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17/03/2020 | FRANCE | N°19MA01076

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 17 mars 2020, 19MA01076


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les décisions du 20 novembre 2018 par lesquelles le préfet du Gard a refusé de renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français et d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à venir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, s

ubsidiairement, de procéder au réexamen de sa demande dans le même délai et s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les décisions du 20 novembre 2018 par lesquelles le préfet du Gard a refusé de renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français et d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à venir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa demande dans le même délai et sous la même astreinte et de la munir, durant ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Par un jugement n° 1804050 du 19 février 2019, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les décisions du 20 novembre 2018 par lesquelles le préfet du Gard a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français et enjoint au préfet du Gard de délivrer une carte de séjour temporaire à Mme A... épouse B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 mars 2019 et le 28 mai 2019, le préfet du Gard demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 19 février 2019.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il viole le caractère contradictoire de l'instruction, le principe des droits de la défense et le droit à un procès équitable ;

- les moyens invoqués par Mme A... devant le tribunal administratif et devant la Cour ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés le 6 mai 2019 et le 6 février 2020, Mme A..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du préfet du Gard la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en première instance non compris dans les dépens et la somme de 1 200 euros, sur le même fondement, au titre des frais exposés dans l'instance d'appel et non compris dans les dépens.

Elle soutient que c'est à juste titre que les premiers juges ont annulé l'arrêté du préfet du Gard du 20 novembre 2018 dès lors que :

- la décision de refus de renouvellement de titre de séjour a été signée par une autorité incompétente ;

- les décisions litigieuses méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. F... pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... ;

- et les observations de Me E..., substituant Me D..., représentant Mme A... épouse B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... épouse B..., ressortissante indonésienne née en 1982, est entrée en France le 24 septembre 2013, munie d'un visa de court séjour, en compagnie de son époux, de nationalité française, et de leur fille, née en 2005 en Indonésie de nationalité française et indonésienne. Elle a été titulaire, à compter du mois de juin 2014, d'une carte de séjour temporaire, en qualité de parent d'enfant français, régulièrement renouvelée à deux reprises et dont elle a de nouveau sollicité le renouvellement le 10 octobre 2017. Le préfet du Gard relève appel du jugement du 19 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé les décisions du 20 novembre 2018 par lesquelles il a refusé de renouveler le titre de séjour de

Mme A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " l'instruction des affaires est contradictoire (...) " et aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ".

3. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les pièces produites par le demandeur de première instance et enregistré au tribunal administratif de Nîmes le 28 janvier 2019, dont l'inventaire était joint à un mémoire enregistré le même jour, ont été communiquées au préfet du Gard, défendeur, et, d'autre part, les premiers juges ont tenu compte de ces pièces pour rendre le jugement attaqué. Ainsi, le jugement du tribunal administratif de Nîmes en date du 19 février 2019 est entaché d'irrégularité et doit, dès lors, être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... épouse B... devant le tribunal administratif de Nîmes.

Sur la légalité de la décision du préfet du Gard refusant de renouveler le titre de séjour de Mme A... et l'obligeant à quitter le territoire français :

5. En premier lieu, par un arrêté n° 30-2018-08-27-003 du 27 août 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de l'Etat dans ce département n° 30-2018-113 du même jour, le préfet du Gard a donné délégation à M. François Lalanne, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département du Gard, à l'exception de certaines matières au nombre desquelles ne figurent pas les décisions attaquées. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige doit donc être écarté.

6. En deuxième lieu, d'une part, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

" 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " et aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, d'autre part, : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France en septembre 2013 avec son époux et sa fille, ces derniers y ayant résidé jusqu'en juillet 2016, date à laquelle M. B..., époux de la requérante, est retourné en Indonésie accompagné de sa fille, qui y réside depuis lors et est scolarisée au CNED. Mme A... soutient que la décision prise par son époux de retourner vivre en Indonésie avec sa fille a été prise sans qu'elle ait été en mesure d'y consentir pleinement, du fait de la pression psychologique exercée sur elle par son époux, et qu'elle souhaite obtenir le divorce pour pouvoir entreprendre les démarches nécessaires au rapatriement en France de sa fille pour y vivre auprès d'elle. Toutefois, si elle a déposé au début de l'année 2020 une requête en divorce, elle n'établit ni même n'allègue avoir entrepris de quelconques démarches afin d'entamer cette procédure de divorce et d'obtenir la garde de son enfant, ni n'a déposé de plainte pour enlèvement d'enfant à la date de la décision attaquée. Dans ces conditions, s'il ressort des pièces du dossier qu'elle a maintenu un lien avec sa fille à l'entretien et à l'éducation de laquelle elle participe pleinement, notamment grâce aux visites qu'elle lui rend en Indonésie, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette dernière devrait nécessairement vivre en France, ni que la requérante ne pourrait résider en Indonésie pour se rapprocher de sa fille, dont il n'est pas établi, par ailleurs, qu'elle résiderait en Indonésie avec son père contre son gré, et y serait en danger ou en difficulté, et qu'il serait en conséquence dans son intérêt supérieur de maintenir sa résidence en France. En outre, si Mme A... a développé avec sa belle-famille française des liens forts, il ressort des pièces du dossier qu'elle conserve des liens solides avec sa mère et son frère qui résident en Indonésie, pays où elle a vécu jusqu'à l'âge de 31 ans. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier qu'elle est bien intégrée en France où elle occupe le même emploi, où elle donne entière satisfaction et où elle a noué des liens professionnels chaleureux, depuis 2015, et qu'elle assure bénévolement des fonctions au sein des associations Action contre la faim et Alphabétisation, de tels éléments ne permettent pas de considérer que le centre de ses liens privés se situe en France. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Gard a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris les décisions attaquées, qu'il n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences de ses décisions sur sa situation personnelle.

8. En dernier lieu, Mme A..., qui n'établit pas l'illégalité de la décision du 20 novembre 2018 refusant son admission au séjour, n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de celle l'obligeant à quitter le territoire français.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 20 novembre 2018 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

10. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A..., n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de Mme A... aux fins d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes demandées par la requérante au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1804050 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : La demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Nîmes et le surplus de ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... A... épouse B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience publique du 3 mars 2020, où siégeaient :

- M. F..., président,

- M. Ury, premier conseiller,

- Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique le 17 mars 2020.

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N° 19MA01076


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01076
Date de la décision : 17/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur ?: Mme Thérèse RENAULT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : DALANÇON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-17;19ma01076 ?
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