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05/10/2021 | FRANCE | N°21NC00094

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 05 octobre 2021, 21NC00094


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. E... D..., Mme B... D..., M. C... D... et M. F... D... ont demandé chacun au tribunal administratif de Nancy d'annuler les décisions du 17 avril 2020 A... lesquelles le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur renouveler leur certificat de résidence, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jour et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière.

A... quatre jugements, nos 2001211 à 2001214, du 15 septembre 20

20, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes respectives.

Pr...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. E... D..., Mme B... D..., M. C... D... et M. F... D... ont demandé chacun au tribunal administratif de Nancy d'annuler les décisions du 17 avril 2020 A... lesquelles le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur renouveler leur certificat de résidence, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jour et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière.

A... quatre jugements, nos 2001211 à 2001214, du 15 septembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes respectives.

Procédures devant la cour :

I. A... une requête, enregistrée le 12 janvier 2021, sous le n° 21NC00094, M. E... D..., représenté A... Me Coche-Mainente, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2001212 du tribunal administratif de Nancy du 15 septembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du 17 avril 2020 le concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, sous astreinte de cent euros A... jours de retard, de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai respectif de trente et de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner le préfet de Meurthe-et-Moselle aux entiers dépens et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant refus de renouvellement d'un certificat de résidence a été prise A... une autorité incompétente ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur de droit et d'un détournement de procédure dès lors que le préfet de Meurthe-et-Moselle a lié son droit au séjour à celui de son père au motif qu'il a été admis au séjour dans le cadre d'une procédure de regroupement familial ;

- la décision méconnaît également les stipulations du 5) du deuxième alinéa de l'article 6, celles du b) du premier alinéa de l'article 7 et celles du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des stipulations du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de renouvellement du certificat de résidence de son père ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de son certificat de résidence ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

A... un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués A... M. D... ne sont pas fondés.

M. E... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale A... une décision du 15 décembre 2020.

II. A... une requête, enregistrée le 12 janvier 2021, sous le n° 21NC00095, Mme B... D..., représentée A... Me Coche-Mainente, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2001211 du tribunal administratif de Nancy du 15 septembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du 17 avril 2020 la concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, sous astreinte de cent euros A... jours de retard, de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai respectif de trente et de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner le préfet de Meurthe-et-Moselle aux entiers dépens et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de renouvellement d'un certificat de résidence a été prise A... une autorité incompétente ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et familiale, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'ayant pas apprécié l'intérêt supérieur de ses trois enfants mineurs ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'un détournement de procédure, dès lors que le préfet de Meurthe-et-Moselle a conditionné son droit au séjour à celui de son époux au motif qu'elle a été admise au séjour dans le cadre d'une procédure de regroupement familial ;

- elle méconnaît les stipulations du 5) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de renouvellement du certificat de résidence de son époux ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de son certificat de résidence ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

A... un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués A... Mme D... ne sont pas fondés.

Mme B... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale A... une décision du 15 décembre 2020.

III. A... une requête, enregistrée le 12 janvier 2021, sous le n° 21NC00096, M. C... D..., représenté A... Me Coche-Mainente, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2001214 du tribunal administratif de Nancy du 15 septembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du 17 avril 2020 le concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, sous astreinte de cent euros A... jours de retard, de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai respectif de trente et de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner le préfet de Meurthe-et-Moselle aux entiers dépens et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant refus de renouvellement d'un certificat de résidence a été prise A... une autorité incompétente ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur de droit et d'un détournement de procédure, dès lors que le préfet de Meurthe-et-Moselle a conditionné son droit au séjour à celui de son père au motif qu'il a été admis au séjour dans le cadre d'une procédure de regroupement familial ;

- la décision méconnaît les stipulations du 5) du deuxième alinéa de l'article 6 et celles du b) du premier alinéa de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des stipulations du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de renouvellement du certificat de résidence de son père ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de son certificat de résidence ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

A... un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués A... M. D... ne sont pas fondés.

M. C... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale A... une décision du 15 décembre 2020.

IV. A... une requête, enregistrée le 12 janvier 2021, sous le n° 21NC00098, M. F... D..., représenté A... Me Coche-Mainente, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2001213 du tribunal administratif de Nancy du 15 septembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du 17 avril 2020 le concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, sous astreinte de cent euros A... jours de retard, de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai respectif de trente et de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner le préfet de Meurthe-et-Moselle aux entiers dépens et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant refus de renouvellement d'un certificat de résidence a été prise A... une autorité incompétente ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et familiale, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'ayant pas apprécié l'intérêt supérieur de ses trois enfants mineurs ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'un détournement de procédure ;

- elle méconnaît les stipulations du a) du premier alinéa de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 5) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de son certificat de résidence ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

A... un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués A... M. D... ne sont pas fondés.

M. F... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale A... une décision du 15 décembre 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Meisse, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 21NC00094, n° 21NC00095, n° 21NC00096 et n° 21NC00098, présentées respectivement pour M. E... D..., Mme B... D..., M. C... D... et M. F... D..., concernent les membres d'une même famille d'étrangers au regard de leur droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer A... un seul arrêt.

2. M. F... D... est un ressortissant algérien, né en 1970. Détaché temporairement pour une durée de quatre ans, A... une décision du 22 janvier 2015 du ministère algérien des affaires religieuses et des wakfs, afin d'exercer les fonctions d'" imam moudères " et d'assurer l'encadrement religieux auprès de la grande mosquée de Paris, il est entré régulièrement en France, le 24 janvier 2015, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de long séjour. Ayant été muté en qualité d'imam le 4 février 2015 à la mosquée de Joeuf (Meurthe-et-Moselle), il a été mis en possession, à compter du 25 septembre 2015, d'un certificat de résidence d'un an portant la mention " visiteur ", qui a été régulièrement renouvelé jusqu'au 28 octobre 2019. A la suite de sa demande de regroupement familial du 2 novembre 2015, M. F... D... a été rejoint sur le territoire français, le 11 octobre 2017, A... son épouse, Mme B... D..., ressortissante algérienne née le 20 février 1977, et A... leurs cinq enfants, dont M. E... D... et M. C... D..., nés respectivement en Algérie les 7 juin 1998 et 27 janvier 2000. Après avoir bénéficié de récépissés, ces derniers ont également été mis en possession d'un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", valable jusqu'au 14 février 2020. Les requérants ayant tous présenté une demande de renouvellement de leur certificat de résidence, M. F... D... sollicitant en outre son admission au séjour sur le fondement des stipulations du 5) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles, le préfet de Meurthe-et-Moselle, A... quatre arrêtés du 17 avril 2020, a refusé de faire droit à ces demandes, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière. Les consorts D... ont saisi chacun le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 17 avril 2020. Ils relèvent appel des jugements n° 2001211 à n° 2001214 du 15 septembre 2020, qui rejettent leurs demandes.

Sur le bien-fondé des jugements :

En ce qui concerne M. F... D... :

S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence :

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision en litige a été signée, " pour le préfet et A... délégation ", A... Mme Marie-Blache Bernard, secrétaire générale de la préfecture de Meurthe-et-Moselle. Or, A... un arrêté du 21 janvier 2020, régulièrement publié le lendemain au recueil n° 8 des actes administratifs de la préfecture, le préfet de Meurthe-et-Moselle a consenti à l'intéressée une délégation de signature à l'effet de signer notamment tout arrêté ou décision relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des arrêtés de conflit. A... suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'acte manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, la décision en litige, qui, contrairement aux allégations de M. D..., mentionnent l'existence de ses trois enfants mineurs, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. A... suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

5. En troisième lieu, il ne ressort ni des motifs de la décision en litige, ni des autres pièces du dossier, que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait négligé de procéder à un examen particulier de sa situation personnelle et familiale, spécialement au regard de l'intérêt supérieur de ses trois enfants mineurs. A... suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes du a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " Les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent après le contrôle médical d'usage un certificat valable un an renouvelable et portant la mention " visiteur " ; (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article 4 du même accord : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; (...) ".

7. En l'absence de toute contestation sur la substitution de motifs sollicitée en première instance A... le préfet de Meurthe-et-Moselle et accordée A... les premiers juges, la décision en litige doit être regardée comme refusant à M. D... le renouvellement de son certificat de résidence portant la mention " visiteur " au motif que l'intéressé ne justifie pas de moyens d'existence suffisants.

8. D'une part, contrairement aux allégation du requérant, il ressort des pièces du dossier que l'autorité préfectorale a apprécié cette condition au regard des stipulations du a) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et non pas au regard de celles du 1 du troisième alinéa de l'article 4 du même accord, qui concernent le regroupement familial. A... suite, les moyens tirés respectivement de l'erreur de droit et du détournement de procédure ne peuvent qu'être écartés.

9. D'autre part, il n'est pas établi, ni même allégué, que la proposition en date du 20 septembre 2019 de l'association cultuelle gérant la mosquée de Joeuf de maintenir M. D... comme imam pour une durée indéterminée ait été suivie d'effet, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'un nouvel imam détaché A... le ministère algérien des affaires religieuses et des wakfs a succédé à l'intéressé sur ce poste à compter du mois d'avril 2019. Le requérant fait valoir qu'il a été recruté, à compter du 17 février 2020, A... une association culturelle socio-professionnelle algérienne de Faulquemont (Moselle), dans le cadre d'un contrat à durée déterminée de dix mois, pour exercer, à raison de vingt heures A... semaine, les fonctions d'animateur d'activités culturelles et ludiques et d'apprentissage des langues. Toutefois, il résulte tant des stipulations de son contrat de travail, que des fiches de paie versées au dossier, que son salaire brut mensuel s'élève à 880 euros. Et, s'il est vrai que ses deux fils majeurs ont régulièrement travaillé en 2019 comme agent de fabrication pour l'un, comme cariste pour l'autre, il ne ressort pas des pièces du dossier que leur activité professionnelle, accomplie en qualité de salariés intérimaires pour des missions limitées dans le temps, se soit poursuivie au-delà du mois de février 2020. Dans ces conditions, et alors que l'épouse de l'intéressé, qui ne dispose d'aucune ressource propre, doit être regardée comme étant à sa charge, tout comme leurs trois autres enfants mineurs, M. D... ne justifie pas, A... les éléments qu'il fait valoir, posséder des moyens d'existence suffisants, au sens des stipulations du a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, pour subvenir aux besoins d'une famille de sept personnes. A... suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue A... la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est arrivé en France le 24 janvier 2015 et a été rejoint, le 11 octobre 2017, A... son épouse, ses deux fils majeurs et ses trois enfants mineurs, nés les 20 octobre 2005, 29 octobre 2011 et le 1er mars 2013. Il est constant que le requérant n'a été admis à séjourner en France que pour exercer les fonctions d'imam dans le cadre d'un détachement de quatre ans non renouvelable et que les intéressés ne pouvaient raisonnablement ignorer qu'ils seraient dans l'obligation de retourner en Algérie à l'issue de cette période. M. D... n'établit pas, ni même n'allègue, être isolé dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante-cinq ans. La circonstance que ses deux fils majeurs ont travaillé plusieurs mois en tant qu'intérimaires, qu'ils ont signé avec leur mère un contrat d'intégration républicaine et que l'aîné des deux, après avoir suivi des cours à l'université de Lorraine pendant deux ans, est inscrit en première année de brevet de technicien supérieur, ne suffit pas à lui conférer un droit au séjour. Enfin, son épouse et ses deux enfants majeures étant également sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en Algérie, ni à ce que les trois enfants encore mineurs, actuellement scolarisés en France, poursuivent dans leur pays d'origine une existence et une scolarité normales. A... suite, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de la méconnaissance des stipulations du 5) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. En sixième et dernier lieu, pour les raisons qui viennent d'être exposés, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. D... ne peut être accueilli.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation.

14. En second lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

15. Ainsi qu'il a été dit au point 11 du présent arrêt, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les trois enfants mineurs de M. D... seraient dans l'impossibilité de poursuivre en Algérie une existence et une scolarité normales. A... suite, et alors que la décision en litige n'a, ni pour objet, ni pour effet, de séparer ces enfants de leurs parents, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne Mme B... D... :

S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence :

16. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de l'incompétence de la signataire de la décision en litige, du défaut de motivation et du défaut d'examen particulier, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés.

17. En deuxième lieu, Mme D... ayant été admise au séjour dans le cadre du regroupement familial, le préfet a pu, sans commettre une erreur de droit ou un détournement de procédure, estimer que le non-renouvellement du certificat de résidence de son époux faisait obstacle au renouvellement du certificat de résidence dont elle bénéficiait jusqu'alors à ce titre.

18. En troisième et dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 3 à 12 du présent arrêt, Mme D... n'est pas, en tout état de cause, fondée à soutenir que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité du refus de renouvellement du certificat de résidence opposé à son époux.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

19. Il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment.

En ce qui concerne MM. Mohamed et Hichem D... :

S'agissant des décisions portant refus de délivrance d'un certificat de résidence :

20. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de l'incompétence de la signataire des décisions en litige, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés.

21. En deuxième lieu, M. E... D... et M. C... D... ayant été admis au séjour dans le cadre du regroupement familial, le préfet a pu, sans commettre une erreur de droit ou un détournement de procédure, estimer que le non-renouvellement du certificat de résidence de leur père faisait obstacle au renouvellement du certificat de résidence dont ils bénéficiaient jusqu'alors à ce titre.

22. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E... D... ait sollicité la délivrance du certificat de résidence portant la mention " étudiant " prévu A... le premier alinéa du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé. Le préfet de Meurthe-et-Moselle n'ayant pas examiné d'office si l'intéressé pouvait être admis au séjour sur ce fondement, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de cet article est inopérant et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

23. En quatrième lieu, aux termes du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé A... les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée A... la législation française ; (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies A... l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; (...) ".

24. D'une part, en prévoyant l'apposition de la mention " salarié " sur le certificat de résidence délivré aux ressortissants algériens et en précisant que cette mention constitue l'autorisation de travail exigée A... la législation française, les stipulations du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 rend applicables à l'exercice A... ces ressortissants d'une activité salariée les dispositions du code du travail et notamment celles de l'article R. 5221-20 du code du travail relatives à un contrôle fondé sur la situation de l'emploi. A... suite, contrairement aux allégations de M. E... D... et de M. C... D..., le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas commis d'erreur de droit en leur opposant la situation de l'emploi.

25. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, que pour refuser de délivrer aux requérants un certificat de résidence portant la mention " salarié ", l'autorité préfectorale s'est fondée sur la circonstance que les données statistiques du marché du travail dans les professions de cariste et d'agent de fabrication en Lorraine ne permettaient pas d'envisager l'admission de nouveaux travailleurs. En se bornant à soutenir que la situation de l'emploi n'est pas applicable aux ressortissants algériens, M. E... D... et M. C... D... ne contestent pas sérieusement le motif qui leur a été ainsi opposé A... l'administration. A... suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.

26. En cinquième et dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 3 à 12 du présent arrêt, M. E... D... et M. C... D... ne sont pas, en tout état de cause, fondés à soutenir que les décisions en litige seraient illégales en raison de l'illégalité du refus de renouvellement du certificat de résidence opposé à leur père.

S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

27. Il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de ce que les décisions en litige seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un certificat de résidence, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment.

28. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts D... ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions du préfet de Meurthe-et-Moselle du 17 avril 2020 les concernant. A... suite, ils ne sont pas davantage fondés à soutenir que c'est à tort que, A... les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande respective. A... voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction, leurs conclusions à fin d'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative et leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes nos 21NC00094, 21NC00095, 21NC00096 et 21NC00098 présentées A... les consorts D... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., à Mme B... D..., à M. C... D..., à M. F... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

N° 21NC00094, 21NC00095, 21NC00096, 21NC00098 12


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00094
Date de la décision : 05/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : COCHE-MAINENTE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-05;21nc00094 ?
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