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02/08/2012 | FRANCE | N°12NC00161

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 02 août 2012, 12NC00161


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 27 janvier 2012, présentée pour Mme Thi Phuong Thuy Nguyen épouse A, demeurant chez M. Dinh, ..., par Me Barbosa ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101949 en date du 10 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 octobre 2011 du préfet de l'Aube en ce qu'il a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'enjoindre

au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondemen...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 27 janvier 2012, présentée pour Mme Thi Phuong Thuy Nguyen épouse A, demeurant chez M. Dinh, ..., par Me Barbosa ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101949 en date du 10 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 octobre 2011 du préfet de l'Aube en ce qu'il a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme A soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- la décision de refus de séjour, qui comporte des formules stéréotypées ne faisant pas état de sa situation personnelle, n'est pas suffisamment motivée au regard de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

- elle est entachée d'un vice de procédure faute d'avoir été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour en application de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de l'Aube a méconnu l'article L. 313-11-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son mariage n'est pas encore dissous ;

- il a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où elle a tissé des liens personnels et familiaux importants en France où elle a travaillé régulièrement dans le département de l'Aube, et où elle y a rencontré M. Dinh, père de son enfant ;

- pour les mêmes raisons, le préfet de l'Aube a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité que la décision de refus de séjour comporte pour sa situation personnelle dès lors qu'elle a donné naissance à son enfant en France où le père vit et travaille et où elle vit depuis plus de quatre ans ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle comporte pour sa situation personnelle ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2012, présenté par le préfet de l'Aube ;

Il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la décision contestée fait précisément référence à la situation particulière de la requérante sans se contenter d'utiliser des formules stéréotypées de sorte que sa motivation permet à Mme A de connaître les raisons exactes de la décision qui lui est opposée ;

- Mme A ne remplit aucune des conditions permettant de plein droit l'octroi d'un titre de séjour de sorte qu'il n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour ;

- il n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où Mme A est séparée de son époux depuis le 5 octobre 2009 ;

- il n'a pas méconnu les articles L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que sa relation avec M. Dinh, qui est par ailleurs déjà marié, est très récente, qu'elle n'est pas isolée en cas de retour au Vietnam où vivent ses parents et à destination duquel elle est repartie du 3 juillet au 4 août 2009, qu'elle n'a travaillé que deux mois en France où son mari subvient à ses besoins et qu'elle ne maîtrise pas la langue française ;

- pour les motifs précédemment développés, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté ;

- l'exception d'illégalité doit être écartée ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français ne comporte pas des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour la situation personnelle de Mme A au regard de son droit au respect de la vie privée et familiale ;

Vu, en date du 10 mai 2012, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle admettant Mme A au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 15% ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2012 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller ;

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée en tant qu'elle comporte des formules stéréotypées sans faire état de la situation personnelle de Mme A doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions requises pour prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A remplirait l'une des conditions légales prévues pour la délivrance de plein droit d'un titre de séjour ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse serait illégale faute d'avoir été précédée de la consultation de cette commission ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) " et qu'aux termes de l'article L. 313-12 du même code : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger en raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative peut accorder le renouvellement du titre (...) " ;

Considérant que Mme A, ressortissante vietnamienne, entrée en France le 12 août 2007, s'est mariée avec M. Nguyen, de nationalité française, le 2 mars 2007 au Vietnam ; que par décision du 26 septembre 2007, Mme A s'est vu délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de conjoint de français, valable jusqu'au 25 septembre 2008 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment de la fiche de renseignements et de l'attestation établies par l'intéressée le 26 et le 28 octobre 2010, que Mme A est séparée de son époux depuis le 5 octobre 2009 ; qu'ainsi, et alors même que le divorce n'aurait pas encore été prononcé, Mme A ne remplissait pas la condition de vie commune avec son époux exigée par les dispositions précitées pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour ; que, par suite, le préfet de l'Aube, en refusant de renouveler le titre de séjour de Mme A, n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11-4° précité ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, Mme A, ressortissante vietnamienne, s'est mariée à un ressortissant français le 2 mars 2007 et est entrée en France le 12 août 2007 sous couvert d'un visa Schengen ; qu'il ressort des pièces du dossier que les époux sont séparés depuis le 5 octobre 2009 ; que si Mme A fait valoir qu'elle vit avec un compatriote, M. Dinh, père de son enfant né en France le 29 mai 2010, elle n'établit pas la réalité de cette communauté de vie, au demeurant récente, par la production de deux attestations de son concubin et d'un voisin établies postérieurement à la décision attaquée ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que Mme A n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Vietnam où résident ses parents et ses frères et soeurs, et où elle a résidé jusqu'à l'âge de 23 ans ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision refusant à Mme A la délivrance d'un titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a par suite méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en cinquième lieu, que si Mme A soutient que la décision portant refus de délivrance du titre de séjour emporte pour sa situation personnelle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à la durée de son séjour en France où est née sa fille et où vit le père de celle-ci, il y a lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, d'écarter ce moyen ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) " ;

Considérant que la décision de refus de titre de séjour opposée à Mme A énonce les motifs de droit et de fait qui l'ont fondée ; qu'il résulte des dispositions précitées que l'obligation de quitter le territoire français qui a assorti cette décision n'avait pas à faire l'objet d'une motivation supplémentaire ; que le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de la requérante doit donc être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que la décision refusant la délivrance du titre de séjour " vie privée et familiale " n'est pas entachée d'illégalité ; que, dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire ne peut être accueilli ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas des circonstances qui ont été évoquées précédemment, et notamment du fait que Mme A a donné naissance à sa fille en France, que la mesure d'éloignement prise à son encontre emporterait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la situation personnelle de l'appelante ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté son recours tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 octobre 2011 du préfet de l'Aube en ce qu'il a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme A ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Thi Phuong Thuy Nguyen épouse A et au ministre de l'intérieur.

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12NC00161


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC00161
Date de la décision : 02/08/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Autorisation de séjour - Refus de renouvellement.

Étrangers - Extradition.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : BARBOSA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-08-02;12nc00161 ?
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