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17/12/2018 | FRANCE | N°18MA00312

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 17 décembre 2018, 18MA00312


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...I...épouse J...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.

Par un jugement n° 1705930 du 20 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1

8 janvier 2018, MmeJ..., représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...I...épouse J...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.

Par un jugement n° 1705930 du 20 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2018, MmeJ..., représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 décembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône à titre principal de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et à titre subsidiaire, de lui octroyer un délai de deux ans pour exécuter la mesure d'éloignement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas suffisamment motivé les raisons pour lesquelles il a écarté le moyen tiré du défaut de motivation de la décision de refus de séjour ;

- la décision de refus de séjour a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- la fraude n'est pas démontrée ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- en prévoyant que les décisions portant obligation de quitter le territoire français n'ont pas à être motivées si elles assortissent une décision de refus de séjour, la loi du 16 juin 2011 a méconnu la directive 2008/115/CE ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision lui octroyant un délai de trente jours pour quitter la France est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeJ..., de nationalité cap-verdienne, relève appel du jugement du 20 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient MmeJ..., le tribunal administratif a expressément et suffisamment répondu au moyen tiré du défaut de motivation de la décision de refus de séjour. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les moyens de légalité externe communs dirigés contre la décision de refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé, au nom du préfet des Bouches-du-Rhône, par M. D...B..., adjoint au chef du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile de la préfecture des Bouches-du-Rhône, titulaire d'une délégation de signature à l'effet de signer " les refus de séjour, obligations de quitter le territoire, décisions relatives au délai de départ volontaire (...) et décisions fixant le pays de destination (...) " accordée par l'arrêté du 21 mars 2017 de M. G...E..., préfet des Bouches-du-Rhône, portant délégation de signature à M. C...H..., directeur des migrations, de l'intégration et de la nationalité, régulièrement publié le 24 mars 2017 au recueil des actes administratifs de l'État dans le département des Bouches-du-Rhône. Le moyen tiré de ce que l'arrêté a été signé par une autorité incompétente doit, dès lors, être écarté comme manquant en fait.

4. En second lieu, l'arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, qui vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment son article 8 et les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne les conditions d'entrée et de séjour en France de la requérante et décrit sa situation familiale. Le préfet a ainsi indiqué les éléments de droit et de fait sur lesquels il s'est fondé pour prendre ses décisions. L'arrêté est ainsi suffisamment motivé en fait et en droit.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision de refus de séjour :

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

6. S'il appartient à l'autorité administrative de tenir compte de manoeuvres frauduleuses avérées qui, en raison notamment de leur nature, de leur durée et des circonstances dans lesquelles la fraude a été commise, sont susceptibles d'influer sur son appréciation, elle ne saurait se dispenser de prendre en compte les circonstances propres à la vie privée et familiale de l'intéressé postérieures à ces manoeuvres au motif qu'elles se rapporteraient à une période entachée par la fraude. D'autre part, il incombe au juge administratif, pour apprécier la réalité du séjour de l'étranger et la consistance de ses liens personnels et familiaux pour l'application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, d'apprécier l'ensemble des pièces produites par l'intéressé, en tenant compte de la nature particulière des documents produits sous couvert d'une usurpation d'identité.

7. La requérante déclare être entrée en France le 25 octobre 2009 sous couvert d'un passeport pour rejoindre son mari. Elle a sollicité le 12 mai 2010 son admission au séjour en qualité de membre de famille d'un ressortissant européen en se prévalant de ce que son mari était né à Lisbonne et était de nationalité portugaise. Il ressort des pièces du dossier que son époux, sur présentation d'une carte nationale d'identité portugaise falsifiée, a obtenu, le 19 août 2002, la délivrance d'une carte de résident en qualité de ressortissant de l'Union européenne valable jusqu'au 18 août 2012. La requérante n'établit pas que son prétendu illettrisme ne lui a pas permis de comprendre le sens et la portée des renseignements qui lui ont été demandés lors de l'examen de sa demande de carte de résident. Elle a ainsi volontairement dissimulé des éléments relatifs à la nationalité de son époux dont la connaissance était susceptible d'avoir une incidence sur ses droits à la délivrance d'un certificat de résidence valable dix ans. Il appartenait au préfet de prendre toutefois en compte les circonstances propres à la vie privée et familiale de Mme J...postérieures à ses manoeuvres ayant permis le 1er décembre 2010 l'obtention d'une carte de résident valable jusqu'au 11 mars 2020, sans écarter par principe certains éléments au motif qu'ils se rapporteraient à une période entachée par la fraude.

8. La requérante est entrée en octobre 2009 en France. Son époux a fait l'objet, par décision du 16 mars 2015 du préfet des Bouches-du-Rhône, d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire. Le couple a trois enfants, nés pour les deux premiers en 1996 et en 2001 au Cap-Vert et le troisième en 2012 en France. La circonstance que l'aînée, arrivée en France en 2012, soit titulaire d'une carte de séjour " étudiant ", et que la plus jeune des trois enfants, née en France, soit scolarisée n'ouvre pas par elle-même droit au séjour. Le couple ne démontre pas ne plus avoir d'attaches au Cap-Vert, pays dans lequel réside d'ailleurs leur deuxième enfant. Dans ces conditions, Mme J...n'établit pas, malgré la signature le 16 janvier 2014 d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, avoir constitué le centre de ses intérêts privés et familiaux en France. Par suite, le préfet, qui a examiné l'ensemble de la vie privée et familiale de la requérante au regard de tous les éléments produits, n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, lorsqu'une obligation de quitter le territoire français assortit un refus de séjour, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique. Par suite, les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne dispense pas de toute motivation la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne sont pas incompatibles avec celles de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008.

10. En deuxième lieu, la décision de refus de séjour n'étant pas entachée des illégalités invoquées, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale.

11. En troisième et dernier lieu, il convient d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8.

En ce qui concerne la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours :

12. Compte tenu de ce qui a été exposé au point 8 et en l'absence de circonstance particulière, la décision refusant d'octroyer à Mme J...un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme J...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions présentées à cette fin par la requérante doivent, par suite, être rejetées.

Sur les conclusions subsidiaires tendant à l'octroi par la Cour d'un délai de départ volontaire supérieur de deux ans :

15. Il n'appartient pas, en tout état de cause, au juge de l'excès de pouvoir de réformer les décisions dont il est saisi de la légalité. Par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme J... au titre des frais d'instance non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme J...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...I...épouse J...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2018, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2018.

2

N° 18MA00312


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00312
Date de la décision : 17/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : LENDO

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-17;18ma00312 ?
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