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20/10/2023 | FRANCE | N°22MA02662

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 20 octobre 2023, 22MA02662


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 mars 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2203268 du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2022, sous le

n° 22MA02662, Mme B... A... épouse C..., représentée par Me Woimant, demande à la Cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 mars 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2203268 du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2022, sous le n° 22MA02662, Mme B... A... épouse C..., représentée par Me Woimant, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 septembre 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 mars 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreurs de fait ;

- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut de motivation ;

- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- le préfet a méconnu les stipulations des articles 41 et 51 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'arrêté en litige viole les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet aurait dû soumettre sa demande à la commission de titre de séjour en raison de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans en violation des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté contesté est entaché d'erreurs de fait ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marchessaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... épouse C..., née le 5 juin 1978 et de nationalité brésilienne déclare être entrée en France en octobre 2011. Elle a sollicité, le 29 juillet 2021, un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 17 mars 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... A... épouse C... relève appel du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 17 mars 2022.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Mme B... A... épouse C... reprend en appel les moyens tirés de la violation des stipulations des articles 41 et 51 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, il y a lieu d'écarter ces moyens, qui ne comportent aucun développement nouveau, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges.

3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. (...) ". Selon l'article L. 211-5 de ce même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

4. L'arrêté contesté mentionne les éléments de faits propres à la situation personnelle et familiale de Mme B... A... épouse C... et énonce l'ensemble des considérations de droit sur lesquelles il est fondé y compris le fondement juridique de la décision portant obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il vise l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, le préfet des Bouches-du-Rhône n'était pas tenu de mentionner dans cet arrêté l'ensemble des éléments relatifs à la situation de l'intéressée. Il est ainsi suffisamment motivé au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des motifs de l'arrêté en litige que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation de Mme B... A... épouse C....

6. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".

7. Mme B... A... épouse C... soutient résider en France depuis le 30 octobre 2011. Toutefois, les documents produits au titre des années 2011 à 2014 ne permettent pas d'établir qu'elle réside habituellement sur le territoire national depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté. En particulier, au titre de l'année 2011, elle ne verse au débat qu'un seul bail de location signé le 31 octobre, pour l'année 2012, une attestation d'assurance habitation, un pacte civil de solidarité, une facture d'achat de bijoux et deux factures de SFR, pour l'année 2013, un acte de mariage, trois relevés bancaires pour les mois de mars, juillet et novembre mentionnant peu d'opérations et deux factures SFR, pour l'année 2014, deux mandats cash, un courrier et des relevés bancaires des mois de mars et juin, ainsi que deux factures SFR. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'était pas tenu de saisir la commission de titre de séjour.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

9. Mme B... A... épouse C... soutient qu'elle réside en France depuis le mois d'octobre 2011 et qu'elle s'y est maintenue depuis cette date. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 7, elle n'établit pas sa présence habituelle sur le territoire national au titre des années 2011 à 2014. Il ressort des pièces du dossier et en particulier des documents produits devant la Cour que sa durée de séjour est justifiée à compter de l'année 2015 par des éléments suffisamment probants, notamment des relevés bancaires montrant de nombreuses opérations bancaires en France. En outre, elle a épousé le 13 décembre 2013, à Marseille, un ressortissant de nationalité française et a bénéficié à ce titre d'un titre de séjour du 7 juillet 2017 au 6 juillet 2018. Cependant, elle a déposé le 10 novembre 2020 une déclaration de main courante à l'encontre de son époux pour abandon de domicile conjugal depuis 5 ans. Ainsi, la communauté de vie a cessé en 2015. Dès lors, à la date de l'arrêté en litige, la requérante était séparée de son époux et sans charge de famille. Si Mme B... A... épouse C... établit exercer une activité de vente de cosmétiques, de vêtements et de massages en qualité de micro-entrepreneur depuis 2017, elle ne justifie pas, compte tenu de la faiblesse des revenus qu'elle perçoit dans ce cadre, d'une insertion professionnelle durable en France. Par ailleurs, l'appelante n'établit ni même n'allègue être dépourvue d'attache familiale dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 43 ans où résident ses parents et sa fratrie comme le fait valoir le préfet sans être contesté par la requérante. Dans ces conditions, et alors même qu'elle serait une personne transgenre régulièrement suivie par une association depuis 2016, eu égard à la durée de la présence en France de Mme B... A... épouse C... et à ses conditions de séjour, l'arrêté contesté n'a pas porté une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni violé les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, cet arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. Si le préfet des Bouches-du-Rhône a estimé à tort que Mme B... A... épouse C... n'établissait pas la continuité de son séjour depuis la rupture de la vie commune avec son ex-conjoint en 2015, il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision en se fondant sur les autres motifs de l'arrêté contesté tirés de cette rupture, de l'absence d'insertion sociale ou professionnelle, de ce qu'elle est séparée, sans enfant à charge et de démontre pas être dépourvue d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine.

11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger a l'obligation de s'assurer, au vu du dossier dont elle dispose et sous le contrôle du juge, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle est en droit de prendre en considération à cet effet les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou de la Cour nationale du droit d'asile ayant statué sur la demande d'asile du requérant, sans pour autant être liée par ces éléments.

12. Mme B... A... épouse C... soutient qu'elle serait, en raison de son identité transgenre, exposée à des risques de violences et de discriminations en cas de retour au Brésil. Toutefois, l'intéressée ne l'établit pas en se bornant à produire un rapport d'Amnesty International établi pour les années 2021/2022 et un article du journal Le Monde du 8 février 2021 faisant état, de manière générale, de la situation des personnes appartenant à la communauté LGBTI dans ce pays, ainsi que des discriminations, menaces et agressions physiques dont elles font l'objet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... A... épouse C... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mars 2022.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

14. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B... A... épouse C... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction de Mme B... A... épouse C....

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme B... A... épouse C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... A... épouse C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... A... épouse C... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2023, où siégeaient :

- Mme Vincent, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Marchessaux, première conseillère,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2023.

N° 22MA02662 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02662
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : MCL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-10-20;22ma02662 ?
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