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04/11/2019 | FRANCE | N°18MA04722

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 04 novembre 2019, 18MA04722


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 19 février 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1801260 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

P

ar une requête, enregistrée le 6 novembre 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 19 février 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1801260 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 juin 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 février 2018 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", " entrepreneur/profession libérale " ou " salarié " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

s'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la compétence du signataire de cette décision n'est pas établie ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation personnelle ;

- la décision querellée est entachée d'erreur de fait s'agissant du lieu de résidence de sa mère ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est privée de base légale à raison de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

s'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est privée de base légale à raison de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 29 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 28 juin 2019.

Un mémoire, présenté pour M. A..., a été enregistré le 11 octobre 2019.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 26 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.

S'agissant de la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

3. Le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée de défaut d'examen réel et complet de la demande n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé.

4. Il ressort des pièces du dossier que, dans une attestation établie le 12 janvier 2017, la mère de l'appelant a informé le préfet de l'Hérault que, étant " handicapée à 80 % ", son fils Ahmed prenait soin d'elle et que, avec l'assentiment du conseil départemental, elle le rémunérait en qualité d'aide à domicile dans le cadre du dispositif d'allocation personnalisée d'autonomie (APA), en précisant que, pour des raisons de " santé médicale ", ils habitaient " ensemble ", en mentionnant une adresse qui correspond à celle de sa fille, laquelle réside à Juvignac. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait été avisé, postérieurement à la transmission de cette attestation, d'une évolution de cette situation. Ainsi, alors même que Mme A... est détentrice d'un bail locatif pour un logement situé à Montpellier, lequel logement est au demeurant occupé par le requérant, sa femme et leurs trois enfants, c'est sans commettre d'erreur de fait que le préfet a indiqué dans la décision querellée que celle-ci " n'est pas isolée sur le territoire national puisqu'y résident deux fils et une fille et qu'elle est hébergée chez cette dernière ".

5. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : (...) / 3° Pour l'exercice d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention " entrepreneur/ profession libérale ". (...) ". Et aux termes de l'article R. 313-1 du même code : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'une première carte de séjour doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées à l'article R. 311-2-2, les pièces suivantes : (...) / 2° Sauf stipulation contraire d'une convention internationale applicable en France, un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois autre que celui mentionné au 3° de l'article R. 311-3 ; (...) ".

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., qui est entré pour la dernière fois en France le 23 août 2017 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de courte durée se serait vu délivrer par la suite un visa d'une durée supérieure à trois mois. En l'absence de stipulation contraire d'une convention internationale applicable en France, le préfet a pu légalement se fonder sur ce motif pour refuser à l'intéressé la délivrance du titre de séjour portant la mention " commerçant " qu'il sollicitait, alors même que serait avérée l'allégation selon laquelle l'activité du salon de coiffure dont il assure la gérance serait économiquement viable et qu'elle pourrait lui procurer des revenus suffisants.

7. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L 313-2.".

8. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

9. Ni la production par M. A... d'une promesse d'embauche en qualité de coiffeur dans la société familiale, ni le fait qu'il justifie d'une expérience en matière de gouvernance d'entreprises, ni même la circonstance selon laquelle sa soeur Mina a été directement concernée par l'événement terroriste survenu à Nice le 14 juillet 2016 et qu'il s'estime personnellement " victime par ricochet " de cet attentat ne relèvent de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels tels qu'ils puissent révéler que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui délivrant pas un titre de séjour par la mise en oeuvre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.

10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7°A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

11. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

S'agissant de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. Le présent arrêt rejette les conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation de la décision portant refus d'admission au séjour. Par suite, le moyen tiré par la voie de l'exception du défaut de fondement légal de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

13. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les juges de première instance.

S'agissant de la légalité de la décision fixant le pays de destination :

14. Le présent arrêt rejette les conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation de la décision portant refus d'admission au séjour ainsi que celles tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré, par la voie de l'exception, du défaut de fondement légal de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 novembre 2019.

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N° 18MA04722

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04722
Date de la décision : 04/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : COUPARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-11-04;18ma04722 ?
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