est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de M. B tendant au remboursement de ses frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. Franck B et au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES.

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N° 09MA04454-10MA04594-11MA00170 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA04454
Date de la décision : 15/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: Mme VINCENT-DOMINGUEZ
Avocat(s) : BERTOZZI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-11-15;09ma04454 ?
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