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31/10/2022 | FRANCE | N°19MA05327

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 31 octobre 2022, 19MA05327


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Triverio Construction a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune d'Antibes à lui restituer la somme de 10 944,52 euros correspondant à des pénalités de retard qui lui avaient été infligées, puis, à titre principal, de condamner in solidum la commune d'Antibes, la société Artelia Ville et Transport, la société Veolia eau - Compagnie générale des eaux, la société GRDF et la société SFR Fibre SAS à lui payer la somme totale de 714

183,93 euros hors taxes, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée et assortie des i...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Triverio Construction a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune d'Antibes à lui restituer la somme de 10 944,52 euros correspondant à des pénalités de retard qui lui avaient été infligées, puis, à titre principal, de condamner in solidum la commune d'Antibes, la société Artelia Ville et Transport, la société Veolia eau - Compagnie générale des eaux, la société GRDF et la société SFR Fibre SAS à lui payer la somme totale de 714 183,93 euros hors taxes, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée et assortie des intérêts moratoires capitalisés à compter du 22 janvier 2014, au titre du paiement du solde du marché et en réparation du préjudice subi lors du chantier du réaménagement du boulevard Wilson à Antibes, ainsi qu'une somme de 7 945,12 euros hors taxes, également augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée et assortie des intérêts moratoires capitalisés à compter du 22 janvier 2014 au titre des frais financiers ou, à titre subsidiaire, de condamner la société Artelia Ville et Transport, la société Veolia eau - Compagnie générale des eaux, la société GRDF et la société SFR Fibre SAS à lui payer les mêmes sommes.

Par un jugement n° 1500529 du 27 septembre 2019, le tribunal administratif de Nice a, en premier lieu, jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la société Triverio Construction relatives aux pénalités de retard ; il a, en deuxième lieu, condamné la commune d'Antibes à payer à la société Triverio Construction une somme de 12 500 euros hors taxes majorée de la taxe sur la valeur ajoutée et assortie des intérêts moratoires au taux contractuel, avec capitalisation des intérêts ; il a, en troisième lieu, condamné la société Veolia eau - Compagnie générale des eaux à payer à la société Triverio Construction une somme de 29 960 euros, majorée de la taxe sur la valeur ajoutée et assortie des intérêts moratoires au taux légal avec capitalisation annuelle à compter du 31 août 2018 ; il a, en quatrième et dernier lieu, condamné la société SFR Fibre à payer à la société Triverio Construction une somme de 10 829 euros hors taxes, également majorée de la taxe sur la valeur ajoutée et assortie des intérêts moratoires au taux légal avec capitalisation annuelle à compter du 31 août 2018.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 décembre 2019 et un mémoire récapitulatif enregistré le 30 novembre 2020, la société Triverio Construction, représentée par Me Coppinger, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes et en tant qu'il a mis à sa charge certaines sommes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de prescrire une expertise en vue d'apprécier les responsabilités et d'évaluer les préjudices subis ;

3°) de condamner in solidum la commune d'Antibes, la société Artelia Ville et Transport, la société Veolia eau - Compagnie générale des eaux, la société GRDF et la société SFR Fibre SAS à lui payer la somme de 714 183,93 euros hors taxes outre les frais financiers pour une somme de 7 945,12 euros hors taxes " au titre du solde du décompte du marché du lot n° 1 " ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner in solidum la société Artelia Ville et Transport, la société Veolia eau - Compagnie générale des eaux, la société GRDF et la société SFR Fibre SAS à lui payer la somme de 714 183,93 euros hors taxes outre les frais financiers pour une somme de 7 945,12 euros hors taxes " au titre du solde du décompte du marché du lot n° 1 " ;

5°) de majorer ces condamnations du montant de la taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des intérêts moratoires à compter du 22 janvier 2014, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;

6°) de mettre à la charge in solidum de la commune d'Antibes, de la société Artelia Ville et Transport, de la société Veolia eau - Compagnie générale des eaux, de la société GRDF et de la société SFR Fibre SAS la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

- le tribunal administratif a omis de statuer sur sa demande tendant à ce que soit prescrite une mesure d'instruction avant dire droit ;

- le maître d'ouvrage a manqué à son obligation de contrôle et de direction des contrats en n'exigeant pas du maître d'œuvre qu'il établisse le calendrier détaillé prévu par l'article 6.1 du cahier des clauses administratives particulières ;

- l'ordre donné à la société Paysages Méditerranéens, titulaire du lot n° 4 du marché, de démarrer ses travaux à compter du 20 septembre 2012 pour une période de sept semaines, ne la mettait pas à même de démarrer l'exécution des travaux du lot n° 1 dans les délais qui s'imposaient à elle ;

- le jugement est entaché d'une contradiction des motifs en ce qu'après avoir considéré, dans son point 5, que la commune était responsable de l'ajournement des travaux pendant les congés de Noël, il retient dans son point 9 l'absence totale de faute de la commune s'agissant du report de la date de fin des travaux du 7 décembre 2012 au 22 janvier 2013 ;

- le maître de l'ouvrage doit offrir à l'entrepreneur les conditions nécessaires à la bonne exécution de ses travaux et répond des modifications qu'il apporte au contrat et de ses fautes ;

- le maître d'œuvre est responsable des conséquences dommageables de l'absence d'établissement du calendrier détaillé d'exécution ;

- elle doit être indemnisée par la société GRDF des conséquences des retards causés par celle-ci ;

- c'est à tort et sans motivation que le tribunal administratif a mis à sa charge deux sommes de 1 500 et 1 000 euros à verser à la société Artelia et à la société GRDF ;

- le maître d'œuvre n'est pas étranger à la défaillance de l'interface avec les concessionnaires ;

- si le jugement doit être confirmé s'agissant du retard imputé aux fautes de la société Veolia, les premiers juges ont sous-évalué le montant du préjudice imputable à ce retard ;

- le retard imputable aux fautes de la société Numéricable est de douze jours ouvrés et non de sept jours ouvrés ;

- les moyens présentés à l'appui des appels incidents des autres parties sont infondés ;

- elle a le droit d'obtenir une rémunération au titre des travaux supplémentaires dont la réalisation a été prescrite par ordre de service ;

- elle a droit d'obtenir une indemnisation des coûts causés par l'interruption prolongée du chantier, comme le prévoit l'article 49.1.1 du cahier des clauses administratives générales ;

- le maître d'ouvrage a commis une faute contractuelle en acceptant certaines demandes imposées par les concessionnaires ;

- le maître d'ouvrage doit l'indemniser des conséquences des fautes du maître d'œuvre, des locateurs d'ouvrage et des concessionnaires dès lors que celles-ci ont constitué des sujétions imprévisibles et ont bouleversé l'économie du contrat ;

- les actions quasi-délictuelles qu'elle présente contre les autres participants à l'opération de travaux publics relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre administratif, en l'absence de convention de droit privé la liant à ces participants ;

- aucun retard ne lui étant imputable, elle doit être déchargée de toute pénalité de retard ;

- elle justifie suffisamment du préjudice décrit dans ses deux mémoires de réclamation, et est disposée à ce qu'une expertise soit prescrite ;

- elle a droit à l'actualisation des indemnités demandées ;

- elle a droit à être indemnisée des frais financiers afférents aux dépenses qu'elle a dû engager ;

- elle a droit à ce que les sommes versées soient majorées de la taxe sur la valeur ajoutée au taux en vigueur au moment de leur encaissement ;

- elle a droit aux intérêts moratoires à compter du 21 janvier 2014.

Par trois mémoires en défense enregistrés le 11 février 2020, le 29 octobre 2020 et le 6 janvier 2021, la société Artelia, anciennement dénommée Artelia Ville et Transport, représentée par la SCP Preel, Hecquet, Payet-Godel, demande à la Cour :

1°) à titre principal, de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a considéré que la société Artelia avait commis une faute ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter les sommes dues à la société Triverio Construction par le maître d'ouvrage à la somme totale de 750 755,87 euros hors taxes ;

3°) à titre subsidiaire, si elle était condamnée, de condamner la société Triverio Construction, la commune d'Antibes, la société Veolia, la société GRDF et la société Numéricable à la relever et garantir de toute condamnation ;

4°) en tout état de cause, de rejeter la demande présentée à son encontre sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de mettre à la charge de la société Triverio Construction une somme de 7 000 euros à lui verser à ce même titre.

La société Artelia soutient que :

- sa responsabilité ne peut être engagée ;

- les moyens dirigés contre elle sont infondés ;

- les retards sont imputables aux concessionnaires de travaux publics et aux entreprises attributaires.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 mars 2020, la société en commandite par actions Veolia, représentée par la SCP de Angelis, Semidei, Vuillquez, Habart-Melki, Bardon, de Angelis, demande à la Cour :

1°) par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 4 du jugement qui l'a condamnée à payer à la société Triverio Construction une somme de 29 960 euros hors taxes, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée au taux applicable et des intérêts moratoires au taux légal à compter du 31 août 2017, et de rejeter la demande présentée à son encontre par la société Triverio Construction ;

2°) puis, à titre principal, de rejeter toute conclusion présentée à son encontre et de rejeter la demande d'expertise présentée par la société Triverio Construction ;

3°) ou, à titre subsidiaire, de condamner les sociétés Triverio Construction et Artelia à la relever et garantir en principal, frais et accessoires, de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la société Triverio Construction ou de tout succombant une somme de 10 000 euros à lui payer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Veolia soutient que :

- elle n'a commis aucune faute ;

- son retard de quatre jours en janvier n'a pas bloqué le chantier ;

- la société Triverio Construction ne justifie aucunement du montant de l'indemnisation sollicitée ;

- elle ne justifie pas non plus d'un lien de causalité direct et certain entre les fautes prétendues et les condamnations sollicitées ;

- l'expertise sollicitée est inutile ;

- la société Triverio Construction et la société Artelia ont commis elles-mêmes des fautes ;

- aucune somme ne pouvait être mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 12 mai 2020 et le 28 janvier 2021, la société anonyme GRDF, représentée par la SCP Riva et associés, demande à la Cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à la décision de la Cour s'agissant de la demande de désignation d'un expert judiciaire, de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les demandes présentées à son encontre, de rejeter toute demande dirigée contre elle et de mettre à la charge de la société Triverio Construction une somme de 5 000 euros à lui payer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société GRDF soutient que :

- elle n'a commis aucune faute ;

- elle n'a pas de lien contractuel avec la société Triverio Construction ;

- le retard de la société Triverio Construction résulte de son propre fait.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2020, la commune d'Antibes, représentée par Me Alonso Garcia, demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête d'appel de la société Triverio Construction et, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement en tant qu'il a retenu sa responsabilité s'agissant de la somme de 12 500 euros hors taxes au titre de l'ajournement des travaux du 22 décembre 2012 au 2 janvier 2013 ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la société Artelia à la garantir des éventuelles sommes supplémentaires allouées à la société Triverio Construction du fait de l'allongement de la durée des travaux ;

3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la société Triverio Construction ou de toute autre partie succombante la somme de 5 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune d'Antibes soutient que :

- les moyens de la requête d'appel sont infondés ;

- la demande d'expertise judiciaire, présentée pour la première fois en appel, est irrecevable ;

- cette demande est inutile ;

- la responsabilité du maître de l'ouvrage dans l'exercice de sa mission de contrôle et de surveillance n'est engagée qu'en cas de faute lourde ;

- l'interruption du chantier pendant les congés de Noël n'est pas de son fait et ne révèle aucune faute ;

- elle ne saurait être tenue responsable des décisions et défaillances du maître d'œuvre ;

- la société Triverio Construction était contractuellement réputée avoir une parfaite connaissance des contraintes du chantier ;

- la demande tendant à l'indemnisation des conséquences des retards imputables aux concessionnaires ne peut être dirigée contre elle ;

- elle n'a commis aucune faute ;

- ce sont les négligences et fautes de la société Triverio Construction qui ont conduit à un allongement de la durée du chantier ;

- sa responsabilité contractuelle sans faute au titre des sujétions imprévues ne peut être engagée, les difficultés ne présentant pas un caractère technique et n'étant ni imprévisibles, ni extérieures aux parties, ni exceptionnelles ;

- la présence des souches ne bloquait pas les travaux ;

- la théorie de l'imprévision ne peut être invoquée ;

- la société Triverio Construction a surévalué son préjudice ;

- si elle devait être condamnée, il y aurait lieu de condamner la société Artelia à la relever et garantir de toute condamnation comme tenu des fautes commises dans la conduite de sa mission de maître d'œuvre.

Par ordonnance du 3 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 février 2021 à midi.

Par lettre du 20 septembre 2022, la Cour a informé les parties que l'arrêt à intervenir était susceptible de se fonder sur trois moyens d'ordre public, tirés :

- de l'irrecevabilité, pour défaut d'intérêt à faire appel, des conclusions d'appel incident présentées par la société Artelia contre les motifs du jugement, qui rejette intégralement les demandes présentées contre cette société ;

- de l'irrecevabilité, nul ne plaidant par procureur, des conclusions d'appel présentées par la société Artelia et sollicitant la limitation de la condamnation du maître d'ouvrage ;

- de ce que la responsabilité de la société Veolia Eau, concessionnaire de réseau public, est susceptible d'être engagée vis-à-vis de la société Triverio Construction, tiers à la canalisation qui s'est percée, même en l'absence de faute de sa part.

Par une lettre et un mémoire enregistrés le 22 septembre 2022, la société Artelia a répondu aux deux premiers moyens d'ordre public soulevés en présentant un mémoire récapitulatif " précisant [ses] demandes ". Ce mémoire a été communiqué aux parties qui ont été informées de ce que cette communication, ayant lieu dans le cadre de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, n'avait pas pour effet de rouvrir l'instruction.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- les observations de Me Coppinger pour la société Triverio Construction,

- les observations de Me Sérégé, substituant Me Alonso Garcia pour la commune d'Antibes,

- les observations de Me de Oliveira pour la société Artelia,

- les observations de Me Boyvineau pour la société Veolia Eau,

- et les observations de Me Cadet pour la société GRDF.

Considérant ce qui suit :

1. Par contrat en date du 9 mai 2012, la commune d'Antibes a confié à la société Triverio Construction le lot n° 1, relatif aux prestations de maçonnerie et réseaux divers, d'un marché public ayant pour objet le réaménagement du boulevard Wilson, sous maîtrise d'œuvre de la société Sogreah Consultants, aux droits et obligations de laquelle vient la société Artelia Ville et Transport. Le 12 juin 2014, la commune d'Antibes a notifié à la société Triverio Construction le décompte général du marché. La société a alors présenté un mémoire de réclamation, auquel la commune n'a pas répondu, puis a saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à la condamnation de la commune à lui payer une somme complémentaire de 714 183,93 euros hors taxes, ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée et les intérêts moratoires capitalisés à compter du 22 janvier 2014, au titre du règlement du solde du marché, ainsi qu'une somme de 7 945,12 euros hors taxes, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts moratoires capitalisés à la date du 22 janvier 2014 au titre des frais financiers. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif, après avoir jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la société contestant l'application de pénalités de retard, qui lui avaient été restituées, a condamné la commune, sur un fondement contractuel, à payer à la société une somme de 12 500 euros hors taxes, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée au taux applicable et des intérêts contractuels à compter du 13 juillet 2014, ces intérêts étant capitalisés annuellement à la date du 23 novembre 2015. Le tribunal administratif a par ailleurs condamné, sur un fondement quasi-délictuel, la société Veolia eau - Compagnie générale des eaux à payer à la société Triverio Construction une somme de 29 960 euros hors taxes, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée au taux applicable et des intérêts moratoires au taux légal à compter du 31 août 2017. Le tribunal administratif a, ensuite, condamné la société SFR Fibre à payer à la société Triverio Construction une somme de 10 829 euros hors taxes, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée au taux applicable et des intérêts moratoires au taux légal à compter du 31 août 2017, avec capitalisation annuelle à compter du 31 août 2018. La société Triverio Construction relève appel du jugement en tant qu'il rejette le surplus de ses demandes. Par la voie de l'appel incident, la commune d'Antibes et la société Veolia contestent chacune le jugement en tant qu'il les condamne à payer une somme à la société Triverio Construction.

1. Sur l'appel de la société Triverio Construction :

1.1. En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

1.1.1. S'agissant de l'omission à statuer :

2. Il ne ressort pas de l'examen des écritures présentées avant l'enrôlement de l'affaire en première instance par la société Triverio Construction que celle-ci aurait conclu à ce que les premiers juges prescrivent une expertise avant dire droit. Si, après avoir entendu les conclusions du rapporteur public, le conseil de la société a fait une observation en ce sens lors de l'audience, puis a produit une note en délibéré invitant la juridiction à prescrire une expertise, cette demande a été formulée après la clôture de l'instruction. Par ailleurs, cette note en délibéré ne comportait aucune circonstance de fait dont la société n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction, ni aucune circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. Les premiers juges n'étaient donc pas tenus de rouvrir l'instruction. Dès lors, et en tout état de cause, la société Triverio Construction n'est pas fondée à soutenir qu'ayant omis de statuer sur cette demande, le jugement serait irrégulier.

1.1.2. S'agissant de la contradiction dans les motifs :

3. La contradiction des motifs affecte le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et non sa régularité. La société appelante ne peut donc soutenir que les contradictions affectant le point 9 du jugement attaqué entacherait ce dernier d'irrégularité.

1.1.3. S'agissant de la motivation :

4. En estimant, par les points 55 et 56 du jugement attaqué, et après avoir rejeté les demandes présentées par la société Triverio Construction à l'encontre tant de la société Artelia Ville et Transport que de la société GRDF, qu' " il y a lieu de mettre à la charge de la société Triverio Construction la somme de 1 500 euros à verser à la société Artelia Ville et Transport au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens " et qu' " il y a enfin lieu de mettre à la charge de la société Triverio Construction et de la commune d'Antibes Juan-les-Pins la somme globale de 1 000 euros à verser à la société GRDF en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ", les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision.

1.1.4. S'agissant du non-lieu à statuer prononcé s'agissant des pénalités de retard :

5. Dans le point 2 du jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que, la commune ayant déchargé la société Triverio Construction des pénalités de retard qui lui avaient été infligées, il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande de la société sur ce point. Cette dernière, qui ne conteste pas ce motif, ne peut dès lors utilement remettre en cause à nouveau ces pénalités en appel.

1.2. En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

1.2.1. S'agissant de la responsabilité contractuelle pour faute du maître d'ouvrage :

1.2.1.1. Quant au droit applicable :

6. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à prix unitaires ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché, sur le terrain de la responsabilité contractuelle pour faute du maître de l'ouvrage, que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

7. Contrairement à ce que soutient la société appelante, il en résulte que le maître d'ouvrage n'a pas à indemniser les conséquences des retards pris par le chantier dans l'hypothèse où ce retard n'est pas imputable à une faute qu'il a commise.

1.2.1.2. Quant à l'absence de calendrier détaillé d'exécution :

8. Il résulte de l'article 6.1 du cahier des clauses administratives particulières commun aux quatre lots du marché public du réaménagement du boulevard Wilson qu'un " calendrier détaillé d'exécution est élaboré par le maître d'œuvre après consultation auprès des titulaires des différents lots et soumis au visa du pouvoir adjudicateur 10 jours au moins avant expiration de la période de préparation ". En ne s'assurant pas du respect, par le maître d'œuvre, de cette obligation, le maître d'ouvrage a commis une faute contractuelle. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la société Triverio Construction, qui ne s'est plainte de l'absence d'un tel calendrier ni en cours de chantier ni dans son mémoire de réclamation, aurait subi un préjudice en lien avec cette faute. Notamment, rien ne permet d'établir que les retards imputés aux concessionnaires des réseaux publics ou à l'entreprise Paysages Méditerranéens, attributaire du lot n° 4, qui avaient été dûment informés des dates de leurs interventions, auraient pu être évités si le maître d'œuvre avait établi un calendrier détaillé d'exécution.

1.2.1.3. Quant au retard de quatre jours dans la date de démarrage des travaux du lot n° 1 :

9. L'article 3 de l'acte d'engagement, qui constitue la pièce contractuelle prioritaire en application de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières commun aux différents lots du marché, prévoit que " le délai d'exécution part de la date fixée par l'ordre de service prescrivant de commencer les travaux ". L'ordre de service n° 1, pris en application de ces stipulations, a fixé la date de démarrage des travaux du lot n° 1 à la date du 24 septembre 2012. La société Triverio Construction ne justifie d'aucun droit à un démarrage des travaux au 20 septembre 2012.

1.2.1.4. Quant au retard dans la réalisation du lot n° 4 :

10. Il ressort du compte-rendu de chantier n° 9 en date du 26 septembre 2012 que, si l'entreprise Paysages Méditerranéens, titulaire du lot n° 4, a réalisé les travaux d'abattage des arbres du jeudi 20 au vendredi 21 septembre 2012, son sous-traitant l'entreprise Gandolfo, chargée du carottage et du dessouchage des arbres, n'est intervenue qu'à partir du mardi 25 septembre 2012, ce qui a empêché la mise en place du dévoiement de la circulation le lundi 24 septembre 2012 sur le premier secteur de travaux, retardant ainsi l'intervention de la société Triverio Construction. Toutefois, la société Triverio Construction, qui ne sollicite pas l'engagement de la responsabilité quasi-délictuelle de la société Paysages Méditerranéens ou celle de son sous-traitant, n'établit pas que le maître d'ouvrage aurait commis des fautes ayant contribué à ce retard. Elle n'établit notamment pas que la date de démarrage des travaux du lot n° 4, soit le 20 septembre 2012, aurait été trop tardive pour permettre une réalisation de l'ensemble des prestations avant la date du 24 septembre 2012.

1.2.1.5. Quant au report de la date de fin des travaux au 22 janvier 2013 :

11. Par ordre de service n° 2 du 7 décembre 2012, le maître d'œuvre a décidé la prolongation des travaux, dont la date d'achèvement a été reportée du 7 décembre 2012 au 10 janvier 2013. Par ordre de service n° 3 du 21 décembre 2012, le maître d'œuvre a décidé l'arrêt des travaux entre le samedi 22 décembre 2012 et le mercredi 2 janvier 2013, et le report de la date de fin des travaux à la date du 22 janvier 2013. Toutefois, ces décisions de report de la date de fin des travaux ne révèlent par elles-mêmes aucune faute du maître d'ouvrage. Par ailleurs, la décision d'ajournement des travaux pendant les congés de Noël n'a pas concouru au préjudice subi par la société, dès lors qu'il est constant que l'entreprise était fermée pendant les congés. Il en résulte que la société Triverio Construction n'identifie aucune faute du maître de l'ouvrage à cet égard.

1.2.1.6. Quant au retard accumulé par les concessionnaires des réseaux publics :

12. La circonstance que la commune d'Antibes " a accepté certaines des contraintes nouvelles imposées par les concessionnaires " ne révèle par elle-même aucune faute de sa part.

1.2.2. S'agissant de la responsabilité contractuelle sans faute du maître d'ouvrage :

1.2.2.1. Quant aux travaux supplémentaires :

13. Si la société Triverio Construction invoque, en des termes généraux, un droit à rémunération des travaux supplémentaires dont la réalisation lui a été prescrite par ordres de service, elle n'établit pas, ni même ne soutient, avoir réalisé des travaux supplémentaires par rapport à ceux prévus par son contrat. Elle ne justifie donc à ce titre d'aucun droit à obtenir une rémunération, ni même une indemnisation des dépenses utiles au titre de l'enrichissement sans cause de la commune.

1.2.2.2. Quant aux sujétions imprévues :

14. La responsabilité contractuelle sans faute encourue par le maître d'ouvrage à raison des difficultés qui ont pu résulter, pour son cocontractant, de sujétions imprévues ne peut être invoquée qu'à la condition que ces sujétions soient imprévisibles, exceptionnelles et extérieures aux parties.

15. Les difficultés invoquées par la société Triverio Construction, consécutives à des retards imputables notamment aux concessionnaires, et n'ayant pas excédé quelques dizaines de jours ouvrés, ne sont pas exceptionnelles. La société Triverio Construction ne peut donc invoquer ce fondement de responsabilité.

1.2.3. S'agissant de la responsabilité quasi-délictuelle du maître d'œuvre :

1.2.3.1. Quant à l'absence d'établissement du calendrier détaillé d'exécution :

16. Comme il a été dit ci-dessus, la société Triverio Construction n'établit pas, en tout état de cause, avoir subi un préjudice en lien avec la faute imputée au maître d'œuvre, et tenant à l'absence d'établissement d'un calendrier détaillé d'exécution.

1.2.3.2. Quant à l'absence d'anticipation des difficultés de circulation :

17. Si la société Triverio Construction soutient que le maître d'œuvre n'a pas correctement anticipé les impératifs de circulation, et notamment l'impossibilité de conserver une circulation à double sens, elle n'établit pas, ni même ne soutient sérieusement, que le planning initialement prévu par le maître d'œuvre était incompatible avec l'obligation, s'imposant aux entrepreneurs en vertu de l'article 1.2.7 du cahier des clauses techniques particulières commun aux quatre lots, de maintenir les circulations existantes, ce qui s'entendait comme une obligation de maintenir les deux sens de circulation.

1.2.3.3. Quant à la mise à pied d'œuvre des barres d'acier :

18. Si la société Triverio Construction soutient que le maître d'œuvre a commis une faute " s'agissant de la mise à pied d'œuvre des barres d'acier pour le nouveau réseau gaz et la lecture des pièces contractuelles (...) [qu'il] en a faite pour lui imposer irrégulièrement des travaux supplémentaires ", elle n'assortit pas ce moyen des précisions qui permettraient d'en apprécier le bien-fondé.

1.2.3.4. Quant à l'interfaçage avec les concessionnaires :

19. En soutenant d'une part, que " l'interface avec les concessionnaires s'est avérée (...) défaillante " et d'autre part que la société Artelia Ville et Transport, maître d'œuvre, " n'est pas étrangère " à cette défaillance, la société Triverio Construction n'établit, ni même ne caractérise précisément, une faute du maître d'œuvre, alors même qu'elle impute par ailleurs la responsabilité des retards aux concessionnaires eux-mêmes.

1.2.3.5. Quant à l'absence de prise en compte des plannings recalés :

20. En soutenant que la société Artelia Ville et Transport, maître d'œuvre, n'a jamais tenu compte des plannings recalés fixés par elle, la société Triverio Construction n'établit ni même n'identifie précisément une faute du maître d'œuvre.

1.2.3.6. Quant à la validation des pénalités de retard :

21. Si la société Triverio Construction soutient que la société Artelia Ville et Transport a validé des pénalités de retard qui ne correspondent à rien, il résulte de l'instruction qu'elle a été déchargée des pénalités, ce qui a conduit les premiers juges à constater un non-lieu à statuer sur ce point.

1.2.3.7. Quant au retard dans la date de démarrage des travaux du lot n° 1 :

22. Ainsi qu'il a été dit au point 9, la société Triverio Construction ne justifie d'aucun droit à un démarrage des travaux antérieur à la date du 24 septembre 2012. Elle n'établit donc aucune faute du maître d'œuvre à ce titre.

1.2.3.8. Quant au retard dans la réalisation du lot n° 4 :

23. Ainsi qu'il a été dit au point 10, la société Triverio Construction n'établit pas que la date de démarrage des travaux du lot n° 4, soit le 20 septembre 2012, aurait été trop tardive pour permettre une réalisation de l'ensemble des prestations avant la date du 24 septembre 2012. Elle n'établit donc aucune faute du maître d'œuvre à ce titre.

1.2.4. S'agissant de la responsabilité quasi-délictuelle de la société GRDF :

24. La société GRDF est intervenue sur le chantier non pas en qualité d'entreprise titulaire d'un marché public de travaux, mais en qualité de concessionnaire du service public de la distribution de gaz de ville. Toutefois, cette circonstance ne s'oppose pas à ce que sa responsabilité soit recherchée, par les entreprises de travaux, sur un terrain quasi-délictuel, à raison des fautes éventuelles qu'elle a commises, notamment dans l'hypothèse où elle n'a pas respecté ses engagements relatifs aux dates d'intervention.

25. Il ressort du compte rendu de chantier n° 18 du 28 novembre 2012 qu'à cette date, le maître d'œuvre a indiqué avoir, dès le 7 novembre 2012, demandé à la société GRDF un planning d'intervention pour ses branchements, et qu'il a " envoyé un courrier à GRDF afin que celle-ci se conforme au planning d'avancement du chantier ". A cette date toutefois, le représentant de la société GRDF a indiqué, suivant ce même compte rendu, ne pas être en mesure de modifier le planning des interventions, qui prévoyait une mise en gaz le 17 et le 18 décembre, une fin des branchements le 23 janvier 2013 et une suppression de l'ancien réseau le 29 janvier. A cette même occasion, le maître d'œuvre a indiqué qu'avec l'appui du maire d'Antibes, il contacterait la direction régionale de la société GRDF pour obtenir un renforcement des moyens engagés. Par ailleurs, il ressort du compte rendu de chantier n° 19 du 5 décembre 2012 que l'intervention de la société GRDF prévue les 5, 6 et 7 décembre 2012 n'a pu avoir lieu car les terrassements n'étaient pas prêts " suite aux intempéries du 30 novembre ". Enfin, il résulte du compte rendu de réunion de chantier n° 22 du 9 janvier 2013 que " l'intervention de GRDF prévue les 9, 10 et 14 janvier est décalée au 17, 22, 23 et 29 janvier 2013 (...) alors que son intervention devait s'achever le 22 janvier 2013 ", ce décalage de l'intervention de la société GRDF étant justifié par " le non basculement de la circulation en temps et en heure ". Il ne résulte toutefois pas de ces documents que la société GRDF aurait méconnu les engagements qu'elle avait pris, ni qu'elle aurait fait preuve de mauvaise volonté dans la programmation de ses interventions. Si la société Triverio Construction invoque la correspondance électronique en date du 7 décembre 2012 entre le maître d'œuvre et la commune d'Antibes, où le maître d'œuvre relevait que " les engagements du concessionnaire GRDF pris lors des réunions de préparation, concernant la réalisation par mise à disposition d'une équipe de soudage, n'ont jamais été suivis et ont donné lieu à de nombreux recalages durant la phase de travaux, jamais réellement respectés ", ces indications données par le maître d'œuvre sont insuffisamment circonstanciées pour caractériser une faute de la société GRDF, alors que, dans un courriel du 7 décembre 2012, M. A..., représentant la commune d'Antibes, écrivait au maître d'œuvre " que GRDF conteste vivement votre analyse sur la cause des retards qui leur seraient imputables ".

1.2.5. S'agissant de la responsabilité quasi-délictuelle de la société Numericable :

26. Dans le point 25 du jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que, faute pour la société Triverio Construction d'avoir contesté la fixation, par ordre de service, du retard imputable à l'intervention tardive de la société Numericable à sept jours ouvrés, soit neuf jours calendaires, le retard imputable à la faute de la société Numericable devait être limité à ce quantum, au lieu des douze jours ouvrés qu'elle revendiquait. La société Triverio Construction, qui se borne à soutenir, à nouveau, avoir subi un retard de douze jours de ce fait, sans critiquer le motif du jugement, n'apporte pas de contestation utile de ce dernier.

1.2.6. S'agissant des préjudices :

1.2.6.1. Quant à la durée du retard imputable aux sociétés Veolia et SFR Fibre :

27. Il ressort de l'ordre de service n° 1 prescrivant le démarrage des travaux que la fin du chantier avait initialement été fixée au 7 décembre 2012. Il ressort de la décision prononçant la réception des travaux que l'achèvement des travaux, réserves mises à part, est intervenu en date du 28 février 2013. L'allongement de la durée d'exécution des travaux s'établit donc à cent douze jours calendaires, ou à cent jours calendaires si l'on en déduit la période d'interruption du chantier entre le 22 décembre 2012 et le 2 janvier 2013, correspondant aux congés de Noël. Ces deux périodes de cent douze et cent jours calendaires comprennent respectivement un total de soixante dix huit et soixante quatorze jours ouvrés.

28. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Veolia et SFR Fibre, venant aux droits et obligations de la société Numericable, ne sont responsables des conséquences préjudiciables de ces retards qu'à hauteur, respectivement, de dix-neuf jours ouvrés (vingt-cinq jours calendaires), ainsi que l'ont déterminé les premiers juges, et de sept jours ouvrés (neuf jours calendaires).

1.2.6.2. Quant à la méthode de calcul du préjudice résultant de ces retards :

1.2.6.2.1. S'agissant de la perte de productivité sur le personnel mobilisé subie par jour ouvré de retard :

29. L'allongement de la durée d'intervention de la société Triverio Construction a conduit à une baisse de productivité de son personnel, résultant de l'allongement de la durée du chantier. La société Triverio Construction indique, sans être contredite par les sociétés Veolia Eau et SFR Fibre, les surcoûts en personnel qu'elle a dû supporter, en précisant les fonctions des différentes personnes mobilisées, et leurs coûts horaires. En fonction de ces éléments, la société a chiffré le surcoût en personnel subi à un total de 146 963 euros pour une durée de 9,8 semaines correspondant à quarante-neuf jours ouvrés, soit une moyenne de l'ordre de 3 000 euros par jour ouvré de retard. En revanche, la société Triverio Construction applique un coefficient de 20 %, dont la consistance n'est pas justifiée et qui inclut des bénéfices qui n'ont pas vocation à être indemnisés. Dans ces conditions, il y a lieu d'évaluer le préjudice résultant de la baisse de productivité du personnel à 3 000 euros hors taxes par jour ouvré de retard.

1.2.6.2.2. S'agissant de la perte de productivité sur le matériel mobilisé subie par jour ouvré de retard :

30. La prolongation de la durée d'intervention de la société Triverio Construction a conduit à une baisse de productivité de son matériel, résultant de l'allongement de la durée du chantier. La société Triverio Construction indique, sans être contredite par les sociétés Veolia Eau et SFR Fibre, les surcoûts en matériel qu'elle a dû supporter, en précisant les différents matériels mobilisés sur le chantier et leurs coûts de location. En fonction de ces éléments, la société a chiffré le surcoût en matériel subi à un total de 242 734,25 euros pour une durée de 9,8 semaines correspondant à quarante-neuf jours ouvrés, soit une moyenne de l'ordre de 4 950 euros par jour ouvré de retard. En revanche, la société Triverio Construction applique un coefficient de 20 %, dont la consistance n'est pas justifiée et qui inclue des bénéfices qui n'ont pas vocation à être indemnisés. Dans ces conditions, il y a lieu d'évaluer le préjudice résultant de la baisse de productivité du matériel à 4 950 euros hors taxes par jour ouvré de retard.

1.2.6.2.3. S'agissant des frais de chantier supportés par jour ouvré de retard :

31. L'allongement de la durée d'intervention de la société Triverio Construction a conduit la société à supporter des frais supplémentaires liés au maintien du chantier. La société évalue ces frais supplémentaires à la somme de totale de 99 939,60 euros hors taxes, somme correspondant à la mobilisation d'un chef de chantier pendant un total de quarante-neuf jours supplémentaires (49 jours x 470 euros), ainsi que d'un conducteur de travaux à mi-temps pendant un total de quarante-neuf jours (0,5 x 49 jours x 450 euros), au maintien de la base de vie comprenant bungalow, vestiaire et magasin (49 jours x 257,50 euros), au maintien des dispositifs de mise en sécurité comprenant barrières tôles, feux, signalisation, information et nettoyage (49 jours x 564,50 euros), à la mobilisation d'un topographe-projeteur pendant un jour par semaine pendant neuf semaines (9 x 450 euros) et à la mobilisation d'outillage et matériel d'installation pendant quarante jours (49 jours x 100 euros), le tout étant majoré de 20 % pour tenir compte des frais fixes et du bénéfice.

32. Les affirmations de la société Triverio Construction sur ces durées de mobilisation du chef de chantier et du conducteur de travaux, sur le coût journalier de cette mobilisation, sur la durée de mobilisation du topographe-projeteur et sur son coût journalier, sur la durée et le coût du maintien sur place des différents éléments du chantier ne font l'objet d'aucune contestation sérieuse des sociétés Veolia et SFR Fibre. Le maître d'œuvre, saisi de la réclamation de la société Triverio Construction, n'a pas non plus émis d'objection sur ce point.

33. En revanche, la société Triverio Construction ne justifie pas du coefficient de majoration de 20 %, dont elle indique qu'il a notamment vocation à couvrir le bénéfice, alors que celui-ci, ne représentant pas un préjudice subi, n'a pas vocation à être indemnisé.

34. En outre, si la fourniture et la pose d'un panneau d'information du chantier était déjà rémunérée par le prix unitaire référencé sous le numéro 102 au bordereau des prix unitaires, le montant demandé au titre du maintien des installations de chantier de 45 178 euros hors taxes pour quarante-neuf jours calendaires, au titre du matériel, [correspondant aux frais de maintien de la base de vie pour 49 x 257,50 euros, des dispositifs de mise en sécurité pour 49 x 564,50 euros et à la mobilisation d'outillage et matériel pour 49 x 100 euros, donc un montant total de 45 178 euros pour quarante-neuf jours ouvrés, soit un montant moyen de 922 euros par jour ouvré] est cohérent, en taux journalier, avec le prix forfaitaire référencé sous le numéro 101 au bordereau des prix unitaires, ce prix étant de 51 021,67 euros hors taxes pour les soixante-dix-sept jours calendaires de chantier initialement prévus, soit une moyenne comparable par jour ouvré. Il y a donc lieu de retenir la somme de 83 283 euros, comprenant à la fois le coût du maintien du chantier en matériel et en personnel, invoquée par la société à ce titre à raison de quarante-neuf jours ouvrés, soit une moyenne de 1 700 euros hors taxes par jour ouvré de retard.

1.2.6.2.4. S'agissant des frais supplémentaires d'astreinte supportés du fait des retards :

35. La société Triverio Construction sollicite une somme de 18 504 euros hors taxes au titre des frais supplémentaires d'astreinte supportés pendant la période de prolongation du chantier, y compris pendant les congés de Noël, correspondant à la rémunération accordée aux quatre personnes d'astreinte de nuit, au taux de 10 euros, pendant cinquante-neuf jours ouvrés (4 personnes x 59 jours x 10 euros), à celle accordée aux quatre personnes d'astreinte de week-end (4 personnes x 22 jours des week-end x 100 euros), à celle accordée aux quatre personnes d'astreinte pendant les vacances de Noël (4 personnes x 9 jours de congés x 100 euros de frais d'astreinte par jour), et à la rémunération d'une intervention de deux heures et demi le 14 décembre 2012 au taux horaire de 66 euros (4 personnes x 2,5 heures x 66 euros), le tout étant majoré de 20 % pour tenir compte des frais fixes et du bénéfice.

36. Les sociétés Veolia et SFR Fibre ne contestent pas le coût des astreintes indiqué par la société Triverio Construction dans son mémoire de réclamation, soit 10 euros par personne pour quatre personnes pour chaque soir et nuit de jour ouvré, et 100 euros par personne pour quatre personnes chaque jour de week-end.

37. La société Veolia, responsable d'un retard de dix-neuf jours ouvrés et six jours non ouvrés, doit donc indemniser la société Triverio Construction à hauteur de 790 euros hors taxes (19 x 10 + 6 x 100), et la société SFR Fibre, responsable d'un retard de sept jours ouvrés et deux jours non ouvrés, doit l'indemniser à hauteur de 270 euros hors taxes (7 x 10 + 2 x 100) à ce titre.

38. En revanche, compte tenu du retard total accumulé par le chantier, qui s'est achevé à la date du 28 février 2013 au lieu de prendre fin le 7 décembre 2012, les sociétés Veolia et Numericable, responsables respectivement, ainsi qu'il a été dit, de retards de vingt-cinq et neuf jours calendaires, n'ont pas à supporter les frais d'astreinte supportés pendant l'interruption des travaux lors des congés de Noël, dès lors que ces frais auraient en tout état de cause dû être supportés par la société en l'absence même de fautes des sociétés concessionnaires.

39. Comme il a été indiqué au point 33, la majoration de 20 %, qui inclut le bénéfice non indemnisable, n'est quant à elle pas justifiée dans son principe.

1.2.6.3. Quant à l'actualisation :

40. L'effet relatif des contrats s'oppose à ce que les stipulations du marché public conclu entre la commune d'Antibes et la société Triverio Construction relatives à l'actualisation puissent être opposées aux sociétés Veolia et SFR Fibre.

1.2.6.4. Quant aux frais financiers :

41. La société Triverio Construction ne justifie pas avoir supporté, comme elle le soutient, des frais financiers sur les dépenses supplémentaires qu'elle a dû exposées dans le cadre du chantier. Par ailleurs, à compter de la présentation du mémoire de réclamation par la société le 27 juillet 2014, le retard de paiement est réputé indemnisé par le paiement des intérêts moratoires au taux contractuel.

1.2.6.5. Quant au montant total hors taxes des indemnités :

42. Il résulte de ce qui précède que le montant de l'indemnité hors taxe au principal due par la société Veolia à la société Triverio Construction au titre du retard de dix-neuf jours ouvrés et six jours non ouvrés qu'elle lui a causé s'établit à 184 140 euros (19 jours ouvrés x [3 000 euros de coût de personnel + 4 950 euros de coût de matériel + 1 700 euros de frais de chantier] + 190 euros d'astreintes de soir et nuit + 600 euros d'astreintes de week-end), et que l'indemnité due par la société SFR Fibre à la société Triverio Construction s'élève à un total hors taxes de 67 820 euros (7 jours ouvrés x [3 000 euros de coût de personnel + 4 950 euros de coût de matériel + 1 700 euros de frais de chantier] + 70 euros d'astreintes de soir et nuit + 200 euros d'astreintes de week-end).

1.2.7. S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée :

43. En vertu de l'article 256 du code général des impôts, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée " les livraisons de biens et les prestations de services à titre onéreux ". Il en résulte que, si les indemnités reçues par un assujetti et qui correspondent exclusivement à la réparation d'un préjudice, sans constituer la contrepartie d'une prestation de service, n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, tel n'est pas le cas des indemnités qui constituent, comme en l'espèce, la contrepartie d'une prestation de service.

44. En vertu de l'article 269 du code général des impôts, le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en matière de prestation de service est la date de réalisation de la prestation. Il en résulte que le taux de TVA applicable est celui en vigueur à la date de la réalisation de la prestation, et non celui en vigueur à la date de l'encaissement qui détermine seulement son exigibilité.

45. Les prestations ayant été réalisées avant le 1er janvier 2014, le taux de TVA applicable était le taux de 19,6 %. Il en résulte que le montant toutes taxes comprises de l'indemnité due à la société Triverio Construction s'élève à 220 231,44 euros s'agissant de la société Veolia (1,196 x 184 140 euros) et de 81 112,72 euros s'agissant de Numericable (1,196 x 67 820 euros).

1.2.8. S'agissant des intérêts moratoires :

46. En vertu du c du 2 de l'article 269 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée n'est exigible qu'au moment de l'encaissement des sommes qui en sont grevées. Il en résulte que le bénéficiaire d'une condamnation assujettie à cette taxe, n'étant pas tenu de payer la taxe avant le moment du paiement de cette dernière, n'a pu, s'agissant du montant de la taxe, subir de préjudice financier lié à l'écoulement du temps. Les intérêts au taux légal dus sur les condamnations prononcées à l'encontre des tiers au contrat conclu par la société Triverio Construction doivent donc seulement, en l'absence de disposition législative ou réglementaire contraire, porter sur le montant hors taxes de la condamnation prononcée.

1.2.9. S'agissant des frais exposés en première instance et non compris dans les dépens :

47. Dans le cas où l'intégralité des demandes présentées par une partie au litige à l'encontre d'une autre partie est rejetée, et que cette dernière sollicite l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la partie requérante doit, pour l'application de ces dispositions, être considérée comme la partie perdante alors même qu'elle a obtenu gain de cause pour des demandes présentées à l'encontre d'autres parties. Il s'en suit que c'est à bon droit que le tribunal administratif a fait application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au détriment de la société Triverio Construction et au bénéfice des sociétés Artelia Ville et Transport et GRDF.

2. Sur la demande d'expertise présentée par la société Triverio Construction :

48. Compte tenu de la difficulté qu'aurait un expert à reconstituer les événements qui ont eu lieu en 2012, et de déterminer, notamment, quels moyens ont été effectivement immobilisés sur le chantier par la société, il n'y a pas lieu de prescrire l'expertise sollicitée. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune d'Antibes à cette demande de la société Triverio Construction, cette demande doit être rejetée.

3. Sur l'appel incident de la société Artelia :

49. L'appel ne pouvant tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué, sont irrecevables les conclusions dirigées contre les motifs du jugement. Les conclusions de la société Artelia tendant à la réformation du jugement en tant qu'il a considéré qu'elle avait commis une faute sont donc, dès lors qu'aucune condamnation n'a été prononcée à l'encontre d'Artelia, irrecevables.

50. Par ailleurs, la société Artelia est également dépourvue d'intérêt à demander, à titre subsidiaire et en lieu et place du maître d'ouvrage, que le montant des sommes dues à la société Triverio Construction par le maître d'ouvrage soit limité à 750 755,87 euros hors taxes.

4. Sur l'appel incident de la société Veolia :

4.1. En ce qui concerne la responsabilité de Veolia :

4.1.1. S'agissant du retard de quinze jours induit par la réparation de la fuite :

51. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. En outre, ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.

52. Par ailleurs, dans le cas où l'ouvrage est concédé, le concessionnaire est seul responsable, même en cas d'affermage, des dommages imputables au fonctionnement de l'ouvrage.

53. Il résulte de ce qui précède que, dès lors que la société Triverio Construction, qui a la qualité d'un tiers à la canalisation dont l'éclatement a retardé le chantier, établit l'existence d'un préjudice en lien avec un dommage accidentel découlant d'un ouvrage public, elle peut engager la responsabilité de la société Veolia sans avoir à démontrer l'existence d'une faute de cette dernière.

54. Il résulte de l'instruction que, le jeudi 4 octobre 2012 à 14 heures, les employés de la société Triverio Construction ont détecté une fuite sur une canalisation de 500 millimètres de diamètre faisant partie du réseau d'adduction d'eau potable nécessitant une intervention de la part de la société Veolia, concessionnaire. Le compte rendu de la réunion de chantier n° 11 en date du 10 octobre 2012 indique qu'" en plus de l'intervention en cours, une réparation plus lourde portant sur le remplacement de deux conduites 500 à âme tôle est prévue ", et que cette intervention " débuterait courant de semaine prochaine ". Il résulte des comptes rendus de chantier ultérieurs que l'intervention de la société Veolia n'a pris fin que le 31 octobre 2012. Par la suite, le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre ont décidé de prolonger le délai d'exécution des travaux du lot n° 1 d'un total de vingt-deux jours, dont quinze seraient imputables à la fuite d'eau et au retard pris par la société Veolia dans l'exécution des travaux de réparation de la canalisation.

55. La société Veolia, qui se borne à soutenir qu'" il s'agissait en réalité (...) d'une fuite d'eau ponctuelle, dont l'origine pourrait d'ailleurs provenir de l'absence de précaution prise par la société Triverio Construction lors des travaux de terrassement réalisés ", n'établit aucune faute exonératoire de la victime. Sa responsabilité sans faute doit donc être engagée à raison de ce retard.

4.1.2. S'agissant du retard de quatre jours imputable à Veolia :

56. Ainsi qu'il a été dit au point 24, la responsabilité quasi-délictuelle de la société Veolia peut être recherchée par les intervenants de l'opération de travaux publics alors même qu'elle n'était pas liée au maître de l'ouvrage par un contrat de marché public. Cette société, concessionnaire du service public de la distribution d'eau potable, est responsable des préjudices qui ont été causés par ses fautes éventuelles, notamment dans l'hypothèse où elle n'a pas tenu les engagements qu'elle avait souscrits quant aux dates de ses interventions.

56. Il résulte du compte rendu de la réunion de chantier n° 22 du 9 janvier 2013 qu'alors qu'elle s'était engagée, à l'occasion de la réunion de chantier du 19 décembre 2012, à intervenir sur la tranchée en partie haute du boulevard le lundi 7 janvier 2013, cette intervention n'a pu avoir lieu " car le personnel de Veolia est arrivé sur site le 8 janvier 2013 sans avoir les instructions pour effectuer les travaux " et car, à la date du 9 janvier 2013, les canalisations nécessaires aux travaux n'avaient pas été amenées sur le chantier. La société Veolia, qui n'a pas respecté l'engagement pris, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à raison du retard de quatre jours qui en a résulté.

57. La société Veolia ne peut utilement, pour affirmer que ce retard n'a pas bloqué le chantier, se prévaloir des termes du compte rendu de la réunion de chantier n° 11 en date du 10 octobre 2012, antérieur de trois mois aux faits fautifs qui lui sont reprochés.

4.1.3. S'agissant des autres fautes imputées à Veolia :

58. Si d'autres fautes, tenant à l'absence d'information donnée sur les réseaux existants ou sur le caractère mal-fondé d'une demande d'établissement d'une distance minimale entre les autres réseaux et la canalisation d'adduction d'eau potable, ont été reprochées à la société Veolia, la société Triverio Construction n'a invoqué aucun préjudice en lien avec ces fautes. La société Veolia ne peut donc utilement en contester l'existence.

4.2. En ce qui concerne l'appel en garantie dirigé contre la société Triverio Construction :

59. Le retard de dix-neuf jours ouvrés du chantier dont la société Veolia est responsable est sans lien avec les fautes imputées par cette dernière à la société Triverio Construction. Il en résulte que la société Veolia n'est pas fondée à demander la condamnation de celle-ci à la garantir de toute condamnation.

4.3. En ce qui concerne les frais du procès de première instance :

60. La société Veolia, qui avait la qualité de partie perdante, pouvait donc, contrairement à ce qu'elle soutient, être tenue au remboursement des frais exposés par la société Triverio Construction.

5. En ce qui concerne l'appel en garantie dirigé contre la société Artelia :

61. Le retard de dix-neuf jours ouvrés du chantier dont la société Veolia est responsable est sans lien avec les fautes imputées par cette dernière à la société Artelia. Il en résulte que la société Veolia n'est pas fondée à demander la condamnation de celle-ci à la garantir de toute condamnation. Dès lors, cet appel provoqué doit être rejeté.

6. Sur l'appel incident de la commune d'Antibes :

6.1. En ce qui concerne l'interruption des travaux lors des congés de Noël :

62. Contrairement à ce que soutient la commune d'Antibes, la responsabilité contractuelle du maître de l'ouvrage à raison des manquements commis dans l'exercice de ses pouvoirs de direction et de contrôle des marchés est engagée sur le terrain de la faute simple et non sur celui de la faute lourde. En tout état de cause, l'engagement de la responsabilité contractuelle prévu par l'article 49.1.1 du cahier des clauses administratives générales ne suppose aucune faute du maître de l'ouvrage.

63. En revanche, comme le soutient la commune d'Antibes, ne peuvent être regardées comme des décisions d'ajournement des travaux au sens de l'article 49.1.1 du cahier des clauses administratives générales les décisions qui se bornent à tirer les conséquences des retards du chantier.

64. En l'espèce, il résulte de l'ordre de service n° 2 du 7 décembre 2012 que, du fait des retards pris par le chantier, la date d'achèvement des travaux a été reportée, dans un premier temps, du 7 décembre 2012 au 10 janvier 2013. En réponse à cet ordre de service, qui ne prévoyait pas d'interruption pendant les fêtes, la société Triverio Construction s'est étonnée de ce qu'il n'avait pas été tenu compte de la demande du maître d'ouvrage de voir le chantier interrompu du 21 décembre 2012 au 2 janvier 2013. La commune d'Antibes soutient à ce titre, sans être contredite, que la société Triverio Construction avait elle-même sollicité cette interruption le 6 décembre 2012 compte tenu de ses dates de fermeture. Le maître d'œuvre a en conséquence, par l'ordre de service n° 3 en date du 21 décembre 2012, décidé l'interruption des travaux du samedi 22 décembre 2012 au mercredi 2 janvier 2013 inclus. Dans ces conditions, la décision prononçant l'interruption du chantier, qui a d'ailleurs été prise par le maître d'œuvre et non, comme le prévoit l'article 49.1.1, par le représentant du pouvoir adjudicateur, se borne à tirer les conséquences des retards de chantier tout en respectant les contraintes propres à l'entreprise. Elle ne peut donc être regardée comme une décision d'ajournement ouvrant droit à indemnisation de l'entrepreneur dans les conditions prévues par l'article 49.1.1.

65. Il résulte de ce qui précède que l'appel incident de la commune d'Antibes doit être accueilli, et que le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il condamne la commune d'Antibes et met une somme à la charge de celle-ci au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

6.2. En ce qui concerne la responsabilité des sociétés Veolia et SFR Fibre à raison de l'interruption des travaux à Noël :

66. Compte tenu du retard global pris par le chantier, qui s'est achevé le 28 février 2013 alors qu'il devait s'achever le 7 janvier 2013, les conséquences onéreuses de l'interruption du chantier pendant la période de Noël ne peuvent être regardées comme directement imputables aux retards induits par les fautes des sociétés Veolia ou Numericable. Il n'y a donc pas lieu, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, de mettre une somme à leur charge à ce titre.

7. Sur les frais liés au litige :

67. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit payée par la société Triverio Construction à la société Veolia, dès lors que la société Triverio Construction n'a pas la qualité de partie perdante dans le litige les opposant. Elles font également obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la commune d'Antibes, de la société Artelia et de la société GRDF, qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans les litiges les opposant à la société Triverio Construction.

68. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Veolia et de la société SFR Fibre deux sommes de 1 000 euros à verser à la société Triverio Construction en remboursement des frais exposés par celle-ci en appel et non compris dans les dépens.

69. Il n'y a, enfin, pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux autres demandes fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement attaqué, qui condamnent la commune d'Antibes à payer une somme de 12 500 euros hors taxes, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée et assortie des intérêts moratoires contractuels et de la capitalisation des intérêts, sont annulés.

Article 2 : Les demandes auxquelles ces articles font droit sont rejetées.

Article 3 : Le montant de la condamnation prononcée par l'article 4 du jugement attaqué, à l'encontre de la société Veolia et au bénéfice de la société Triverio Construction, soit la somme de 29 960 euros hors taxes majorée de la taxe sur la valeur ajoutée au taux applicable, est portée au montant hors taxes de 184 140 euros, majorée de la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 36 091,44 euros.

Article 4 : Le montant de la condamnation prononcée au précédent article sera assorti, pour son montant hors taxes, des intérêts moratoires au taux légal à compter du 31 août 2017 ainsi que de la capitalisation annuelle des intérêts à compter du 31 août 2008.

Article 5 : Le montant de la condamnation prononcée par l'article 5 du jugement attaqué, à l'encontre de la société SFR Fibre et au bénéfice de la société Triverio Construction, soit la somme de 10 829 euros hors taxes majorée de la taxe sur la valeur ajoutée au taux applicable, est portée au montant hors taxes de 67 820 euros, majorée de la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 13 292,72 euros.

Article 6 : Le montant de la condamnation prononcée au précédent article sera assorti, pour son montant hors taxes, des intérêts moratoires au taux légal à compter du 31 août 2017 ainsi que de la capitalisation annuelle des intérêts à compter du 31 août 2008.

Article 7 : Les articles 2, 4 et 5 du jugement attaqué sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 8 : L'article 7 du jugement attaqué est annulé en tant qu'il met à la charge de la commune d'Antibes une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 9 : La demande à laquelle cette disposition de l'article 7 du jugement fait droit est rejetée.

Article 10 : La société Veolia et la société SFR Fibre verseront chacune une somme de 1 000 euros à la société Triverio Construction en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 11 : Le surplus des conclusions de l'ensemble des parties est rejeté.

Article 12 : Le présent arrêt sera notifié à la société Triverio Construction, à la commune d'Antibes, à la société Veolia eau - compagnie générale des eaux, à la société SFR Fibre, à la société Artelia et à la société GRDF.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2022, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2022.

N° 19MA05327 2


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