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28/01/2019 | FRANCE | N°18MA02832

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 28 janvier 2019, 18MA02832


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler les arrêtés du 26 avril 2018 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a prononcé son transfert aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile, et décidé de l'assigner à résidence pour une durée de vingt-cinq jours jusqu'à son départ et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône d'examiner sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1803410 du 30 avril 2018, le tribunal administratif

de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler les arrêtés du 26 avril 2018 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a prononcé son transfert aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile, et décidé de l'assigner à résidence pour une durée de vingt-cinq jours jusqu'à son départ et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône d'examiner sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1803410 du 30 avril 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 15 juin 2018, le 6 juillet 2018 et le 26 novembre 2018, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 avril 2018 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 26 avril 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile permettant de voir enregistrer sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros, à verser à son conseil, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de l'arrêté portant remise aux autorités italiennes :

- cet arrêté est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les articles 9 et 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- il méconnaît les articles 4 et 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il a été pris en violation des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation et d'une erreur de droit en ne procédant pas à un examen complet et rigoureux de la situation en Italie ;

S'agissant de l'illégalité de la décision d'assignation à résidence :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'arrêté portant transfert vers l'Italie.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement UE n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... Grimaud, rapporteur ;

- et les observations de Me C..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen né le 1er septembre 1992, est entré sur le sol français le 4 octobre 2017. Il a sollicité peu après la reconnaissance du statut de réfugié auprès du préfet des Bouches-du-Rhône qui a saisi, le 16 novembre 2017, les autorités italiennes d'une demande de prise en charge en application de l'article 18 1.b du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dit " Dublin III ". Une décision implicite d'acceptation est intervenue le 1er décembre 2017 en application de l'article 25.2 du même règlement. Par deux arrêtés du 26 avril 2018, le préfet a, d'une part, prononcé le transfert de l'intéressé aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile, et, d'autre part, décidé de l'assigner à résidence dans le département pour une durée de vingt-cinq jours, son départ devant intervenir au plus tard le 21 mai 2018. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de ces mesures par un jugement du 30 avril 2018.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de transfert aux autorités italiennes :

2. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". En cas d'acceptation de l'Etat membre ainsi requis, l'Etat membre requérant prend, en vertu de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013, une décision de transfert, notifiée au demandeur, à l'encontre de laquelle ce dernier dispose d'un droit de recours effectif, en vertu de l'article 27, paragraphe 1, du même règlement. Aux termes du paragraphe 3 du même article : " Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les États membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national : / a) le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l'État membre concerné en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision (...) ". Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 29 du règlement en cause que le transfert du demandeur doit s'effectuer au plus tard, dans un délai de six mois, à défaut de quoi : " l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant ". Ce même article prévoit que : " ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois maximum si la personne concernée prend la fuite ".

3. L'introduction d'un recours contre la décision de transfert, sur le fondement du I de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être regardé comme interrompant le délai de six mois prévu par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 jusqu'à la notification du jugement du tribunal administratif. Ce délai court, de nouveau, à compter de la date de la dernière notification de ce jugement, l'appel, dépourvu de caractère suspensif, n'ayant pas pour effet d'interrompre ce nouveau délai.

4. Il ressort des pièces du dossier que le délai de six mois imparti à l'administration pour procéder au transfert de M. B... à compter de la décision d'acceptation des autorités italiennes a été interrompu par la présentation, le 26 avril 2018, de la demande de l'intéressé devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation de la décision de transfert en litige. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, ce délai a recommencé à courir à compter de la date de la dernière notification du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a statué sur la demande, soit à compter du 23 mai 2018. Si le préfet des Bouches-du-Rhône produit devant la Cour un document d'information relatif à la prolongation des délais de transfert, ce document ne mentionne à ce titre que l'introduction de la demande de première instance devant le tribunal administratif de Marseille, à l'exclusion de tout motif tenant à un éventuel emprisonnement ou à une éventuelle fuite de M. B.... Le présent appel n'ayant pu avoir quant à lui pour effet, ainsi qu'il vient d'être dit, de suspendre le cours du délai de six mois imparti à l'administration pour procéder au transfert et aucune des parties ne faisant valoir que M. B... aurait été effectivement remis aux autorités italiennes, l'arrêté de transfert en litige est devenu caduc à la date du 23 novembre 2018. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de cet arrêté.

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

5. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations du public avec l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

6. En premier lieu, l'arrêté assignant M. B... à résidence mentionne les articles L. 561-1 à L. 561-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que l'intéressé présente des garanties propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à la mesure décidant son transfert aux autorités italiennes dans l'attente de l'exécution de celle-ci. M. B... n'est dès lors pas fondé à soutenir que cet arrêté, qui mentionne les éléments de fait et de droit sur lequel il repose, serait insuffisamment motivé.

7. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant en excipant de l'illégalité de l'arrêté de remise aux autorités italiennes, ce dernier, qui vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que les articles L. 741-1 et L. 742-2 à L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que sa situation entre dans les précisions de l'article 18 1 b) du règlement du 26 juin 2013, est suffisamment motivé.

8. En troisième lieu, l'article 9 du règlement n° 603/2013 dispose : " chaque État membre relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque demandeur d'une protection internationale âgé de 14 ans au moins et la transmet au système central dès que possible et au plus tard 72 heures suivant l'introduction de la demande de protection internationale telle que définie à l'article 20, paragraphe 2, du règlement (UE) no 604/2013, accompagnée des données visées à l'article 11, points b) à g) du présent règlement. Le non-respect du délai de 72 heures n'exonère pas les États membres de l'obligation de relever et de transmettre les empreintes digitales au système central. Lorsque l'état des doigts ne permet pas de relever des empreintes digitales d'une qualité suffisante pour une comparaison appropriée au titre de l'article 25, l'État membre d'origine procède à un nouveau relevé des empreintes digitales du demandeur et le retransmet dès que possible et au plus tard 48 heures suivant ledit relevé de bonne qualité ".

9. Le relevé des empreintes de M. B... a été effectué le 25 octobre 2017, soit le jour même de la présentation de la demande de protection internationale du requérant et le résultat de cette mesure a été transmis ce même jour au système central prévu par les dispositions précitées. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions par la décision de transfert doit donc en tout état de cause être écarté.

10. En quatrième lieu, à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Il s'ensuit que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français refuse l'admission provisoire au séjour à un demandeur d'asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Droit à l'information : 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. (...) ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier que les informations mentionnées par l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ont été transmises à M. B..., lors de sa demande d'asile, sous la forme de deux brochures les récapitulant. Par ailleurs, l'entretien prévu par les dispositions précitées a été conduit le 25 octobre 2017. M. B... n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision de transfert serait intervenue aux termes d'une procédure irrégulière.

13. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône s'est livré à un examen de la situation personnelle du requérant. Le moyen tiré de l'erreur de droit soulevé sur ce point doit dès lors être écarté.

14. En septième lieu, l'article 17 du règlement UE n° 604/2013 dispose : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

15. Si M. B... fait valoir qu'il est atteint d'une tuberculose qui fait l'objet d'un suivi médical en France, qu'il a subi des représailles en Guinée en raison de son activité politique, qui a conduit à l'assassinat de membres de sa famille et d'amis, et que son épouse a été victime de violences sexuelles lors de son parcours depuis ce pays, sans avoir pu bénéficier d'une prise en charge adaptée de sa situation en Italie, il ne ressort pas des pièces qu'il produit, constituées de son " récit de vie ", de clichés photographiques, ainsi que d'articles de presse à portée générale, qu'il ne pourrait bénéficier d'une telle prise en charge en cas de retour en Italie, tant en ce qui concerne son état de santé qu'en ce qui concerne la possibilité de présenter une demande de protection internationale et de jouir des aides ou secours y afférents. Il n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur de droit ou une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions qui précèdent en décidant son transfert aux autorités italiennes.

16. En huitième lieu, aux termes de l'article 3 paragraphe 2 du règlement n° 604/2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ".

17. Si, ainsi qu'il a été dit au point 15 ci-dessus, le requérant invoque l'absence de prise en charge juridique et médicale adaptée en Italie et soutient que la situation prévalant dans ce pays s'opposait à son transfert, il ne ressort pas des pièces versées aux débats que les conditions d'examen de sa demande d'asile l'exposeraient au risque d'une défaillance systémique de cet Etat dans la conduite de cette procédure, ni que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas examiné cette question. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

18. En neuvième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

19. Si M. B... fait état d'actes racistes et violents subis en Italie, il ne produit aucune pièce qui permettrait d'étayer son témoignage, lequel n'est pas de nature, à lui seul, à établir l'existence de risques de traitements inhumains et dégradants dont il se prévaut en cas de retour en Italie. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à exciper de la violation, par l'arrêté de transfert pris à son encontre, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

20. En dixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

21. Il ressort des pièces du dossier que l'épouse du requérant a fait l'objet d'un arrêté de transfert aux autorités italiennes, pris le même jour que la décision attaquée. Par ailleurs, alors que les époux ne disposent d'aucune famille en France et n'y sont pas durablement insérés, M. B... n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où résident encore ses quatre enfants. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à contester, que ce soit directement ou par voie d'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert aujourd'hui devenu caduc, la décision l'assignant à résidence. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

23. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

24. Si le constat de la caducité de l'arrêté du 26 avril 2018, qui constitue le soutien nécessaire du non-lieu à statuer prononcé par la présente ordonnance n'implique pas nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour, elle implique, à tout le moins, par l'effet des dispositions précitées de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013, que le préfet des Bouches-du-Rhône ou le préfet territorialement compétent au regard du lieu de résidence actuel de l'intéressé, enregistre la demande d'asile de M. B..., en application des articles L. 741-1 et L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, il y a lieu, en application des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône ou au préfet territorialement compétent au regard du lieu de résidence actuel, de faire droit à la demande en ce sens de M. B... dans un délai de trois jours à compter de sa présentation à l'autorité compétente. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

25. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que le conseil de M. B... a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône prescrivant son transfert aux autorités italiennes.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône ou, le cas échéant, au préfet territorialement compétent au regard du lieu de résidence actuel de l'intéressé, de faire droit à la demande de M. B... en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile, dans un délai de trois jours à compter de sa présentation à l'autorité compétente.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2019, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur,

- M. D... Grimaud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 janvier 2019.

2

N° 18MA02832


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA02832
Date de la décision : 28/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : PLANTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-01-28;18ma02832 ?
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