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21/04/2017 | FRANCE | N°16MA00557

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 21 avril 2017, 16MA00557


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... épouse B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 mai 2015 par lequel le préfet des Hautes-Alpes a refusé de procéder au renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1508492 du 15 décembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistr

ée le 12 février 2016, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... épouse B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 mai 2015 par lequel le préfet des Hautes-Alpes a refusé de procéder au renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1508492 du 15 décembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 février 2016, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 décembre 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté préfectoral du 18 mai 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hautes-Alpes, sous astreinte, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement attaqué ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le signataire de l'arrêté préfectoral ne justifie pas d'une délégation de signature ;

- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivés ;

- ces deux décisions méconnaissent le droit au procès équitable dans les instances civiles en cours ;

- le refus de séjour comporte une erreur de fait sur l'absence de communauté de vie ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des violences conjugales subies ;

- le préfet ne l'a pas interrogée sur sa situation personnelle alors qu'elle pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salariée ;

- en ne statuant pas sur ce dernier fondement, l'administration a méconnu le 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de séjour porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale, en violation du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle remplit les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour de sorte que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit ;

- cette mesure comporte une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences d'une exceptionnelle gravité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2016, le préfet des Hautes-Alpes conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chanon, premier conseiller.

1. Considérant que, par jugement du 15 décembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme C..., de nationalité algérienne, tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mai 2015 par lequel le préfet des Hautes-Alpes a refusé de procéder au premier renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré en qualité de conjoint d'un ressortissant français pour la période du 13 janvier 2014 au 12 janvier 2015, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi ; que Mme C... relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité du refus de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 2. au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...). Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2. ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux (...). 5. au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, que les moyens tirés de l'absence de justification de la délégation de signature du signataire de l'arrêté préfectoral et de l'insuffisance de motivation du refus de séjour doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que la légalité d'un refus de séjour s'apprécie à la date à laquelle il a été pris, et non à la date de la demande de l'étranger ; que Mme C... ne conteste pas qu'à la date du 18 mai 2015, la communauté de vie avec son époux avait cessé à la suite du dépôt par ce dernier, le 31 décembre 2014, d'une requête en divorce ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait dans l'application du 2. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, que les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France ; que si une ressortissante algérienne ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au renouvellement du titre de séjour lorsque l'étranger a subi des violences conjugales et que la communauté de vie a été rompue, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, et notamment des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation ; qu'il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressée ;

6. Considérant que, par ordonnance du 6 février 2015, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Gap a rejeté la demande de Mme C... tendant à la mise en oeuvre de mesures de protection à raison des violences conjugales qu'elle aurait subies, au motif que celles-ci n'étaient pas établies et que les déclarations de l'intéressée étaient incohérentes ; que le certificat médical du 23 décembre 2014, relatif à une consultation du 28 juin 2014, et celui du 2 janvier 2015 ainsi que la plainte déposée auprès des services de police par Mme C... le 5 janvier 2015 ne permettent pas, à eux-seuls, d'imputer les blessures légères constatées à des violences conjugales alors que son mari a alerté à plusieurs reprises à partir du mois de décembre 2014 les autorités administratives et judiciaires du comportement provocateur de son épouse et indiqué notamment que la plaie à la tête de celle-ci résultait d'une auto-mutilation ; qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante, née le 10 janvier 1988, s'est mariée en Algérie le 23 septembre 2012 et ne séjourne sur le territoire français que depuis le 3 octobre 2013 ; qu'elle n'a pas d'enfant et n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme C... dans le cadre d'une mesure de régularisation ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent et quand bien même elle disposerait d'une promesse d'embauche, Mme C... ne peut sérieusement soutenir que le refus de séjour porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale, en violation du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

8. Considérant, en cinquième lieu, que Mme C... a demandé uniquement le premier renouvellement de son certificat de résidence sur le fondement de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que le préfet n'était pas tenu d'examiner d'office si elle pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur un autre fondement ou de l'interroger sur ce point ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'intéressée pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salariée ne peut être accueilli ; qu'il s'ensuit que, en tout état de cause, doit être écarté comme inopérant le moyen tenant à ce que, en ne statuant pas sur ce dernier fondement, le refus de séjour méconnaîtrait le 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant, en sixième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) " ; qu'il résulte de ces stipulations que par principe, les décisions de justice sont rendues de manière contradictoire, c'est-à-dire en présence des parties ou des personnes habilitées à les représenter ; qu'ainsi toute personne ayant un intérêt à défendre doit pouvoir être présente ou valablement représentée lors du procès ; qu'il ne résulte toutefois pas des éléments versés au débat que Mme C... se trouverait, du fait du refus de séjour, qui n'emporte au demeurant pas, par lui-même, éloignement du territoire français, dans l'incapacité d'être ponctuellement présente sous couvert d'un visa de court séjour ou d'être représentée devant les juridictions saisies de la demande de divorce de son époux ou, le cas échéant, de la plainte évoquée au point 6 ; que, par conséquent, le moyen tiré de la violation du droit à un procès équitable tel que consacré par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...). / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) " ;

11. Considérant que la mesure d'éloignement contestée a été opposée à Mme C... à la suite d'un refus de séjour ; qu'il résulte des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'avait pas, dans cette hypothèse, à faire l'objet d'une motivation distincte du refus de séjour, lequel, comme il a été dit au point 3, est suffisamment motivé ;

12. Considérant qu'indépendamment de l'énumération, donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une telle mesure que si l'étranger se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsqu'un accord international stipule que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement forcée ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit sur le refus de séjour, lequel n'est pas entaché d'illégalité, que Mme C... ne relève pas des cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut être accueilli ;

14. Considérant que, pour les mêmes raisons qu'en ce qui concerne le refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas le droit au procès équitable ;

15. Considérant que, au regard de l'ensemble des éléments qui ont été précédemment évoqués, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait apprécié de façon manifestement erronée les conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation de Mme C... ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 18 mai 2015 ; que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :

17. Considérant que dès lors que le présent arrêt rejette la demande d'annulation du jugement du 15 décembre 2015, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C...épouse B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet Hautes-Alpes.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement,

- M. Chanon, premier conseiller,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 21 avril 2017.

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N° 16MA00557

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA00557
Date de la décision : 21/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : SAIEB

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-04-21;16ma00557 ?
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