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07/01/2014 | FRANCE | N°12MA00455

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 07 janvier 2014, 12MA00455


Vu la requête, enregistrée le 3 février 2012, présentée pour la SCI du Vallon de la Louve, agissant par ses représentants légaux et dont le siège est, 15 allée des Eiders à Paris (75019), par Me B... ;

La SCI du Vallon de la Louve demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900399 du 5 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 8 janvier 2009 par laquelle le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a refusé d

e lui restituer un ensemble de parcelles situées sur le territoire de la commune ...

Vu la requête, enregistrée le 3 février 2012, présentée pour la SCI du Vallon de la Louve, agissant par ses représentants légaux et dont le siège est, 15 allée des Eiders à Paris (75019), par Me B... ;

La SCI du Vallon de la Louve demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900399 du 5 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 8 janvier 2009 par laquelle le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a refusé de lui restituer un ensemble de parcelles situées sur le territoire de la commune de Marseille, appréhendées par l'Etat comme biens vacants et sans maître en application d'un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 28 juillet 1993 et affecté au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres par arrêté conjoint des ministres de l'environnement et du budget du 13 mai 1997, ensemble l'arrêté du 28 juillet 1993 ainsi que l'arrêté du 10 janvier 1994 l'ayant modifié et l'arrêté du 13 mai 1997 ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) d'ordonner, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter d'un délai de deux mois après notification de l'arrêt, la restitution à son profit des parcelles situées quartier de Vaufrèges et rue de Léon Lachamp, cadastrées D 23, A 67, A 69, A 71 et A 54, et la parcelle située quartier de la Barasse, cadastrée I 1 ;

.................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu le code du domaine de l'Etat ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2013 :

- le rapport de M.A...'hôte, premier conseiller,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour la SCI du Vallon de la Louve ;

1. Considérant que, par l'effet d'un jugement d'adjudication du 20 janvier 1972, la SCI du Vallon de la Louve a acquis un ensemble de six parcelles situées sur le territoire de la commune de Marseille, représentant une surface totale d'environ 170 hectares ; que, le 10 octobre 1989, la commune de Marseille a demandé au service des domaines d'engager à l'égard de ces terrains la procédure de reconnaissance de biens vacants et sans maître ; que, par un arrêté du 28 juillet 1993, le préfet des Bouches-du-Rhône a autorisé le service des domaines à appréhender les parcelles au nom de l'Etat sur le fondement de l'article L. 25 du code du domaine de l'Etat ; que cette prise de possession a été constatée par un procès-verbal établi le 28 mars 1994 ; que, par un arrêté conjoint du ministre de l'environnement et du ministre délégué au budget en date du 13 mai 1997, les terrains ont été affectés au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ; que, le 29 septembre 2008, la SCI du Vallon de la Louve a demandé la restitution de l'ensemble des parcelles, à l'exception d'une ayant été vendue ; que sa demande a été rejetée par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire le 8 janvier 2009 ; que, par la présente requête, la SCI du Vallon de la Louve défère à la Cour le jugement du 5 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 janvier 2009 et des arrêtés du 13 mai 1997 et du 28 juillet 1993, ainsi que d'un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 10 janvier 1994 ayant eu pour effet, selon elle, de modifier l'arrêté du 28 juillet 1993 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, dans ses écritures de première instance, le préfet des Bouches-du-Rhône, qui ne contestait pas l'acquisition des parcelles litigieuses en 1972 par la SCI du Vallon de la Louve, avait soulevé une fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité à agir de la société requérante dès lors que celle-ci était une personne juridique distincte de celle ayant procédé à cette acquisition ; qu'en réponse à cette fin de non-recevoir, la société requérante s'est prévalu des dispositions de l'article 4 de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978 modifiant le titre IX du livre III du code civil, puis de l'article 44 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, pour établir une continuité dans la personnalité juridique entre elle et la société initiale ; qu'en se bornant à relever que la société requérante se prévalait de sa qualité de propriétaire des terrains mais n'apportait " aucun élément probant de nature à établir effectivement cette qualité ", sans se prononcer sur l'argumentation précise et détaillée de cette dernière quant à l'identité de personnalité morale entre elle et la société ayant acquis les terrains en 1972 et alors que l'administration ne contestait pas la réalité de cette acquisition, le tribunal a insuffisamment motivé son jugement ; que, par suite, la SCI du Vallon de la Louve est fondée à soutenir que le jugement attaqué du 5 décembre 2011 est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur la demande présentée par la SCI du Vallon de la Louve devant le tribunal administratif de Marseille ;

Sur la légalité des décisions contestées :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 539 du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Tous les biens vacants et sans maître, et ceux des personnes qui décèdent sans héritiers, ou dont les successions sont abandonnées, appartiennent au domaine public " ; que, selon l'article 713 du même code, " les biens qui n'ont pas de maître appartiennent à l'Etat " ; que l'article L. 25 du code du domaine de l'Etat, également dans sa rédaction applicable en l'espèce, rappelait : " Ainsi qu'il est dit aux articles 539 et 713 du code civil, les biens vacants et ceux qui n'ont pas de maître appartiennent à l'Etat " ; que l'article L. 27 bis de ce code, alors applicable, disposait : " Lorsqu'un immeuble n'a pas de propriétaire connu, et que les contributions foncières y afférentes n'ont pas été acquittées depuis plus de cinq années, cette situation est constatée par arrêté préfectoral, après avis de la commission communale des impôts directs. Il est procédé par les soins du préfet à une publication et à un affichage de cet arrêté et, s'il y a lieu, à une notification aux derniers domicile et résidence connus du propriétaire. En outre, si l'immeuble est habité ou exploité, une notification est également adressée à l'habitant ou exploitant. Dans le cas où le propriétaire ne s'est pas fait connaître dans un délai de six mois à dater de l'accomplissement de la dernière des mesures de publicité prévues ci-dessus, l'immeuble est présumé sans maître au titre de l'article 539 du code civil, et l'attribution de sa propriété à l'Etat fait l'objet d'un arrêté préfectoral transmis au maire de la commune (...) " ;

En ce qui concerne l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 10 janvier 1994 :

5. Considérant que, contrairement à ce que soutient la SCI du Vallon de la Louve, l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 10 janvier 1994, dont elle demande l'annulation, n'a pas eu pour objet de modifier l'arrêté du 28 juillet 1993 ayant autorisé le service des domaines à appréhender les parcelles litigieuses, mais a modifié un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 novembre 1993 portant délégation de signature au directeur des services fiscaux ; que la société requérante ne justifie d'aucun intérêt à demander l'annulation de cette décision ; que, par suite, les conclusions de la requête dirigées contre l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 10 janvier 1994 sont irrecevables ;

En ce qui concerne l'arrêté conjoint du ministre de l'environnement et du ministre délégué au budget du 13 mai 1997 :

6. Considérant que l'arrêté conjoint du ministre de l'environnement et du ministre délégué au budget du 13 mai 1997 a eu pour objet d'affecter les terrains en litige au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ; que cet arrêté, qui n'avait pas à être notifié à la société requérante, a été publié au Journal officiel de la République française du 3 juin 1997 ; que cette publication a fait courir le délai de recours contentieux, lequel a expiré le 4 août 1997 ; qu'ainsi, la demande d'annulation présentée par la SCI du Vallon de la Louve le 23 janvier 2009 était tardive et, par suite, irrecevable ;

En ce qui concerne l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 28 juillet 1993 et la décision du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du 8 janvier 2009 :

7. Considérant que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conteste l'intérêt et la qualité à agir de la SCI du Vallon de la Louve, au motif que celle-ci ne serait pas la même personne juridique que la société ayant acquis les terrains en 1972, laquelle, selon lui, n'existait déjà plus en 1993 ;

8. Considérant qu'en réponse à cette fin de non-recevoir, la SCI du Vallon de la Louve fait valoir qu'elle a été constituée par un acte sous seing privé signé le 5 novembre 1971 et enregistré chez notaire le 14 avril 1972 ; qu'elle ajoute que, si la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978 modifiant le titre IX du livre III du code civil a introduit, dans le code civil, un article 1842 aux termes duquel les sociétés jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation, l'article 4 de la loi a institué une dérogation à cette règle en autorisant les sociétés existantes non immatriculées à conserver la personnalité morale sans que les dispositions relatives à la publicité ne leur soient applicables ; que cette dérogation a été supprimée par l'article 44 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques aux termes duquel " le quatrième alinéa de l'article 4 de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978 modifiant le titre IX du livre III du code civil est abrogé le premier jour du dix-huitième mois suivant la publication de la présente loi. Les sociétés civiles procèdent, avant cette date, à leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés " ; que le délai imparti ayant expiré le 1er novembre 2002, la société requérante prétend avoir subsisté à compter de cette date sous la forme d'une société en participation régie par les articles 1871 et suivants du code civil et dépourvue de la personnalité morale ; qu'elle indique enfin que, le 13 mars 2008, les associés de la SCI du Vallon de la Louve auraient décidé de procéder à son immatriculation et de lui conférer de nouveau le statut de société civile immobilière ; que la société requérante soutient ainsi qu'elle serait la même personne juridique que la société initialement créée et serait recevable à agir afin d'en défendre le droit de propriété ;

9. Considérant, toutefois, que l'administration fait valoir que le 10 octobre 1989, la commune de Marseille a demandé à l'Etat d'engager la procédure de reconnaissance de biens vacants et sans maître à la suite de diverses tentatives de la ville de contacter la SCI du Vallon de la Louve, restées vaines ; qu'entre 1972 et 1993, la société a éludé toutes les obligations du propriétaire et, notamment, n'a pas acquitté les impôts fonciers afférents à la propriété des terrains ; qu'en dépit des mesures de publicité dont a fait l'objet l'arrêté du 28 juillet 1993, la société ne s'est pas manifestée pour s'opposer à la mise en oeuvre de cette procédure ; qu'à la suite de l'appropriation des parcelles par l'Etat, elle s'est abstenue de revendiquer sa propriété durant 15 années, sans fournir la moindre explication de son silence ; qu'enfin, s'agissant de la période durant laquelle la société n'aurait pas été immatriculée et aucune mesure de publicité ne lui était imposée permettant aux tiers de constater son existence, la SCI du Vallon de la Louve ne produit aucune pièce, tels que compte-rendu d'assemblée générale, comptes annuels, déclarations fiscales, de nature à justifier qu'elle avait toujours une existence juridique ;

10. Considérant que, compte tenu de la contestation sérieuse de l'administration sur l'existence même de la société en 1993 et, le cas échéant, entre 2002 et 2008, il appartient à la SCI du Vallon de la Louve de démontrer que la société ayant acquis les parcelles litigieuses en 1972 n'a pas cessé d'exister jusqu'au 13 mars 2008 et que l'adoption, à cette date, de nouveaux statuts et leur enregistrement au registre du commerce et des sociétés n'a pas fait naître une personne juridique nouvelle, distincte de la société du même nom créée antérieurement ; que, faute de rapporter cette preuve, la SCI du Vallon de la Louve ne justifie pas d'une qualité lui conférant un intérêt à agir ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI du Vallon de la Louve n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 28 juillet 1993 et, par suite, de la décision du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du 8 janvier 2009 ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter également ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du jugement du tribunal administratif de Marseille du 5 décembre 2011 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées en première instance par la SCI du Vallon de la Louve et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du Vallon de la Louve et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA00455
Date de la décision : 07/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Droits civils et individuels - Droit de propriété - Actes des autorités administratives concernant les biens privés.

Procédure - Introduction de l'instance - Intérêt pour agir - Absence d'intérêt.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Expiration des délais - Existence ou absence d'une forclusion.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Vincent L'HÔTE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : FOURGEOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-01-07;12ma00455 ?
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