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28/03/2013 | FRANCE | N°11NC01638

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 28 mars 2013, 11NC01638


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 octobre 2011, complétée par un mémoire du 29 novembre 2012, présentée pour la société Geotec, ayant son siège social 9 boulevard de l'Europe à Quétigny (21800), par Me Rémond, avocat ;

La société Geotec demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0901526 en date du 12 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon l'a, d'une part, condamnée in solidum avec la société Tetra à verser à la commune de Monnet-la-Ville la somme de 162 515,55 euros avec intérêts au taux légal à compter

du 1er octobre 2009 et capitalisation des intérêts au 16 juin 2011, d'autre part, conda...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 octobre 2011, complétée par un mémoire du 29 novembre 2012, présentée pour la société Geotec, ayant son siège social 9 boulevard de l'Europe à Quétigny (21800), par Me Rémond, avocat ;

La société Geotec demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0901526 en date du 12 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon l'a, d'une part, condamnée in solidum avec la société Tetra à verser à la commune de Monnet-la-Ville la somme de 162 515,55 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2009 et capitalisation des intérêts au 16 juin 2011, d'autre part, condamnée à garantir la société Tetra à hauteur de 60% de la condamnation solidaire prononcée à son encontre, et enfin a mis les frais d'expertise à hauteur de 60% à sa charge ;

2°) de rejeter la demande de la commune de Monnet-la-Ville ;

3°) de rejeter les conclusions de la société Tetra tendant à la garantir de toute condamnation, et de juger que les désordres sont imputables à la société Tetra ;

4°) subsidiairement, dans l'hypothèse où une responsabilité serait retenue à..., ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Monnet-la-Ville et de la société Tetra la somme de 2 000 euros chacun au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

*En ce qui concerne la faute :

- la société Geotec n'a commis aucune faute contractuelle dès lors que la solution retenue par la commune diffère de celle prévue par la direction départementale de l'équipement et elle -même dans ses études sommaires, et qu'elle n'avait qu'une obligation de moyen et non de résultat ; elle a remis un rapport géotechnique et non géologique ;

- les études de sol qui lui ont été confiées participent d'une étude de faisabilité géotechnique avec prédimensionnement ;

- les fautes de la société Tetra, qui n'a pas tenu compte ou mal interprété les rapports de l'étude réalisée, sont à l'origine directe du dommage ; la société a commis de nombreuses erreurs techniques ; par suite, la société Geotec n'a commis aucune faute contractuelle ;

- la commune a commis une faute en ne la consultant pas au moment de l'exécution des travaux dès lors que le projet initial a été modifié ;

* en ce qui concerne la responsabilité décennale :

- elle doit être mise en oeuvre dès lors qu'elle a réalisé des campagnes de reconnaissance géologiques et participé à la conception d'un ouvrage de confortement du talus ;

* En ce qui concerne le dommage :

- le dommage estimé à 146 814,98 euros, correspondant au coût des travaux de réfection de la paroi posée par la société Tetra, doit être réduit et se limiter aux seules dépenses engagées inutilement ; elle n'a pas à supporter le coût d'une maîtrise d'oeuvre non prévue initialement ainsi que les plus-values apportées à l'ouvrage ;

- le montant à retenir ne doit pas comprendre la TVA dès lors que la commune a la faculté de récupérer une partie de la TVA en activant le fonds de compensation de la TVA ;

* En ce qui concerne le lien de causalité :

- il y a absence de causalité du dommage à raison des stipulations contractuelles formulées sous " observations importantes ", articles 1, 2, 3, 4, 5 ;

- il y a absence de causalité du dommage à raison de la faute de la victime ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense et appel incident et provoqué, enregistré le 23 novembre 2011, complété par un mémoire en date du 29 juin 2012, présenté pour la société Tetra, ayant son siège social aux Fourgs à Bonnetage (25210), par Me Nicolier, avocat ;

La société Tetra demande à la Cour :

- d'annuler le jugement en ce qu'il l'a déclarée responsable à concurrence de 40% du montant des dommages alloués à la commune de Monnet-la-Ville ;

Sur l'effet dévolutif de l'appel :

- de l'exonérer de toute responsabilité ;

- de confirmer la responsabilité de la société Geotec ;

- de rejeter la demande de la commune de Monnet-la-Ville à son encontre ;

- de condamner in solidum M.A..., la commune de Monnet-la-Ville et la société Geotec à lui verser la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur l'appel en garantie à l'encontre de la société Geotec :

- de condamner in solidum M.A..., la commune de Monnet-la-Ville et la société Geotec à la garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

Elle soutient que :

A titre principal :

- l'appel incident de la commune de Monnet-la-Ville, tendant au versement d'une somme complémentaire de 4 270,98 € est irrecevable car tardif ; il n'est pas fondé dès lors qu'il correspond à une expertise privée ; les pièces fournies ne justifient pas que les prêts soient en relation directe avec la procédure initiée par la commune ;

- sa responsabilité ne peut être recherchée dès lors que le glissement de terrain ne provient pas des travaux qu'elle a réalisés, mais de la mauvaise identification géologique de la société Geotec, de la carence de la commune de Monnet-la-Ville et des travaux réalisés par M. A...en 1995 ;

- la commune a commis une faute en ne réalisant pas d'étude de sol complémentaire, en se contentant des deux rapports Geotec, en renonçant à s'entourer de la direction départementale de l'équipement en tant que maître d'oeuvre, en renonçant à faire effectuer l'étude préconisée par elle ;

- la responsabilité de la société Geotec est totale dès lors qu'il y a eu mauvaise identification géologique de sa part et que celle-ci est soumise à la présomption de responsabilité légale de l'article 1792 du code civil ;

- la responsabilité délictuelle de la société Geotec en l'encontre de la société Tetra est engagée sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;

- elle n'est pas le concepteur de l'ouvrage ; elle a établi son devis estimatif en fonction de la conception issue de l'analyse géotechnique du bureau d'études Geotec ;

A titre subsidiaire :

- elle sollicite la garantie de M.A..., de la société Geotec et de la commune de Monnet-la-Ville sur l'ensemble des condamnations pouvant être mises à sa charge, sur un fondement quasi-délictuel ;

Vu le mémoire en défense et appel incident, enregistré le 12 juin 2012, présenté pour la commune de Monnet-la-Ville, représentée par son maire, élisant domicile..., par Me Devevey, avocat ;

Elle conclut au rejet de la requête et à mettre solidairement à la charge des sociétés Tetra et Geotec la somme de 4 270,98 euros à lui verser en remboursement des intérêts réglés dans le cadre de deux prêts bancaires contractés par la commune en vue de financer l'expertise privée ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- il ressort du rapport d'expertise judiciaire que la responsabilité contractuelle de la société Geotec doit être retenue dès lors qu'elle a commis une erreur technique dans le descriptif de la composition géologique des sols, ce qui a induit en erreur la société Tetra ;

- elle n'a commis aucune faute ;

- la responsabilité de la société Tetra doit être retenue dès lors que la paroi mise en place n'a jamais rempli son office de soutènement du terrain communal, alors qu'elle a conçu et réalisé ledit ouvrage et qu'elle n'a pas attiré l'attention de la commune sur les travaux à réaliser et sur la nécessité de recourir à une maitrise d'oeuvre spécialisée ;

- le montant du préjudice retenu par les premiers juges doit être confirmé et augmenté d'une somme de 1 610,68 euros retenue par l'expert judiciaire en remboursement des intérêts réglés dans le cadre des deux prêts bancaires contractés en vue de financer l'expertise et les mesures d'investigations diligentées, somme qui s'élève aujourd'hui à 4 270,98 euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la correspondance en date du 18 février 2013 par laquelle la Cour a informé les parties qu'elle était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'incompétence de la juridiction administrative à l'effet de statuer sur les conclusions en garantie de la société Tetra à l'encontre de M.A... ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 mars 2013 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Me Verisson, avocat de la société Geotec, ainsi que celles de Me Devevey, avocat de la commune de Monnet-la-Ville ;

1. Considérant que la commune de Monnet-la-Ville (Jura) est propriétaire d'un terrain, situé 8 rue du Tillot, constitué d'un talus naturel allant en pente douce jusqu'à la rivière le Tillot, qui jouxte un lotissement réalisé en 1973, composé d'immeubles d'habitation appartenant notamment à MM. A...et D...; qu'à la suite d'un glissement de terrain intervenu en février 1995, la commune a commandé à la société Geotec en octobre 1995 une étude de stabilité et de confortement du talus ; que celle-ci a rendu un rapport le 21 mars 1996, complété par une étude de sol complémentaire du 5 novembre 1996 ; que la commune de Monnet-la-Ville a passé, en 1999, un marché avec la société Tetra afin que celle-ci réalise sur le terrain en cause une paroi berlinoise autostable ; que postérieurement à la réalisation de l'ouvrage, de nouveaux affaissements se sont produits ; que la commune de Monnet-la-Ville a fait réaliser une expertise privée par M. C...ainsi que des relevés topographiques et de nouvelles études de sol par la société Fondasol afin de déterminer les causes de ces affaissements ; qu'un rapport d'expertise a été rendu le 20 avril 2009 en application d'une ordonnance du 29 mai 2006 du président du Tribunal administratif de Besançon ; que par le jugement contesté en date du 12 juillet 2011, le Tribunal administratif de Besançon a, d'une part, condamné la société Geotec in solidum avec la société Tetra à verser à la commune de Monnet-la-Ville la somme de 162 515,55 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2009 et capitalisation des intérêts au 16 juin 2011, d'autre part, condamné ladite société à garantir la société Tetra à hauteur de 60% de la condamnation solidaire prononcée à son encontre et, enfin, a mis les frais d'expertise à hauteur de 60% à sa charge ; que la société Geotec relève appel en demandant sa mise hors de cause et, subsidiairement, à ce que seule sa responsabilité décennale soit engagée ; que, par voie d'appel incident, la commune de Monnet-la-Ville conclut à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions indemnitaires ; que, par voie d'appel incident et provoqué, la société Tetra demande enfin que le jugement soit réformé en tant qu'il a retenu sa responsabilité et l'a condamnée à garantir la société Geotec à hauteur de 40% des dommages et, subsidiairement, à ce que M.A..., voisin de la propriété affectée par le glissement de terrain, la commune de Monnet-la-Ville et la société Geotec la garantissent de toute condamnation mise à sa charge ;

Sur la responsabilité de la Société Geotec :

En ce qui concerne la nature de la responsabilité encourue :

2. Considérant que si l'exécution de l'obligation du débiteur d'une prestation d'étude prend normalement fin avec la remise de son rapport et le règlement par l'administration du prix convenu, sa responsabilité reste cependant engagée, en l'absence de toute disposition ou stipulation particulière applicable à ce contrat, à raison des erreurs ou carences résultant d'un manquement aux diligences normales attendues d'un professionnel pour la mission qui lui était confiée ; que la responsabilité du prestataire d'étude peut, toutefois, être exonérée en cas de force majeure ou de faute du commanditaire de l'étude à l'exclusion de toute faute d'un tiers ; qu'en l'espèce, la société Geotec est intervenue en tant que prestataire de service à l'égard de la commune de Monnet la Ville aux fins de réaliser une étude technique ; que, par suite, la commune de Monnet-la-Ville, nonobstant la remise de son rapport et le règlement par la commune du prix convenu, pouvait, contrairement à ce que soutient la société Geotec, rechercher sa responsabilité contractuelle ;

3. Considérant que si la société Geotec soutient, dans le dernier état de ses écritures, que sa responsabilité ne pourrait en tout état de cause être recherchée qu'au titre de la garantie décennale des constructeurs dès lors que son intervention n'était pas limitée à la reconnaissance géologique du terrain et s'étendait à la conception d'un ouvrage de confortement du talus et qu'ainsi la réception de l'ouvrage de la société Tetra a eu pour effet de mettre fin aux relations contractuelles la liant à la commune, il résulte de l'instruction que cette étude, bien que commandée dans la perspective éventuelle de travaux de soutènement du terrain communal, a été réalisée de manière indépendante et non dans le cadre du marché de travaux correspondant ; que la société Geotec n'ayant par suite pas la qualité de constructeur au regard du marché de travaux litigieux, sa responsabilité ne peut être recherchée au titre de la garantie décennale ;

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de la société Geotec :

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Monnet la Ville a commandé, en octobre 1995, à la société Geotec une " étude de stabilité et de confortement du talus glissé en limite de la parcelle n° 8 du lotissement de Monnet la Ville " comprenant entre autres la réalisation de deux sondages géologiques profonds de 6 m, d'essais pressiométriques (...) permettant de préciser les caractéristiques mécaniques des couches de sol, d'une étude de stabilité et de confortement du talus permettant de préciser le renforcement à mettre en place sur le talus actuel sur la base d'un relevé topographique du talus, ainsi que l'élaboration d'un rapport de synthèse et d'interprétation consignant tous les résultats du calcul et de conclusions sur le confortement du talus précisant les recommandations nécessaires ; qu'une étude de sol complémentaire a été effectuée le 5 novembre 1996 à la demande de la direction départementale de l'équipement ; qu'il y est noté que le dispositif retenu comprend une paroi de pied, un masque drainant dans la pente du talus et une tranchée sur le replat amont, et qu'un sondage à 10 m de profondeur a permis de déterminer la nature des sols ; que l'expert mandaté par le Tribunal administratif de Besançon a noté que si les caractéristiques mécaniques des différentes couches ressortant de l'étude de la société Fondasol commandée par la commune sont comparables à celles mises en évidence par Geotec, en revanche, la coupe géologique réalisée par la société Fondasol a fait apparaître que le substratum marneux est situé à une profondeur supérieure à 18 m alors que la société Geotec avait estimé que celui-ci était situé entre 2,40 m et 4,30 m ; que, toutefois, ce que la société Geotec a identifié comme tel n'était qu'une marne plastique inassimilable au substratum marneux local, seul doté d'une certaine stabilité ; qu'il ressort du rapport de l'expert que cette erreur a pu conduire la société Tetra, lorsqu'elle a proposé son ouvrage de soutènement, à penser que celui-ci allait être ancré dans le substratum marneux compact à partir de 3m de profondeur, et ainsi à sous-estimer les caractéristiques mécaniques de son ouvrage ; que si la société Geotec soutient qu'elle a remis un rapport géotechnique et non un rapport géologique, ce qui selon elle ne lui était pas demandé, il ressort des termes mêmes du contrat conclu que la société s'engageait à remettre deux sondages géologiques d'une profondeur de 6 m ; que si elle soutient qu'elle n'avait qu'une obligation de moyen et non une obligation de résultat, il ressort des termes mêmes du devis proposé et accepté, que la société devait fournir une proposition de renforcement du talus actuel ; que, par suite, cette erreur dans la description de la composition géologique du sol, qui n'a pas permis à la société Tetra, chargée par la commune de la réalisation de l'ouvrage de soutènement, de bénéficier d'informations fiables, est de nature à engager la responsabilité contractuelle de la société Geotec et ce quand bien même l'ouvrage réalisé n'est pas conforme à celui qu'elle avait projeté ; qu'un double glissement de terrain étant survenu à une profondeur de 3 m à 3,50 m et à une profondeur de 20 mètres, il n'est au demeurant pas établi que la même erreur d'appréciation de la nature des sols n'aurait pas, eu égard à la conception de l'ouvrage de soutènement qu'elle avait préconisé, également conduit à rendre cet ouvrage tout aussi inefficace que celui de la société Tetra pour s'opposer au glissement de terrain ;

5. Considérant il est vrai que si la société Geotec invoque les observations figurant en annexe à son rapport, en vertu desquelles son étude n'est susceptible de s'appliquer qu'aux seuls ouvrages décrits, et soutient par suite qu'elle n'encourrait aucune responsabilité dès lors que l'ouvrage réalisé n'est pas conforme à ses préconisations, il ressort de ce document qu'il ne concerne que la conception et la réalisation de l'ouvrage préconisé, alors que la responsabilité recherchée porte sur le caractère erroné des résultats des études de sol ;

En ce qui concerne les conclusions de la société Geotec tendant à l'atténuation de sa responsabilité à raison des fautes commises par la commune de Monnet-la-Ville et la société Tetra :

6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du rapport d'expertise qu'il aurait fallu que la société Tetra puisse s'appuyer sur une étude bien plus complète que celle de la société Geotec pour que son ouvrage, que la commune de Monnet-la-Ville reconnaît avoir accepté, soit correctement conçu ; qu'il résulte de l'instruction que, par souci d'économie, la commune n'a pas estimé devoir donner suite aux recommandations de la direction départementale de l'équipement qui, dès 1997, avait conseillé la réalisation d'une étude complémentaire ; que, par suite, en ne faisant pas procéder à cette étude et en se bornant à remettre à la société Tetra le rapport rédigé par la société Geotec, la commune a commis une imprudence de nature à atténuer la responsabilité de la société Geotec, dont il sera fait une juste appréciation en évaluant son incidence à 20% du préjudice subi ;

7. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert judiciaire que le dommage subi par la commune de Monnet-la-Ville, consistant en la poursuite du phénomène de reptation et d'affaissements de terrain en dépit de l'édification d'une paroi berlinoise par la société Tetra, a pour origine première l'erreur entachant l'étude technique de la société Geotec quant à l'emplacement exact du substratum marneux compact présent dans le sol du talus ; que si la société Tetra n'a pas été mise en mesure d'implanter la paroi berlinoise dans un sol compact en raison de cette erreur, il ressort du rapport d'expertise qu'elle a néanmoins commis des fautes en ne réalisant pas de tranchée drainante profonde en amont de l'ouvrage ni d'éperons drainants en aval, ni de dispositif confortatif de paroi de pied à la base du talus, ni davantage de masque drainant sur la pente et la tranchée drainante sur le replat d'amont alors que ces différents aménagements étaient expressément prévus par l'étude complémentaire du 5 novembre 1996 réalisée par la société Geotec ; que, dans ces conditions, la société Geotec est fondée à demander l'atténuation de sa responsabilité à raison des fautes commises par la société Tetra, dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à 40% du préjudice indemnisable subi par la commune ;

Sur la responsabilité décennale de la société Tetra :

8. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que la paroi berlinoise autostable commandée par la commune de Monnet-la-Ville à la société Tetra le 6 février 1999 a été réceptionnée tacitement par la commune en octobre 1999, et qu'à partir de cette date, plusieurs affaissements de terrains ont continué à se produire malgré la pose de ladite paroi, qui n'a, par suite, jamais rempli son office de soutènement ; que ces désordres, qui n'étaient ni apparents ni prévisibles pour le maître d'ouvrage lors des opérations de réception de l'immeuble, sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination et, par suite, à engager la responsabilité de la société sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, ainsi que l'a jugé à juste titre le Tribunal administratif ;

9. Considérant que le constructeur ne peut être exonéré de sa responsabilité décennale qu'en cas de force majeure ou de faute du maître de l'ouvrage, à l'exclusion de toute faute commise par des tiers ; que si la société Tetra soutient que sa responsabilité décennale ne peut être mise en jeu dès lors que les dommages dont est affectée la paroi berlinoise proviennent d'une cause étrangère à ces travaux, en raison, d'une part, d'une mauvaise identification géologique du terrain par la société Geotec, et, d'autre part, de remblais réalisés par M. A...sur le terrain lui appartenant en amont du terrain communal, de telles circonstances ne peuvent être invoquées s'agissant de la responsabilité décennale ;

10. Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction, comme il a été dit ci-dessus, que la société Tetra n'a, du fait de l'insuffisance de l'étude de la société Geotec, pas été mise à même d'obtenir des informations fiables pour concevoir un ouvrage propre à parer efficacement au risque de glissement de terrain ; que, comme il vient d'être dit, la commune n'a pas estimé devoir donner suite aux recommandations de la direction départementale de l'équipement de procéder à une étude complémentaire après la réalisation par la société Geotec d'un second sondage à 10 m de profondeur et s'est bornée à remettre à la société Tetra le rapport rédigé par la société Geotec ; que la commune de Monnet-la-Ville a ainsi commis une faute de nature à atténuer la responsabilité de la société Tetra à hauteur de 20 % du préjudice subi ;

Sur le préjudice :

11. Considérant que la commune de Monnet-la-Ville a chiffré son préjudice, hors intérêts d'emprunt, à la somme de 162 515,55 euros, incluant le coût des travaux de confortement de l'ouvrage préconisés par l'expert, consistant en l'installation d'un terrassement à l'arrière de la paroi berlinoise, en la substitution de terrains excavés par un remblai léger et la mise en oeuvre d'une paroi cloutée sur le talus-terrasse et en amont afin d'empêcher la poursuite du mouvement de terrain ; qu'un devis de travaux a été établi à cet effet, d'un montant de 131 266,98 euros, auquel se sont ajoutés des honoraires de maîtrise d'oeuvre s'élevant à 15 548 euros ; qu'outre ce qui précède, la commune a demandé une indemnisation complémentaire à hauteur de 15 700,57 euros représentant les frais d'une expertise privée et, pour l'essentiel, le coût des investigations réalisées par la société Fondasol ;

12. Considérant, en premier lieu, que si la société Geotec fait valoir que le préjudice indemnisable devrait être limité au montant des travaux devenus inutiles du fait des glissements de terrain postérieurs à l'installation de l'ouvrage et exclure ainsi les conséquences des mouvements de terrain antérieurs, elle est en tout état de cause fondée, à supposer que l'identification des effets propres à chaque mouvement de terrain soit possible, ce pourquoi elle n'avance d'ailleurs aucun élément d'appréciation précis, à demander l'indemnisation des travaux destinés à remédier efficacement au risque de glissement de terrain ; que si la société Geotec soutient par ailleurs que le dispositif mis en oeuvre représente une amélioration par rapport à l'ouvrage installé par la société Tetra, les travaux litigieux ne consistent pas en la substitution à la paroi berlinoise d'un ouvrage plus performant non prévu au marché, ce qui ferait ressortir une plus-value à déduire du montant de la réparation, mais, comme il a été dit ci-dessus, en un confortement de la paroi berlinoise par des installations propres à lui permettre de jouer efficacement son office ; qu'alors même que les travaux réalisés par la société Tetra n'avaient pas donné lieu à intervention d'un maître d'oeuvre, la commune de Monnet-la-Ville est en outre fondée, eu égard à l'importance des travaux de confortement de l'ouvrage, à inclure dans son préjudice indemnisable le coût de l'assistance par un maître d'oeuvre ; que la commune n'étant pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la gestion de son domaine privé et devant donc en supporter la charge sur les travaux ainsi réalisés, est enfin en droit d'obtenir une indemnité calculée toutes taxes comprises, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elle puisse bénéficier d'un remboursement forfaitaire au titre du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la société Geotec n'est ainsi pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient fait une appréciation excessive du préjudice subi en l'arrêtant à la somme de 162 515,55 euros ;

13. Considérant, en second lieu, que la commune de Monnet-la-Ville fait valoir que c'est à tort que le Tribunal a rejeté sa demande tendant à la prise en charge des intérêts d'emprunt contractés pour financer l'expertise privée et les mesures d'investigation qu'elle avait diligentées afin de déterminer les causes d'affaissement du terrain ; que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Tetra et Geotec, la commune est recevable, par voie d'appel incident, à demander la réformation du jugement en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses conclusions indemnitaires, et ce après expiration du délai d'appel, de telles conclusions n'étant pas soumises à des conditions de délai ;

14. Considérant qu'il ressort des pièces produites par la commune, que par délibération du 5 août 2005, le maire a été autorisé à signer un contrat de prêt à hauteur de 15 000 euros, que par délibération du 28 août 2010 le conseil municipal de la commune a autorisé la prorogation du prêt relais pour deux ans, et que par délibération du 14 juin 2008, le conseil municipal a autorisé la réalisation d'un " emprunt complémentaire pour assurer le financement des honoraires et sondages supplémentaires concernant le glissement de terrain communal pour 25 000 euros " ; qu'il ressort des documents fournis par la commune que le montant total des intérêts d'emprunt versés entre 2009 et le 30 avril 2012 s'élève à 4 270,98 euros toutes taxes comprises ; que l'expertise privée ainsi que les investigations de la société Fondasol ont été utiles en tant qu'elles ont concouru à la détermination des causes du dommage ; que les sociétés Geotec et Tetra n'allèguent pas que la commune aurait été en mesure de financer les prestations en cause sans recourir à l'emprunt ; qu'ainsi, le montant total du préjudice doit être fixé à 166 786,53 euros ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Monnet-la-Ville est, après déduction des 20% correspondant à l'incidence de sa propre faute dans la survenance du dommage, fondée à demander à être indemnisée à hauteur de 133 429,22 euros ;

Sur la condamnation de la société Geotec :

16. Considérant qu'eu égard à la part de responsabilité lui incombant, il y a lieu de mettre 60% de ladite somme à la charge de la société Geotec, soit une somme de 80 057,53 euros ;

Sur la condamnation de la société Tetra et ses conclusions d'appel en garantie :

16. Considérant, en premier lieu, que les conclusions d'appel en garantie dirigées par la société Tetra contre M.A..., personne privée n'ayant pas participé aux travaux litigieux, sont irrecevables comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

17. Considérant, en second lieu, que seule la faute de la commune, et non le fait du tiers, étant de nature à exonérer la société Tetra de sa responsabilité au titre de la garantie décennale, la commune de Monnet-la-Ville est fondée à demander la condamnation de la société Tetra à hauteur du montant total du préjudice indemnisable, soit 133 429,32 euros ; que, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, aucune condamnation solidaire des sociétés Geotec et Tetra ne peut être prononcée dès lors que chacune est condamnée sur un fondement juridique différent et que la société Geotec n'a pas la qualité de constructeur ; que, dans l'hypothèse où la commune, laquelle ne peut être indemnisée d'une somme supérieure à 133 429,32 euros, entendrait demander à la société Tetra de l'indemniser à hauteur de l'intégralité de cette somme, celle-ci sera alors fondée à rechercher la garantie de la société Geotec ; qu'il ressort des éléments d'appréciation sus rappelés que la société Geotec a, par sa faute, contribué à la réalisation du dommage subi à concurrence de 60% du préjudice indemnisable ; que la société Geotec devra ainsi être condamnée à garantir la société Tetra à hauteur d'une somme de 80 057,53 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge des parties une somme quelconque au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme que la société Geotec a été condamnée à verser à la commune de Monnet-la-Ville par le jugement du Tribunal administratif de Besançon du 12 juillet 2011 est ramenée à 80 057,53 € (quatre vingt mille cinquante sept euros cinquante trois centimes).

Article 2 : La somme que la société Tetra a été condamnée à verser à la commune de Monnet-la-Ville par le jugement du Tribunal administratif de Besançon du 12 juillet 2011 est ramenée à 133 429,32 € (cent trente trois mille quatre cent vingt neuf euros, trente deux centimes).

Article 3 : Dans l'hypothèse où la commune de Monnet-la-Ville entendrait rechercher uniquement la condamnation de la société Tetra, celle-ci sera fondée à demander à être garantie par la société Geotec à concurrence d'une somme de 80 057,53 € (quatre vingt mille cinquante sept euros cinquante trois centimes).

Article 4 : L'appel en garantie de la société Tetra à l'encontre de M. A...est rejeté comme porté devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 5 : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Geotec, à la société Tetra, à la commune de Monnet-la-Ville et à M. B...A.son encontre, de juger que seule la responsabilité décennale des constructeurs peut être appliquée

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11NC01638


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01638
Date de la décision : 28/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité contractuelle.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale - Responsabilité de l'entrepreneur - Faits de nature à engager sa responsabilité.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale - Responsabilité de l'entrepreneur - Faits susceptibles d'atténuer la responsabilité de l'entrepreneur.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Actions en garantie.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Réparation - Préjudice indemnisable - Évaluation - Plus-values apportées aux ouvrages par la réparation des désordres.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : SCP CONVERSET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-03-28;11nc01638 ?
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