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02/02/2016 | FRANCE | N°14MA02557

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 02 février 2016, 14MA02557


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2013 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 1308170 du 20 février 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. E....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2014, M. E..., représenté par Me

B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 f...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2013 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 1308170 du 20 février 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. E....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2014, M. E..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 février 2014 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté préfectoral du 31 juillet 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant droit au travail dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le signataire de l'arrêté était incompétent pour rejeter une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " dès lors qu'il est rattaché au ministère de l'intérieur et non au ministère chargé de l'emploi ;

- l'arrêté est entaché d'erreur de droit en ce qu'il est fondé sur l'absence de contrat de travail visé par l'autorité compétente et de visa de long séjour ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges au prix d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, il démontre sa présence ininterrompue sur le territoire français depuis 2006 ;

- le refus de séjour porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré d'une substitution de base légale en ce que le refus de séjour portant la mention " salarié " peut être légalement fondé, pour ce qui concerne le motif tenant à l'absence de visa de long séjour, non pas sur le seul article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, mais sur la combinaison des articles 3 et 9 de cet accord avec l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 avril 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chanon, premier conseiller.

1. Considérant que, par jugement du 20 février 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. E..., de nationalité marocaine, tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2013 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ; que M. E... relève appel de ce jugement ;

2. Considérant, en premier lieu, que par arrêté n° 2013189-0033 du 8 juillet 2013, publié au recueil des actes administratifs du lendemain, le préfet des Bouches-du-Rhône a donné délégation de signature à M. A... C..., attaché principal, chef de bureau au service de l'immigration et de l'intégration, pour signer les refus de séjour, obligations de quitter le territoire français, décisions relatives au délai de départ volontaire et décisions fixant le pays de destination ; que, par suite, celui-ci était compétent pour signer l'arrêté contesté alors même que M. E... avait sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " et que M. C... est rattaché au ministère de l'intérieur et non au ministère chargé de l'emploi, dès lors que les services de ce dernier sont placés, pour l'exercice des missions relatives à l'instruction des demandes d'autorisations de travail, sous l'autorité du préfet de département ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France pour une durée d'un an au minimum (...) reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an, renouvelable et portant la mention "salarié " (...) " ; qu'aux termes de l'article 9 de cet accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord " ; qu'enfin aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ;

4. Considérant que les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain n'imposent pas, par elles mêmes, l'obligation de disposer d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois pour la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ; qu'en opposant une telle condition sur ce fondement, le préfet a entaché le refus de séjour d'une erreur de droit ;

5. Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait du être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

6. Considérant qu'il résulte de la combinaison des textes cités au point 3 que la délivrance à un ressortissant marocain du titre de séjour portant la mention " salarié " prévu à l'article 3 de l'accord franco-marocain est subordonnée, d'une part, en vertu de son article 9, à la condition, prévue à l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tenant à la production par ce ressortissant d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois, et, d'autre part, à la présentation d'un contrat de travail visé par les services en charge de l'emploi ; que M. E... ne conteste pas qu'il n'était pas titulaire d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; qu'il y a lieu, dès lors, de procéder à une substitution de base légale, sur laquelle l'intéressé a été mis à même de présenter des observations et qui ne le prive d'aucune garantie ; qu'ainsi le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement, pour ce seul motif, refuser à l'intéressé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ; que, si le préfet a commis une seconde erreur de droit en opposant également l'absence d'un contrat de travail visé par les services déconcentrés de l'administration du travail et de l'emploi alors qu'il lui appartenait de transmettre lui-même à ces services, qui relèvent de son autorité ainsi qu'il a été dit au point 2, le contrat de travail qui lui était présenté par l'intéressé, il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision de refus s'il s'était seulement fondé sur l'absence de visa de long séjour ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant qu'à supposer même établie la circonstance que M. E... se serait maintenu en France de manière ininterrompue depuis l'année 2006, l'intéressé, né le 1er janvier 1972, est célibataire sans enfant et a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-quatre ans dans son pays d'origine ; qu'il n'invoque dans l'instance aucun lien à caractère privé ou familial sur le territoire français et n'allègue pas être dépourvu d'attaches au Maroc ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la durée et des conditions de séjour en France de M. E..., quand bien même un employeur souhaiterait lui proposer un contrat à durée indéterminée en qualité d'ouvrier agricole, le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ; que, par conséquent, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;

9. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que, compte tenu de tout ce qui a été dit précédemment, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de M. E... ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que, par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lascar, président,

- M. Chanon, premier conseiller

- Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 2 février 2016.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA02557
Date de la décision : 02/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : GONAND

Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-02-02;14ma02557 ?
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