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13/04/2021 | FRANCE | N°20NC03070

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 13 avril 2021, 20NC03070


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... née A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 février 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière, ensemble la décision du 11 mai 2020 rejetant son recours gracieux formé le 9 mars 2020.

Par un jugement n° 2003342 du 24 septembre

2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... née A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 février 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière, ensemble la décision du 11 mai 2020 rejetant son recours gracieux formé le 9 mars 2020.

Par un jugement n° 2003342 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2020, Mme B... C... née A..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2003342 du tribunal administratif de Strasbourg du 24 septembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 17 février 2020, ensemble la décision du 11 mai 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'inexactitude matérielle ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2021, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., née A..., est une ressortissante turque, née le 10 avril 1972. Elle a déclaré être entrée irrégulièrement en France, en dernier lieu, en août 2011. Par un arrêté du 14 juin 2012, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 octobre 2012 et un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 1er août 2013, le préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande de titre de séjour présentée en mai 2012 en application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et lui a fait obligation de quitter le territoire français. La requérante, qui affirme ne pas avoir déféré à cette mesure d'éloignement et s'être maintenue irrégulièrement en France, a sollicité, le 17 décembre 2019, son admission au séjour en se prévalant de son mariage avec un compatriote, titulaire d'une carte de résident, et de la présence en France de leurs six enfants. Toutefois, par un arrêté du 17 février 2020, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Son recours gracieux, formé par un courrier du 9 mars 2020, ayant été rejeté le 11 mai suivant, Mme C... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 17 février 2020. Elle relève appel du jugement n° 20003342 du 24 septembre 2020, qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a épousé, le 5 mars 2019, au consulat général de Turquie à Strasbourg, un compatriote, titulaire d'une carte de résident et exerçant le métier de chef de chantier. Il n'est pas contesté que le couple est parent de six enfants vivant régulièrement en France, dont le dernier est né à Mulhouse le 12 mai 2014, et que quatre de ces enfants, dont trois mineurs scolarisés, résident toujours au domicile conjugal. S'il est vrai que la requérante, qui déclare être présente sur le territoire français depuis le mois d'août 2011, ne parle pas français et ne justifie pas de son intégration dans la société française, les pièces versées au dossier, si elles ne permettent pas de démontrer, de façon certaine, la permanence de son séjour en France, suffisent, en revanche, à attester de l'existence d'une communauté de vie bien antérieure au mariage. Par suite, alors même que la requérante n'est pas isolée dans son pays d'origine, où vivent notamment ses parents et ses cinq soeurs, et qu'elle entre dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial, elle est fondée à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à demander, pour ce motif, son annulation. Par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination, qui se trouvent dépourvues de base légale, doivent également être annulées.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 17 février 2020 et de la décision du 11 mai 2020 rejetant son recours gracieux formé le 9 mars 2020. Par suite, elle est également fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Sur les frais de justice :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme C... d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2003342 du tribunal administratif de Strasbourg du 24 septembre 2020 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 17 février 2020 et la décision du 11 mai 2020 du préfet du Haut-Rhin sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera 1 500 euros à Mme C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour Mme B... C... née A... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

N° 20NC03070 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03070
Date de la décision : 13/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : YASIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-04-13;20nc03070 ?
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