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15/06/2021 | FRANCE | N°20NC03203

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 15 juin 2021, 20NC03203


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2020 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné, l'a assigné à résidence et lui a interdit le retour sur le territoire pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2005574 du 29 septembre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg

a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 nove...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2020 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné, l'a assigné à résidence et lui a interdit le retour sur le territoire pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2005574 du 29 septembre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 29 septembre 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 8 septembre 2020 du préfet de la Moselle ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant l'instruction de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

- l'arrêté attaqué n'est pas motivé ;

- le préfet ne pouvait pas prendre une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans avoir instruit sa nouvelle demande d'autorisation de séjour ;

- l'arrêté litigieux porte une atteinte disproportionnée à sa situation personnelle et à sa vie familiale en méconnaissance des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- aucun risque de fuite n'étant établi, le préfet ne pouvait pas se fonder sur l'article L. 511-1 II 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'article L. 511-1 III alinéa 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'était pas applicable dès lors qu'aucune décision de refus de délai de départ volontaire ne pouvait être prise ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnait le caractère humanitaire et exceptionnel de la situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 15 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant albanais, est entré sur le territoire français, selon ses déclarations, le 7 avril 2016 avec son épouse et leurs deux enfants mineurs afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Il a fait l'objet, en 2018 et en 2019, de deux arrêtés portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français auxquels il n'a pas déféré. Le 7 septembre 2020, il a fait l'objet d'un contrôle d'identité par les services de la police aux frontières de Thionville et a été placé en retenue pour vérification de son droit au séjour. Par un arrêté du 8 septembre 2020, le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai, l'a assigné à résidence et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. A... fait appel du jugement du 29 septembre 2020 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 8 septembre 2020 :

2. A la date à laquelle l'obligation de quitter le territoire français a été prise à l'encontre de M. A..., son épouse était titulaire d'une autorisation provisoire de séjour en raison de son état de santé, délivrée le 3 août 2020, et la préfecture avait réceptionné le 17 août 2020 une demande de titre de séjour présentée par le requérant en qualité d'accompagnant d'un étranger malade. L'arrêté litigieux, qui mentionne que Mme A... ne justifiait pas d'un droit au séjour, révèle un défaut d'examen réel et sérieux de la situation du requérant. M. A... est ainsi fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français pour ce motif.

3. Les décisions refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination, l'assignant à résidence et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant un an doivent, par voie de conséquence, être annulées.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 8 septembre 2020.

Sur les conclusions d'injonction :

5. Le motif de l'annulation retenu au point 2 implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer la situation de M. A..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés à l'instance :

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., conseil de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante à l'instance, le versement à cet avocat d'une somme de 1 200 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 septembre 2020 et l'arrêté du préfet de la Moselle du 8 septembre 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer la situation de M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à Me B..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 20NC03203


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03203
Date de la décision : 15/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : HAMMOUCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-15;20nc03203 ?
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